Avec le confinement, le groupe ACTIA (520,4 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019), concepteur et fabricant de systèmes électroniques embarqués, a dû suspendre une part très importante de son activité, notamment en France. Ces dernières semaines ont été consacrées par l’entreprise à la mise en œuvre d’un plan de relance opérationnel extrêmement progressif pour répondre à la demande de certains de ses clients français et internationaux.
Avec le confinement, le groupe ACTIA (520,4 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019), concepteur et fabricant de systèmes électroniques embarqués, a dû suspendre une part très importante de son activité, notamment en France. Ces dernières semaines ont été consacrées par l’entreprise à la mise en œuvre d’un plan de relance opérationnel extrêmement progressif pour répondre à la demande de certains de ses clients français et internationaux. Un chantier particulièrement épineux pour l’ETI implantée dans une quinzaine de pays, dont la Chine, où elle dispose de deux sites, à Wuhan et Shanghai. Dans le même temps, la direction financière d’ACTIA a entamé un certain nombre de démarches visant à sauvegarder sa trésorerie : gel d’une partie de ses approvisionnements, rééchelonnement du remboursement de ses financements bancaires, obtention de prêts garantis par l’Etat (PGE), etc. Catherine Mallet, membre du directoire finance et communication du groupe, revient en détail sur ces mesures.
Comment la crise sanitaire actuelle affecte-t-elle votre activité ?
Le groupe ACTIA conçoit et fabrique des composants et des systèmes électroniques pour diverses industries, dont les transports, la défense, l’énergie et les télécommunications. L’instauration du confinement mi-mars a entraîné une baisse prononcée de la demande de nos clients, ce qui nous a contraints à mettre en veille une part très significative de notre activité, notamment en France où nous réalisons 24 % de notre chiffre d’affaires. La quasi-totalité de nos 1 200 collaborateurs a été placée en chômage partiel dans un premier temps, et l’intégralité de nos neuf sites, dont notre usine de production de cartes électroniques de Toulouse, a été fermée pour deux semaines. A l’issue de cette période, nous avons mis en œuvre un plan de reprise d’activité très progressif adapté au flux de demandes de nos donneurs d’ordre. La première étape a consisté en la réouverture de notre site logistique de Toulouse, où sont stockés beaucoup de nos produits finis, pour satisfaire la demande de certains de nos clients, en particulier asiatiques, en phase de redémarrage. Nous avons ensuite mobilisé une quarantaine de nos collaborateurs sur notre usine de production de Toulouse, où travaillent habituellement 300 personnes, et relancé au compte-gouttes notre site de Chartres, dédié à la fabrication d’équipements pour les centres de contrôle technique et les garages. De 85 % il y a un mois et demi, la proportion de nos collaborateurs français en chômage partiel est tombée à 35 %, et ce chiffre devrait encore baisser dans les prochaines semaines. Du moins l’espérons-nous, car l’incidence de la crise se fait cruellement sentir : nos volumes de facturation ont chuté de 25 % en mars, et devraient se contracter d’au moins 70 % en avril et 50 % en mai dans l’Hexagone.
Bien entendu, le plan de relance que nous mettons en œuvre depuis plusieurs semaines concerne également nos infrastructures et nos équipes internationales, elles-mêmes soumises à des mesures sanitaires strictes. Notre site industriel et notre bureau d’études tunisiens ont rouvert partiellement leurs portes grâce à une dérogation de l’Etat, et nos activités en Allemagne, en Pologne, au Royaume-Uni, en Suède et au Royaume-Uni s’amplifient graduellement, après une quasi-mise en veille fin mars, bien que le télétravail ait été organisé assez facilement dans ces pays. Notre site de production de Detroit, aux Etats-Unis, est pour sa part toujours à l’arrêt, mais devrait être relancé début mai.
Organiser la reprise de notre activité sur nos différents marchés est un exercice particulièrement difficile, qui implique non seulement d’évaluer au jour le jour la rentabilité des lignes de métiers que nous réactivons, mais encore, parfois, de surmonter des obstacles logistiques indépendants de notre volonté. A titre d’exemple, la réouverture de certains de nos sites français a été retardée parce que des masques de protection que nous avions fait fabriquer en Chine n’étaient pas accompagnés des bons justificatifs d’homologation…
Le groupe dispose d’un bureau d’études à Wuhan et d’une usine de fabrication à Shanghai. Ces deux sites ont-ils repris leur activité ?
