Spécialisé dans le traitement des déchets dangereux et non dangereux, Séché Environnement (688 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019) a réussi à maintenir l’essentiel de son activité malgré le confinement d’une partie de ses équipes.
Pour autant, la direction financière de l’entreprise a mis en œuvre un certain nombre de mesures préventives afin de limiter les incidences négatives potentielles de la crise : gel provisoire de ses investissements de croissance, intensification de ses processus de recouvrement de créances ou encore rééchelonnement du remboursement de ses dettes bancaires. Par ailleurs, les circonstances actuelles n’ont pas empêché le lancement d’un projet structurant pour le groupe : l’intégration d’un nouvel ERP. Baptiste Janiaud, directeur administratif et financier, revient en détail sur ces mesures.
Comment la crise sanitaire actuelle affecte-t-elle votre activité ?
Pour l’heure, nos activités de traitement, de valorisation et de stockage des déchets dangereux et non dangereux, qui répondent à des besoins de salubrité publique essentiels et permanents, sont globalement peu touchées par la propagation du Covid-19 et ses incidences sur la vie économique. L’intégralité de nos centres français comme étrangers et de leurs équipes techniques est aujourd’hui opérationnelle, dans le strict respect des consignes de sécurité communiquées par les autorités locales compétentes. Tous nos collaborateurs évoluant dans des fonctions supports – finances, ressources humaines, juridique, informatique, achats, etc. – ont été mis pour leur part en télétravail. Conséquence du ralentissement, voire du gel de l’activité de certains de nos donneurs d’ordres privés, nous constatons toutefois une légère diminution des missions confiées à notre branche Séché Eco-Services, qui compte aujourd’hui pour 20 % de notre chiffre d’affaires en France. Ces prestations ont trait à des opérations ponctuelles de décontamination ou de dépollution de sites industriels. Lorsque celles-ci sont suspendues ou annulées, nous nous efforçons systématiquement de réaffecter nos collaborateurs à d’autres chantiers. Si cette réallocation s’avère impossible, nous mettons un terme provisoire aux contrats des intérimaires, qui représentent 10 % de nos effectifs totaux dans l’Hexagone, et incitons nos permanents à prendre leurs congés. Notre objectif est de recourir le moins possible au chômage partiel.
La direction financière a-t-elle dû prendre des mesures particulières dans ce contexte exceptionnel ?
Le fait que nous puissions maintenir un niveau d’activité quasiment équivalent à celui qui est le nôtre habituellement ne nous dispense pas de prendre certaines précautions, d’autant plus que nous ignorons combien de temps cette crise va durer et dans quelle mesure certains de nos clients s’en trouveront impactés. Dans un moment comme celui-ci, préserver la trésorerie du groupe est essentiel, même si notre position de cash est aujourd’hui confortable. A fin 2019, celle-ci s’élevait à 93 millions d’euros, et nous disposions par ailleurs de 19 millions d’euros de lignes de découverts remboursables à vue et d’une ligne de crédit confirmée de 150 millions d’euros non tirée mise en place en 2018.
Dans un premier temps, nous avons affiné nos prévisions de cash-flows futurs entrants et sortants. Chaque jour depuis le début du mois de mars, le département trésorerie, en lien avec les services recouvrement et achats, actualise notre position et réalise des projections à une et trois semaines. Une fois par semaine, le contrôle de gestion modélise quant à lui des anticipations jusqu’à fin juin en fonction des remontées d’informations fournies par les responsables de nos sites et filiales.
Afin de réduire nos dépenses, nous avons lancé un plan de réduction de nos investissements jusqu’à fin mai au moins. Les investissements de modernisation de notre outil de production et les opérations de croissance externe sont concernés en premier lieu. Fort heureusement, les coûts de nos approvisionnements externes en matières premières – réactifs ou produits chimiques – et en énergie sont prévisibles puisqu’ils sont fixés par des contrats semestriels ou annuels. Une part significative des besoins en matières premières du groupe est couverte de surcroît par du recyclage interne de déchets triés et traités, processus que nous allons accroître d’ici à cet été par souci d’économie.
Le recouvrement de nos créances clients, évaluées aujourd’hui à 120 millions d’euros, fait l’objet d’une attention renforcée depuis le déclenchement de la crise. Nous avons accéléré la fréquence des prises de contact avec nos donneurs d’ordres et intensifié la cadence de nos relances. Pour ce faire, nos équipes en charge du suivi des encaissements accèdent à distance à notre logiciel dédié et génèrent les mails de sollicitation appropriés. A ce jour, nous ne constatons pas d’allongement des délais de paiement habituels de nos clients. A l’autre bout de la chaîne, nous n’entendons pas dévier de notre politique habituelle, qui consiste à régler tous nos fournisseurs et sous-traitants dans les délais fixés par les réglementations.
