«Rien !» (Faust, acte I, scène 1)
«Naturellement, nous ne ferons rien» : cette phrase de Claude Cheysson, alors ministre des Relations extérieures, au moment du coup d’Etat en Pologne de 1981, avait été perçue comme totalement cynique. On peut le penser, mais il faut reconnaître qu’elle était aussi marquée du sceau du réalisme. Toutes proportions gardées, on peut imaginer que, si on interrogeait les autorités européennes sur la situation en Italie et l’éventualité de la mise en œuvre du contrat de gouvernement entre la Ligue et le Mouvement 5 Etoiles, on aurait la même réponse. Naturellement elles ne feront rien, ni la Commission, ni la BCE, ni l’Eurogroupe. Un Etat souverain baisserait les impôts, avancerait l’âge de la retraite, distribuerait un revenu universel ? Eh bien, c’est un État souverain. Certes cela creuserait, sans doute spectaculairement, le déficit. Alors la Commission lancerait une procédure, soulignerait dans ses rapports le dérapage des comptes, et puis… et puis rien. La BCE, de son côté, n’achèterait pas durablement plus de titres italiens s’ils étaient attaqués, et n’en achèterait pas moins, tant que la notation par les agences ne le lui imposerait pas. Et, dans un monde idéal, les dirigeants européens, comme ceux des autres pays, s’abstiendraient de déclarations intempestives, faute de quoi ils ne feraient qu’accentuer le sentiment non pas tant anti-européen qu’anti-Commission et anti-BCE des citoyens. À ce titre, la déclaration du commissaire Oettinger s’attendant à ce que «les marchés donnent un signal aux électeurs de ne pas voter pour les partis populistes» est exceptionnellement contreproductive.