La propagation du virus en Chine nous a obligés à en interdire l’accès durant deux semaines au-delà des fêtes du Nouvel An. Nos équipes de Wuhan ont pu poursuivre tant bien que mal leur mission en télétravail, et nos collaborateurs de Shanghai pour moitié dans nos locaux et pour moitié depuis leurs domiciles. Le retour de nos salariés confinés sur leur lieu de travail – y compris pour ceux placés en quarantaine au retour de leurs congés – s’est fait de manière très progressive et dans le respect de mesures de protection très strictes : les sites ont d’abord fonctionné à 50 %, puis à 70 %. Aujourd’hui, ceux-ci sont pleinement opérationnels. A ce jour, nous estimons que la crise sanitaire a coûté entre 10 et 15 % de son chiffre d’affaires 2020 à notre filiale ACTIA China. L’an dernier, ses revenus avaient atteint 15 millions d’euros.
La direction financière a-t-elle dû prendre des mesures particulières dans ce contexte exceptionnel ?
Alors même que nous nous trouvons privés d’une part considérable de nos revenus et que nous n’avons toujours pas perçu le remboursement par l’Etat des indemnités de chômage partiel versées à nos salariés, le pilotage et la sauvegarde de notre trésorerie sont devenus un enjeu de première importance. Nous avons enrichi nos prévisions pour être en mesure de produire chaque semaine des projections hebdomadaires, mensuelles, trimestrielles, semestrielles et annuelles.
Nos approvisionnements en composants et matières premières ont été réduits à leur strict minimum quand cela était possible, une démarche facilitée par le fait que nos stocks de produits finis nous permettent pour l’heure de répondre à la demande de nos clients. De plus, nous élaborons actuellement un plan de réduction de nos dépenses et coûts variables. Dans le cadre de celui-ci, nous envisageons de diminuer la part externalisée de nos investissements en R&D. Il pourrait s’agir d’une économie substantielle, puisqu’en moyenne 15 % de notre chiffre d’affaires sont investis chaque année en recherche et développement et que 10 à 15 % de ce budget servent à financer des prestations externes. Certaines dépenses de certifications sont malheureusement incompressibles.
Afin d’obtenir un surcroît de liquidités, nous avons également sollicité – et obtenu – auprès de nos partenaires bancaires le rééchelonnement du remboursement d’une centaine de crédits bilatéraux et contrats de crédit-bail. L’excédent de trésorerie attendu pour les six prochains mois devrait atteindre 15 millions d’euros. Il va de soi que nous avons retravaillé notre plan de trésorerie pour tenir compte du report de ces charges financières sur la fin de l’année.
En matière de communication, nous avons opté pour une totale transparence avec le marché. Nous avons créé un site internet dédié spécifiquement à l’actualité du Covid-19, sur lequel nous publions régulièrement des communiqués mis à jour. Cette plateforme permet à toutes nos parties prenantes de connaître l’état d’activité de nos sites, partout dans le monde.
Fortement touchée par la crise, l’entreprise va-t-elle faire appel aux dispositifs de soutien mis en place par les pouvoirs publics ?
En France, nous nous sommes tournés vers nos partenaires bancaires pour obtenir des prêts garantis par l’Etat. Notre stratégie a consisté à déposer plusieurs demandes de moindre montant auprès de plusieurs établissements afin de faire supporter un risque plus faible aux banques et optimiser ainsi nos chances de succès. Chaque partenaire a été sollicité à concurrence de son engagement historique auprès de l’entreprise. Pour chaque dossier, nous avons dû fournir le document d’enregistrement universel (URD) du groupe relatif à l’exercice 2019 et qui sera publié fin avril, son business plan initial et remanié pour l’année 2020, ainsi qu’un descriptif de tous nos investissements pour l’année en cours.
Nous avons demandé par ailleurs le remboursement accéléré de notre crédit d’impôt recherche (CIR) dû au titre de l’exercice 2015. En lien avec certaines associations professionnelles, nous menons actuellement des discussions avec les pouvoirs publics pour étendre cette disposition au CIR dû pour les exercices 2016, 2017, 2018, voire 2019.
Comment la direction financière d’ACTIA s’est-elle organisée ces dernières semaines et comment travaille-t-elle aujourd’hui ?
Mi-mars, les trois quarts des collaborateurs rattachés aux fonctions financières du groupe, au siège ou au niveau des sites et filiales, ont été placés en chômage partiel. Cette proportion a été progressivement abaissée à mesure que certains de nos sites redémarraient. Aujourd’hui, plus de la moitié d’entre eux travaillent à distance.
Les directeurs financiers de nos deux principales divisions, ACTIA Automotive et ACTIA Télécommunications, le secrétaire général de l’entreprise et moi-même nous entretenons très régulièrement, non seulement pour piloter la direction financière, mais aussi pour faire le point sur l’évolution de la situation au sein de nos 21 filiales.
Le directeur financier d’ACTIA Automotive, d’ACTIA Télécommunications et moi-même faisons partie, en outre, de la cellule de crise mise en place au niveau du comité de direction une semaine avant le confinement, laquelle se réunit quotidiennement. Malgré la distance, nous parvenons à maintenir des contacts fréquents entre les différentes strates décisionnaires de l’entreprise.