Dans les circonstances présentes, les actionnaires de l’entreprise, les investisseurs, les prêteurs et les analystes responsables de son suivi sollicitent beaucoup son management. Tous les deux jours, j’organise une conférence téléphonique avec ces publics, dont les préoccupations concernent le plus souvent la continuité de l’activité et le climat social du groupe. Compte tenu de l’expérience acquise par Séché dans la gestion de la toxicité et de la viralité, et de la solidité de nos protocoles de sécurité, nous disposons heureusement d’un certain nombre d’arguments propres à les rassurer. En ce qui concerne plus particulièrement la rémunération des actionnaires et en tenant compte de notre position de trésorerie, nous disposons des moyens financiers nécessaires pour verser un dividende de 0,95 euro par action au titre de l’exercice 2019 si l’assemblée générale le décide.
Enfin, la poursuite de notre activité, notamment à distance, implique que nous nous dotions rapidement des outils de gestion les plus performants. C’est pour cette raison que, dès la fin du mois de mars, la direction financière a insisté pour que soit entreprise l’intégration du nouvel ERP du groupe. La semaine dernière, le comité de direction et une centaine de managers de sites et de filiales se sont réunis grâce à une application de communication collaborative pour discuter des modalités de ce chantier qui va durer plusieurs mois. Dans les prochaines semaines, l’éditeur de l’ERP organisera des visioconférences avec chacune des fonctions de l’entreprise dans le but de préparer son paramétrage. L’intégration se fera dans un premier temps à distance, puis depuis nos sites de Lyon et de Laval dès que les équipes confinées pourront se rendre sur leurs lieux de travail. Cette méthode de travail particulière a un double mérite : elle nous permet de ne pas repousser l’échéancier initialement fixé et n’induit qu’un coût de mise en opération supplémentaire marginal.
L’entreprise va-t-elle se tourner vers les dispositifs exceptionnels mis en place par les pouvoirs publics ?
Nous avons sollicité nos partenaires bancaires pour obtenir la suspension, durant six mois, du remboursement de plusieurs de nos financements, soit une dizaine d’emprunts amortissables de maturité moyenne dont la valeur totale atteint 215 millions d’euros. A ce jour, tous ont accepté ce moratoire par mail, dans l’attente de la rédaction d’avenants contractuels. Les remboursements reprendront au quatrième trimestre, tandis que les échéances et intérêts dus au titre des six prochains mois seront rééchelonnés à partir de la fin de l’année. Cette mesure va nous permettre de dégager 10 millions d’euros de trésorerie supplémentaire dans les six prochains mois.
Pour le reste, nous n’avons fait appel à aucun des autres dispositifs de soutien aux entreprises mis en place par les pouvoirs publics dans nos différents pays d’implantation. Nous pensons que ceux-ci doivent être réservés aux entreprises dont la santé financière est mise en péril par les événements actuels, ce qui n’est pas notre cas.
Comment la direction financière de Séché Environnement s’est-elle organisée ces dernières semaines et comment travaille-t-elle aujourd’hui ?
Comme toutes les autres fonctions supports du groupe, la direction financière remplit sa mission en télétravail depuis que le confinement a été instauré. Pour ce qui a trait à l’opérationnel, je fais un point tous les jours avec les équipes en charge de la gestion de la trésorerie, et tous les deux jours avec le reste des financiers. Nos échanges se font par mail ou grâce à des applications de communication collaborative. En parallèle, une part significative de la direction financière prépare actuellement la publication des résultats trimestriels de l’entreprise, et, sur ce point précis, la dispersion géographique de nos collaborateurs n’est pas sans poser un certain nombre de défis, notamment en ce qui concerne la remontée et la vérification des données financières ! Pour le reste, l’exercice se déroule comme à l’habitude : les comptables de chaque filiale arrêtent leurs liasses, lesquelles sont ensuite passées en revue par les contrôleurs de gestion locaux, qui les transmettent aux équipes centrales en charge de la consolidation. Chaque étape donne lieu à de nombreux points téléphoniques et vidéo. En ce qui me concerne plus particulièrement, je m’entretiens tous les matins avec notre président-directeur général, le comité de direction, les commerciaux, les opérationnels, les experts sante-sécurité et, au besoin, nos administrateurs, pour les tenir informés de nos avancées quotidiennes.
La fiche d’identité de Séché Environnement
Activités
Traitement, revalorisation et stockage des déchets dangereux et non dangereux
Chiffre d’affaires 2019
688 millions d’euros, en progression de 23 % en données publiées et de 4,4 % en organique
Place de cotation
Euronext Paris depuis 1997
Principaux pays et zones d’implantation
France, Italie, Espagne, Allemagne, Amérique du Sud et Afrique du Sud
Principaux marchés
France (entre 70 % et 75 %)
International (entre 25 et 30 %)