Recrutement

Les fonds en quête d’experts de la RSE

Publié le 21 septembre 2023 à 8h30

Coralie Bach    Temps de lecture 7 minutes

Face à la pression de leurs souscripteurs et à une réglementation de plus en plus stricte concernant la finance durable, les sociétés de gestion structurent leur fonction de responsable RSE. Ces professionnels, aux profils très variés, sont recherchés tant pour leur expertise que pour leur force de conviction.

Meanings Capital Partners, Argos Wityu, Ouest Croissance, Axa  IM ou encore Sienna IM, toutes ces sociétés de gestion ont pour point commun d’avoir recruté un responsable RSE au cours des dix-huit derniers mois. Car si la prise en compte des enjeux extra-financiers par les fonds d’investissement n’est pas nouvelle, elle s’est clairement accélérée. Face à la pression de leurs propres souscripteurs et à des exigences croissantes en matière de réglementation et de reporting, les professionnels du non-coté doivent structurer leurs équipes. « Il y a quelques années, les sociétés de gestion avaient une approche très marketing de la fonction RSE, relève Christophe Laville, principal au sein du cabinet de recrutement Vauban Executive Search. Désormais, il devient indispensable d’avoir une vraie stratégie avec un responsable dédié, et ce d’autant plus pour les fonds ciblant une clientèle institutionnelle qui intègre les aspects extra-financiers dans ses appels d’offres. » Les chasseurs de têtes voient ainsi, depuis peu, croître les demandes pour ces experts de la finance durable, comme en témoigne Caroline Renoux, fondatrice de Birdeo, un cabinet de recrutement spécialisé sur les métiers de la RSE et du développement durable  : « Les fonds d’investissement nous ont confié de premières missions en 2016, après la signature de l’Accord de Paris, mais nous constatons une réelle augmentation depuis deux ans », note-t-elle.

Des parcours diversifiés

Les profils recrutés sont néanmoins extrêmement divers, s’agissant tant du degré de séniorité que du parcours professionnel. Certains fonds, généralement positionnés sur le small ou le bas du mid-cap, n’hésitent pas à confier cette responsabilité à un junior de moins de cinq ans d’expérience, qui évolue dans ce cas sous la houlette d’un associé. D’autres optent pour des professionnels plus aguerris qui se sont spécialisés en RSE au fil des années. « Le métier est récent comme les formations dédiées, explique Christophe Laville. Beaucoup de responsables RSE ont commencé leur vie professionnelle sur une autre fonction avant de se former seuls par appétence pour le sujet. On retrouve ainsi d’anciens analystes et chargés d’affaires ou encore des ex-responsables marketing. » Ceux pouvant justifier de plus de cinq années dans cet univers sont assez peu nombreux et donc très sollicités. « Les anciens consultants, qu’ils soient issus de cabinets spécialisés ou des divisions ESG des grands acteurs de l’audit, sont particulièrement recherchés », constate Caroline Renoux. Plusieurs mouvements récents l’illustrent, à l’image de celui de la directrice sustainability de Meanings Capital Partners, Sarah Mathieu-Comtois, qui a passé quatre ans au sein du département développement durable de PwC après avoir travaillé sur ces sujets pour un centre de recherche au Moyen-Orient. Son homologue chez Argos Wityu, Jessica Peters, est elle aussi passée par la case conseil, au sein du cabinet spécialisé Greenfish, après avoir exercé au sein de l’équipe RSE de NPRC, un transporteur fluvial néerlandais. Pour épauler ces chefs de projet, certaines sociétés de gestion, dont la démarche extra-financière est particulièrement avancée, embauchent aussi des profils plus spécialisés. « Nous recevons des demandes pour des juniors en charge du reporting extra-financier, indique Caroline Renoux. Leur rôle est d’assurer le suivi réglementaire, et de collecter l’information auprès des participations. Certains fonds cherchent également à compléter leur équipe avec des expertises très spécifiques, notamment sur la décarbonation. » Un mouvement amené à prendre de l’ampleur, et également observé par Christophe Laville : « Pour l’heure, la majorité des sociétés de gestion sont à l’étape du premier recrutement, témoigne le chasseur de têtes. Mais dans les années à venir, nous allons probablement voir se créer toute une famille de postes au sein de la fonction RSE, avec des analystes pour le reporting, des spécialistes climat, etc. » Evolem, le family office du fondateur d’April, a ainsi recruté un ingénieur spécialisé en transition climatique pour intégrer le département « engagement » dirigé par Ségolène de Montgolfier : « Mon rôle est de piloter la stratégie RSE dans son ensemble, explique cette ancienne assistante parlementaire, passée également par une agence de conseil pour les associations. Pour des expertises plus pointues, je m’appuie sur des spécialistes en interne ou sur des cabinets partenaires. »

