Formation

Des cours de finance en un clic

Publié le 20 septembre 2013 à 11h09    Mis à jour le 24 juillet 2014 à 15h55

Morgane Rémy

Depuis quelques années, les meilleures universités américaines proposent à des étudiants du monde entier de bénéficier d’une partie de leurs cours de finance sur Internet. Une démarche qui intéresse de plus en plus les grandes écoles de commerce françaises, qui y voient un axe de développement intéressant en matière de formation continue.

Suivre les cursus en finance dispensés par les plus grandes universités mondiales, sans avoir à se déplacer, grâce à Internet : telle est la promesse des «Massive Open Online Courses», qui se développent actuellement. Souvent désignés par leur acronyme, Mooc, il s’agit de véritables enseignements virtuels, proposés jusqu’à présent par les plus grandes universités américaines, de Berkeley à Harvard en passant par Princeton, qui reposent sur des plateformes en ligne. En s’y connectant, leur utilisateur, qu’il soit étudiant, professionnel ou même autodidacte, peut suivre des cours magistraux tournés en vidéo. Une fois ces derniers visionnés, un test est automatiquement proposé afin de juger dans la foulée la compréhension de l’enseignement. L’internaute doit également réaliser des études de cas concrètes, comme la comparaison de la rentabilité de deux projets d’entreprise ou l’estimation de la valorisation d’une entreprise non cotée dans l’optique d’une acquisition.

En cas de difficulté, il peut rejoindre un forum de discussion et solliciter l’avis d’autres participants, voire du professeur lui-même. Ces programmes très complets se déroulent sur plusieurs semaines, de 8 à 16 en général, à raison de 2 à… 12 heures hebdomadaires, et font l’objet d’une évaluation finale. Grâce à la qualité des enseignements accessibles très facilement, les Mooc attirent déjà un nombre croissant d’étudiants dans le monde entier. Une vitrine pour l’enseignement français Une perspective qui a de quoi séduire les grandes écoles de commerces françaises qui, après leurs homologues scientifi ques (Polytechnique ou Centrale Lille, par exemple), élaborent leurs Mooc. Les universités et les établissements les plus prestigieux essayent par ce biais de promouvoir leur enseignement, afin d’attirer les meilleurs éléments.

«Développer un Mooc permet de mettre en avant la qualité de nos formations, souligne Anne Zuccarelli, directeur entreprises & carrière à l’Edhec Business School. Cela donne aux candidats et aux futurs étudiants la possibilité de tester nos cours et d’avoir une connaissance plus complète de l’école que ne le permettent les classiques portes ouvertes.» Pour monter leurs propres programmes, les grandes écoles se sont fortement inspirées de ce qu’ont déjà développé leurs homologues américains. «Nous avons regardé ce que faisaient Harvard et d’autres universités américaines, témoigne Philippe Thomas, professeur associé en Finance de l’ESCP Europe. Ces derniers proposent plus d’une dizaine d’enseignements en ligne mais il s’agit surtout de cours d’introduction à la finance, assez proches de ce que peut proposer un manuel sur la fi nance d’entreprise, mais en plus interactif.»

Un enseignement de la finance qui se veut haut de gamme

Les grandes écoles françaises quant à elles essayent de se démarquer en proposant des enseignements à plus forte valeur ajoutée. «Notre premier Mooc portera sur de la fi nance car c’est un des domaines pour lesquels nous sommes très reconnus», témoigne Anne Zuccarelli, directeur des programmes académiques du groupe Edhec. Même projet pour l’ECSP Europe qui compte offrir dans quelques mois une formation d’un niveau équivalent à celui d’un master en finance. L’EM Lyon, pour sa part, privilégie un cours plus grand public qui débutera dès le mois prochain. «Ce Mooc s’adresse à une audience large, les entrepreneurs et ceux qui souhaitent le devenir, mais en se basant sur les plus récentes recherches des professeurs, notamment en matière d’analyse comportementale, explique Thierry Picq, professeur et doyen associé à l’innovation pédagogique de l’EM Lyon. Et, début 2014, nous pensons proposer d’autres cours sur des sujets plus variés.»

