Prendre la parole sur les réseaux sociaux n’est pas chose aisée, particulièrement pour les financiers dont les sujets sont souvent techniques et confidentiels. Pour autant, de plus en plus de spécialistes de la finance font entendre leur voix sur le réseau professionnel, ce qui leur donne de la visibilité à la fois en interne et à l’extérieur, avec, à la clé, une probabilité accrue d’être « chassés »
Dans le flux continu du réseau social LinkedIn, certains financiers émergent. Parmi eux, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, et ses 140 000 abonnés, ou encore Philippe Brassac, directeur général du groupe Crédit Agricole SA, suivi par 165 000 personnes sur la plateforme. Au-delà de ces dirigeants du monde bancaire, d’autres acteurs se font entendre. C’est le cas notamment de Richard Michaud. Manager d’EY Consulting, spécialisé dans les services financiers et plus spécifiquement sur les sujets risques, régulations et data, qui totalise 16 500 abonnés sur la plateforme. Il est également Top Voice Finance de LinkedIn, depuis 2023. « J’ai commencé à animer mon compte LinkedIn personnel il y a quatre ans, se souvient-il. Je suis passionné par la finance. Mon métier de consultant nécessite de suivre l’actualité financière. Cela permet de comprendre les enjeux de nos clients et d’y répondre au mieux. » Au fil de ses posts, il parvient à fidéliser une communauté d’experts de la finance et de curieux. « Mon ambition est de décrypter des concepts financiers qui peuvent, de prime abord, sembler complexes », explique-t-il. Sur son fil se trouvent ainsi des contenus variés allant de l’explication du mécanisme de création monétaire, aux KYC ou encore à l’IA appliquée à la finance, en passant par des carrousels décryptant les résultats annuels de chacune des grandes banques françaises. « A aucun moment, je ne donne un avis politique, mon ambition est de fournir des clés de compréhension », poursuit Richard Michaud. Le manager d’EY Consulting est ainsi parvenu à trouver une communauté fidèle de personnes intéressées par les sujets financiers qui interagissent et repartagent ses publications. Pour ces financiers, l’important n’est peut-être pas tant de multiplier les abonnés que de cibler leur audience. « Avec des publications très spécifiques, on vise une audience plus restreinte, mais beaucoup plus qualifiée », explique Emmanuel de Saint-Bon, fondateur et directeur général de l’agence spécialisée en social media Roxane.
«A aucun moment, je ne donne un avis politique : mon ambition est de fournir des clés de compréhension. »
Une réflexion en amont sur le message à faire passer
Pour faire ses premiers pas sur les réseaux, tout commence par une réflexion autour du message que l’on souhaite porter. « Il ne faut pas oublier que communiquer sur un réseau social, c’est devenir soi-même un média », explique Emmanuel de Saint-Bon. « Parler à une communauté nécessite donc de mener une réflexion en amont afin de savoir quel message l’on souhaite faire passer en se posant les bonnes questions : est-ce que je souhaite divertir ou informer ? A qui s’adresse mon message et quels en sont les bénéfices pour les followers ? » Ensuite, il est nécessaire de créer du lien avec sa communauté. Richard Michaud s’astreint à des publications récurrentes à raison de deux par semaine. « Je prépare tous mes posts pour la semaine durant le week-end, c’est-à-dire en dehors de mes horaires de travail », précise-t-il. Il vient par ailleurs de lancer son podcast, baptisé « Inside Banking », et livre tous les 15 jours l’interview d’un expert de la finance. Pour Emmanuel de Saint-Bon, l’incarnation est essentielle. Il conseille d’adopter une communication anthropomorphique. « Par exemple, avec de courtes vidéos, il est beaucoup plus facile d’engager sa communauté. Désormais, les coûts de production se sont effondrés et il est très facile de créer de courtes vidéos depuis un smartphone », détaille-t-il. Le spécialiste des réseaux sociaux conseille également de ne pas négliger la portée d’une campagne payante en complément d’une croissance organique. « Pour une audience très ciblée, la portée de ces campagnes peut être réellement intéressante, tandis que le coût n’excède pas une centaine d’euros », poursuit Emmanuel de Saint-Bon.
Un contrôle interne parfois handicapant
Il ne faut cependant pas oublier que même lorsqu’un financier prend la parole en son nom sur un réseau social professionnel tel que LinkedIn, il engage de facto le nom de son entreprise. Dans un contexte de dialogue ultra-vissé et avec des équipes communication qui aiment à garder un contrôle total sur ce que disent les collaborateurs à l’externe, c’est un exercice qui peut s’avérer très périlleux. C’est la raison pour laquelle les entreprises s’emploient à désigner des porte-parole, qui, dotés des bons éléments de langage, sont habilités à prendre la parole. Quid de ceux qui choisissent de s’exprimer en leur nom ? C’est finalement au cas par cas. Certaines entreprises exigent de relire les posts avant parution, les privant généralement de toute aspérité et authenticité. Pour Richard Michaud, le contrôle n’est pas limitant. Il explique : « En tant que salariés, nous avons une obligation de non-divulgation de nos activités et bien sûr des données relatives à nos clients. Nous avons également une charte d’expression sur les réseaux sociaux. Néanmoins, au-delà de ces obligations, je dispose d’un espace d’expression libre pour partager mes contenus. »
Une triple récompense
Ceux qui parviennent à créer un lien authentique avec leur communauté en se positionnant sur des sujets pointus sont triplement récompensés. D’abord, il y a cette sensation de savoir que son opinion compte et qu’elle fait office de référence dans le secteur. Cela est d’autant plus vrai lorsque la personne est sélectionnée par la rédaction de LinkedIn pour devenir « Top Voice » (voir Encadré). Ensuite, cette notoriété peut servir en interne. Lorsqu’un collaborateur émerge sur les réseaux avec une bonne audience, il n’est pas rare que l’entreprise lui demande de relayer les études ou les analyses du groupe sur son compte. Enfin, LinkedIn demeure le réseau social des chasseurs de têtes. Dans un contexte tendu sur certaines fonctions finance, les experts qui sont les plus visibles se voient proposer davantage d’opportunités professionnelles. « Il est certain que ma visibilité est un facteur de contact complémentaire », explique Richard Michaud qui précise toute même qu’il est pleinement engagé auprès d’EY Consulting.
Comment devient-on « Top Voice » LinkedIn ?
Ne devient pas Top Voice LinkedIn qui veut. C’est l’équipe éditoriale de LinkedIn qui sélectionne les profils. Le badge Top Voice est attribué uniquement sur invitation. Il est délivré par secteur et par pays, par exemple Top Voice Finance France ou encore Top Voice Financial Market France. Les Top Voice sont évalués deux fois par an par la rédaction qui décide alors s’ils peuvent ou non conserver leur badge. « L’étiquette Top Voice est un gage de qualité et de confiance : cela signifie que l’on a été sélectionné par la rédaction de LinkedIn pour une expertise », explique Richard Michaud. « Cela ne dépend pas du nombre de followers, mais davantage des contenus partagés : il est tout à fait possible d’être Top Voice LinkedIn avec 6 000 abonnés et de ne pas l’être, tout en ayant dépassé la barre des 100 000 followers. »