«Les fonds d’investissement nous ont confié de premières missions en 2016, après la signature de l’Accord de Paris, mais nous constatons une réelle augmentation depuis deux ans.»

Caroline Renoux Fondatrice ,  Birdeo

Des priorités à fixer

La première mission du responsable RSE est en effet de définir la stratégie de la société de gestion, en lien avec la direction générale : quels sont les objectifs et les actions à mettre en place, quels indicateurs de suivi choisir… Autant de points à définir pour la société de gestion mais aussi et surtout pour ses participations qu’il faut accompagner dans leur transition. « Notre équipe d’investissement a été formée à l’analyse extra-financière, précise Ségolène de Montgolfier. Nous intervenons en complément, et à sa demande, en fonction de la complexité et des enjeux ESG, et ce à tous les stades de l’opération. Nous pouvons également être sollicités directement par un dirigeant pour répondre à un point précis ou l’orienter vers un conseil dédié. »

Autre axe clé de cette fonction : la collecte des données extra-financières des participations et la rédaction de reportings dédiés pour le régulateur et les investisseurs. « Même si l’accompagnement des sociétés du portefeuille est mis en avant dans les fiches de poste, la fonction reste très axée sur de la due diligence et du reporting extrafinancier, prévient Caroline Renoux. Le métier est moins opérationnel qu’en entreprise, ce qui peut freiner certains candidats. » Enfin, un travail de veille est central pour suivre tant les évolutions réglementaires que les analyses et recommandations des différents groupes d’experts. « L’objectif est de repérer les enjeux les plus importants et d’alerter les équipes sur les points à prendre en charge en priorité, explique Ségolène de Montgolfier. Cette priorisation est complexe mais indispensable pour ne pas agir de manière superficielle. »

Véritable chef de projet, le responsable RSE maîtrise évidemment les fondamentaux de la matière. Objectifs de développement durable des Nations unies, principe de double matérialité, ou encore valorisation extrafinancière font partie de son langage quotidien. Mais il doit aussi être capable de transmettre ses connaissances et convaincre des interlocuteurs parfois réticents. « Ce métier nécessite avant tout des qualités humaines, avec des capacités d’écoute et de conviction indispensables pour accompagner le changement », témoigne Ségolène de Montgolfier. Des atouts essentiels afin d’emporter l’adhésion des collègues financiers comme des dirigeants de PME.

Une disparité de profils et de salaires

  • La diversité des profils des spécialistes de la RSE ainsi que la variété de leurs champs d’intervention entraînent de grandes disparités en termes de rémunération.
  • Selon les cabinets de recrutement, un junior avec deux ou trois ans d’expérience débute autour de 45 k€. Un profil un peu plus senior, affichant au moins cinq ans dans le métier, peut prétendre à une fourchette comprise entre 60 k€ et 80 k€, tandis qu’un responsable RSE de plus de dix ans d’ancienneté peut dépasser les 100 k€.
  • Les fonds de private equity offrent en outre un accès au carried interest, ce qui rend leurs rémunérations plus attractives que celles pratiquées dans les autres branches de l’asset management.

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