Certes, le nombre d’enseignements reste encore limité – les Mooc servant surtout de produits d’appel pour les étudiants –, mais l’offre devrait bientôt se développer fortement. En effet, les établissements universitaires espèrent ainsi gagner de nouveaux marchés dans la formation continue. Ils estiment que ces programmes permettraient à des fi nanciers en poste de suivre les cours de leur domicile ou de leur bureau, avec un impact plus faible sur l’exécution de leurs missions quotidiennes que s’ils devaient se déplacer. De plus, le nombre d’étudiants n’étant pas limité pour des raisons de places, comme c’est le cas pour un cours traditionnel, les entreprises pourront potentiellement négocier des tarifs de groupe pour leurs salariés.

De quoi convaincre ces dernières, qui disposent parfois d’un budget important dédié à la formation de leurs effectifs. «Il existe un vrai marché, notamment concernant les cadres qui peuvent suivre sans contrainte des formations d’universités ou d’écoles très reconnues, confirme Philippe Thomas. Cette pratique est balbutiante mais nous en sentons le potentiel et nous essayons de nous positionner en amont sur ce segment.»Même vision à l’EM Lyon et à l’Edhec, qui se montrent enthousiastes vis-à-vis de ces perspectives de développement de leur activité.

Un business modèle encore à définir

Néanmoins, pour obtenir des résultats à la hauteur de ces ambitions, les grandes écoles doivent encore résoudre deux difficultés. Tout d’abord, ces programmes ne sont pas pour le moment rentables. Même si la démarche intéresse la plupart des écoles, ces dernières ne savent pas à ce jour comment gérer l’aspect de la rémunération des professeurs, ni même comment obtenir un retour sur investissement par rapport aux frais de développement de cette nouvelle offre pédagogique. En effet, un budget signifi catif est nécessaire pour le développement du site proposant les cours, qui permet d’héberger des vidéos mais aussi d’offrir des tests, des simulations et, le réseau social d’échanges entre les élèves et les professeurs.

«Nous estimons que l’investissement se situe dans une fourchette entre 50 000 et 100 000 euros par Mooc, affirme Anne Zuccarelli. Nous envisageons donc d’offrir une partie gratuite, pour les cours magistraux, mais de proposer un accès payant pour les modules plus approfondis, permettant notamment l’obtention de la certification.» Le coût sera toutefois inférieur à celui d’un cursus traditionnel. Un atout qui pourrait attirer de nouveaux élèves… à condition que leur investissement tant sur le plan financier qu’intellectuel soit couronné par un diplôme.

Car, et c’est là le deuxième problème, Internet étant un média propice à l’anonymat, il est difficile de s’assurer que la personne qui envoie sa dissertation, son étude de cas ou son test est bien celle qui s’est enregistrée sous la plateforme ? Pour le moment, seules des attestations sur l’honneur sont demandées aux étudiants. Les écoles creusent donc des pistes pour identifi er ces derniers – comme un contrôle visuel par webcam, l’utilisation d’un code envoyé par SMS ou via une clef électronique – afin de pouvoir décerner un diplôme. Un enjeu de taille pour que ces nouveaux outils puissent se positionner comme une réelle alternative aux cours traditionnels.

Le Mooc comme test d’orientation

Certains étudiants français utilisent déjà les Mooc pour tester des cours et choisir ainsi leur orientation ! Par exemple, un étudiant de Centrale Lille a participé cet été à son premier programme d’enseignement de finance proposé par l’université du Michigan. «J’ai suivi pendant quinze semaines le Mooc “Introduction to finance” parce que j’étais attiré par cette matière, témoigne Adrien Ehrhardt, élève ingénieur. Cela a confirmé mon intuition et je choisirai la finance comme spécialité l’année prochaine.»

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