Trump et le dollar : haussier à court terme, baissier à long terme ?
Les marchés ont réagi à l’élection de Donald Trump avec une nette appréciation du dollar. L’indice DXY, qui mesure le dollar contre les principales devises mondiales, s’est apprécié de 3,1 % entre la veille de l’élection et le 13 novembre, mais la hausse atteint 5,9 % par rapport à fin septembre, un moment où les sondages donnaient encore la victoire à Kamala Harris.
On peut voir trois raisons à cette appréciation du dollar. Premièrement, il s’agit de la perspective des augmentations des droits de douane. En effet, les études économiques montrent que cette hausse des droits de douane a tendance à provoquer une appréciation du taux de change du pays qui les met en place contre le pays qui les subit. Deuxièmement, la perspective du durcissement de la politique migratoire irait à l’encontre de ce qui a largement contribué à une normalisation de l’inflation. En effet, la forte augmentation de l’immigration après le Covid a permis un rééquilibrage du marché du travail sans douleur et une résorption des tensions salariales. Revenir là-dessus réduirait la croissance potentielle. Comme par ailleurs, et c’est le troisième point, les promesses de Donald Trump augmenteraient nettement le déficit budgétaire, ce qui soutiendrait la demande, les marchés anticipent donc que la Réserve fédérale devra fixer ses taux à un niveau plus élevé que ce qui était initialement anticipé, soutenant ainsi la devise américaine.
Ce qui pose alors la question des relations entre Donald Trump et la Réserve fédérale. Durant la campagne, Donald Trump a déclaré qu’il aurait son mot à dire sur la politique monétaire et qu’il aimait les taux bas et un dollar faible. Jay Powell a rappelé le principe de l’indépendance de la banque centrale lors de la réunion tenue deux jours après l’élection. Son mandat court jusqu’au printemps 2026. Donald Trump attendra-t-il de nommer quelqu’un de plus aligné avec ses vues ou tentera-t-il de forcer la main de Jay Powell d’ici là ?
Reste que, à plus ou moins brève échéance, les investisseurs pourraient donc se retrouver confrontés à la devise d’un pays avec un déficit budgétaire énorme et une politique monétaire plus si indépendante. La confiance dans le billet vert pourrait alors en pâtir.
Julien-Pierre Nouen est directeur des études économiques et de la gestion diversifiée chez Lazard Freres Gestion
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