Quels jalons en 2024 ?

Publié le 9 janvier 2024 à 10h38

Jean-Paul Betbèze    Temps de lecture 4 minutes

2024 sera scandée par des échéances d’entreprises et par des échéances surtout militaro-politiques. Les marchés regarderont comme toujours leurs chiffres de croissance, de profit et d’inflation, avec les taux d’intérêt qui s’ensuivent. Mais ils le feront entre ce qui se passera dans divers théâtres d’opérations (Ukraine, Gaza, peut-être Venezuela-Guyana ou autres) et les échéances électorales.

Quelle date pour l’Ukraine, à traduire en finance par : « combien dureront les crédits américains et européens » ? La guerre va vers sa troisième année, dans un pays sous les bombes, en large part détruit dans ses routes, ses ponts, ses barrages et ses centrales électriques. Un miracle qu’il tienne. Combien de temps vont durer les crédits américains pour financer ce pays exsangue ? Autrement dit, quand les Républicains de la Chambre des représentants vont-ils se mettre d’accord avec l’équipe Biden : mur au Mexique contre munitions à Kiev ? Quelles réactions en Europe face à Orban ? Quels effets des baisses de financements ?

Même question pour la guerre Gaza-Israël : il faudra des dollars et des munitions pour Israël post 7 octobre, sans compter les éventuels soutiens au Guyana, si le Venezuela décide de l’envahir, avec des risques de montée du prix du baril. Quelles dates, quels crédits, quels effets ? La dette publique américaine pourra-t-elle augmenter encore, en supposant que les Démocrates acceptent en contrepartie de modérer les budgets sociaux ? La menace d’un défaut souverain américain sera-t-elle crédible, à force d’être brandie ? A contrario, peut-on continuer à le faire  sans que les marchés, alias les acheteurs de bons du Trésor américain, ne finissent par s’inquiéter ?

Quel effet de la date européenne ? Du 6 au 9 juin 2024 auront lieu les élections pour choisir les 720 députés européens, dont 79 pour la France. Dans les mois qui viennent, on entendra tout, de ceux qui veulent renforcer l’Union à ceux qui veulent en raboter les pouvoirs. L’euro pourra en faiblir, en pleine récession ou quasi-récession. Mais il n’est pas évident que le sentiment anti-européen soit très puissant en pleines guerres, tandis que les effets du Brexit pourraient freiner les désirs de quitter l’Union et plus encore l’euro.

Les jalons majeurs, ce seront bien sûr ceux qui concernent les élections américaines. Le 4 mars, date provisoire, devrait être connu un verdict sur quatre charges contre Donald Trump, avec 56 ans de prison à la clé, dont il pourra se gracier s’il est condamné… et élu bien sûr. 18 juillet : fin de la primaire républicaine et nom du candidat. Trump ? 22 août : même chose pour les Démocrates. Biden ? Suspense du replay jusqu’à l’élection du 5 novembre.

Au milieu de ce gymkhana, il restera à voir comment les marchés retrouvent leurs usual suspects. Il s’agira de savoir comment décélère l’inflation, cet indicateur qui polarise leur attention. Du côté de la Banque centrale américaine, son président Jerome Powell a certes arrêté les hausses de taux, mais il ne cesse les mises en garde : il est prêt à les reprendre, si nécessaire. Il n’empêche que ceci paraît peu vraisemblable. 45 000 emplois ont été perdus en novembre, après 36 000 en octobre. Le taux de chômage reste très bas, à 3,7 %, mais l’inflation est de 3,1 %, certes plus que 2 %, mais face à des taux courts à 5,5 %, très élevés pour la faire reculer.

Le dossier d’une baisse des taux est plus convaincant en zone euro, où les taux courts de la BCE sont à 4,5 % contre une inflation à 2,4 % avec une croissance à – 0,1 % au troisième trimestre 2023 et une récession qui menace. La baisse des taux est la bonne nouvelle attendue, mais elle ne suffira pas. La dette publique pèse partout, la croissance et la productivité sont faibles, tandis que le changement climatique et la révolution technologique se poursuivent, avec les fermetures et surtout les investissements et les formations que cela implique.

Pour les banques centrales, 2024 sera l’année de la victoire si elles évitent la récession et enclenchent la remontée. Pas dit. Possible.

Jean-Paul Betbèze Professeur émérite à l’université Panthéon Assas

Jean-Paul Betbèze, économiste, diplômé d’HEC, docteur d’Etat agrégé de sciences économiques. Il a commencé sa carrière dans l’enseignement en tant que professeur d’université, notamment à Paris II-Panthéon Assas à partir de 1987. Entré en 1986 comme directeur d’études au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), il rejoint trois ans plus tard le Crédit Lyonnais comme directeur des études économiques et financières, puis en 1995, comme directeur de la stratégie. En 2003, il est promu conseiller du président et du directeur général de Crédit Agricole, puis directeur des études économiques et chef économiste. Il a crée sa propre structure de conseil en 2013. Membre du Cercle des économistes.

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