Y a-t-il de bonnes nouvelles dans l’économie mondiale ?

Publié le 25 mars 2016 à 17h14

Patrick Artus

On a aujourd’hui l’impression que toutes les régions du monde sont en difficulté, que la dégradation de l’économie mondiale est générale, et, jusqu’à une période récente, ce pessimisme avait conduit à une forte correction à la baisse des marchés financiers.

Mais, en réalité, s’il y a beaucoup de mauvaises nouvelles, il y en a aussi de bonnes : la robustesse de l’économie de l’Union européenne ; le fait que, s’il y a ralentissement aux Etats-Unis ce n’est pas une récession ; la résistance de la profitabilité des entreprises dans les pays de l’OCDE ; la solidité des banques, alors qu’on a entendu des commentaires au contraire inquiétants sur les banques des pays de l’OCDE ; la perspective de remontée du prix du pétrole à un niveau qui améliore la situation des pays pétroliers et du secteur de l’énergie, sans menacer la croissance économique des pays importateurs de pétrole.

Il est vrai que de nombreuses régions du monde sont en grande difficulté ; le Japon retourne à une croissance nulle, conséquence de la poursuite inexorable de la déformation du partage des revenus au détriment des salariés, la Chine connaît un ralentissement important de sa croissance, une situation de déflation dans l’industrie, avec à la fois la hausse rapide des coûts salariaux et l’excès de capacité de production qui fait baisser les prix.

Les pays exportateurs de matières premières (pays de l’OPEP, Russie, Afrique, Canada, Australie) sont tous en difficulté à des degrés divers (recul des exportations, de la croissance, dégradation des finances publiques).

De grands pays émergents sont en difficulté (Brésil, Afrique du Sud), et l’ensemble des émergents (en dehors de la Chine, de l’Inde, de quelques pays d’Asie du Sud) connaît un fort ralentissement de sa croissance souvent lié à l’insuffisance des investissements et à l’apparition de nombreux goulets d’étranglement.

Cela conduit au total à un net ralentissement de la croissance mondiale, encore plus impressionnant si on utilisait les «vrais» chiffres de croissance de la Chine, sensiblement inférieurs aux chiffres officiels, et dû à des causes structurelles durables (perte de compétitivité, déformation du partage des revenus, insuffisance des investissements, recul des prix des matières premières). Cette dégradation de l’économie mondiale explique la répétition, depuis le printemps 2015, d’épisodes de dégradation des marchés financiers (actions, obligations des entreprises).

Mais il ne faut pas tomber dans un pessimisme excessif, et oublier les aspects plus positifs dans l’économie mondiale où tout ne va pas mal.

Tout d’abord, contrairement à la vue «anglo-saxonne» la plus courante, l’Union européenne (dans son ensemble) a montré une résistance assez forte à la dégradation de l’économie mondiale, avec une croissance probable de 2 % en 2016, soit plus, si on calcule la croissance par habitant, qu’aux Etats-Unis. Sans le ralentissement du commerce mondial, la croissance de l’UE aurait été de 2,75 % environ, ce qui montre un bon dynamisme intérieur.

Ensuite, s’il y a ralentissement aux Etats-Unis avec la crise du secteur pétrolier et la correction d’un excès d’investissement par rapport aux besoins, il s’agit d’un ralentissement des Etats-Unis et non d’une récession : les créations d’emplois dans les services restent fortes, il n’y a pas de déséquilibre financier dangereux.

Dans tous les pays de l’OCDE, par ailleurs, les entreprises arrivent à maîtriser leurs coûts, et leur profitabilité reste forte malgré le ralentissement, ce qui évite la chute des investissements et une hausse importante des défauts (en dehors du secteur pétrolier aux Etats-Unis). Il faut aussi noter que la situation du secteur bancaire, dans les pays de l’OCDE, est bien plus favorable qu’en 2007-2008 : l’endettement des ménages et des entreprises a reculé, le levier d’endettement des banques a reculé, leurs fonds propres ont beaucoup augmenté : il est difficile d’imaginer aujourd’hui une crise systémique partant des banques.

Enfin, le prix du pétrole va remonter, car au prix présent très bas la demande mondiale de pétrole progresse très rapidement, tandis que les coupes dans les investissements des sociétés pétrolières freinent l’offre. Au niveau de 50 dollars le baril, qui est probable dans un an, beaucoup de pays pétroliers et le secteur pétrolier particulièrement aux Etats-Unis verront une amélioration de leur situation, sans que, à ce niveau, la croissance des pays de l’OCDE soit menacée.

Il faut donc avoir une vision équilibrée de l’économie mondiale : certes il y a affaiblissement, certes certains pays (Brésil, Russie, pays de l’OPEP) sont en grande difficulté, mais il y a aussi des zones de résistance : l’Union européenne, dans une certaine mesure les Etats-Unis, l’Inde, l’Asie du Sud ; il y a aussi des facteurs de résistance : le maintien d’une profitabilité élevée des entreprises, la solidité des bilans de la grande majorité des banques ; il y a enfin la perspective de retour du prix du pétrole vers un niveau intermédiaire plus favorable à l’économie.

Patrick Artus Membre du Cercle des Economistes

Patrick Artus est Chef économiste de Natixis depuis mai 2013. Polytechnicien, diplômé de l’Ensae, et de l’IEP Paris, Patrick Artus intègre l’Insee en 1975, où il participe notamment à des travaux de prévision et de modélisation, avant de rejoindre, cinq ans plus tard, le département d’économie de l’OCDE. En 1982, il devient directeur des études à l’Ensae puis il est nommé, trois ans plus tard, conseiller scientifique au sein de la direction générale des études de la Banque de France. En 1988, il intègre la Caisse des dépôts et consignations, où il exerce successivement en tant que chef du service des études économiques et financières puis responsable de la gestion actif-passif. En 1993, il est nommé directeur des études économiques, responsable de la recherche de marché chez CDC-Ixis. Devenu en 1998 directeur de la recherche et des études de Natixis, il est promu chef économiste en mai 2013. Depuis septembre 2024, il est conseiller économique d'Ossiam. Il est également membre du Cercle des Economistes.

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