Le blog de Arnaud-Guilhem Lamy
Quel avenir pour l’indépendance des banques centrales ?
Certains politiques en Europe et les tweets de Donald Trump ont remis en question l’indépendance des banques centrales. Mais, une menace plus pernicieuse pèse actuellement : leur indépendance vis-à-vis des marchés.
Avant la crise de 2007, les banquiers centraux avaient pour doctrine de surprendre le marché, avec la célèbre phrase, attribuée à Alan Greenspan : «Si vous m’avez compris, c’est que je me suis mal exprimé.» Depuis 2008, les banquiers centraux ont eu tendance à prévenir le marché (la «forward guidance»). Un phénomène inquiétant est à l’œuvre en 2019 : les marchés «préviennent» les banques centrales. Le chômage est au plus bas aux Etats-Unis (3,6 %) et l’inflation sous-jacente est proche de 2 %. Mais le marché attend plusieurs baisses des taux d’ici à mars 2020. En zone euro, si l’inflation est stable à 1 %, le chômage baisse depuis 2013, et Mario Draghi a confirmé qu’il était difficile d’être maussade sur la croissance aujourd’hui et que le risque de récession était faible. Mais la BCE confirme les attentes du marché en annonçant la mise en place d’un comité pour examiner les possibilités de baisse des taux et d’un nouveau programme d’achat. Le piège se referme sur les banques centrales : si elles n’agissent pas, le marché devra corriger fortement ses anticipations, et la baisse des prix des actifs financiers aura un impact négatif sur l’économie ; dans le cas contraire, elles risquent de créer une bulle. Les banquiers centraux Benoît Cœuré et François Villeroy de Galhau ont d’ailleurs expliqué récemment que la BCE n’était pas dirigée par les marchés mais par les données économiques. Il reste à en convaincre les investisseurs.
Arnaud-Guilhem Lamy est responsable des stratégies obligataires euro aggregate au sein de BNP Paribas Asset Management.
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