Ressources humaines

Société Générale mise sur ses salariés pour innover

Publié le 7 juin 2019 à 17h32

Arnaud Lefebvre

Afin d’optimiser ses processus internes et d’offrir à ses clients de nouveaux services, Société Générale a mis en œuvre un vaste programme d’intrapreneuriat, baptisé Internal Startup Call. Ayant mobilisé les 145 000 collaborateurs de la banque dans le monde, l’initiative a permis l’émergence d’une trentaine de projets innovants via la constitution de start-up internes.

En mars dernier, une dizaine d’institutions financières présentaient «Clipeum», un projet destiné à alléger les processus de collecte de données relatives à leurs clients, autrement appelés «KYC» («know your customer»). Face à l’inflation ininterrompue d’informations requises par les régulateurs, Clipeum présente toutes les caractéristiques pour intéresser un large public de financiers. Une bonne nouvelle pour Martial Chambounaud et Eric Le Roux, les deux banquiers à l’origine de l’initiative, et un joli coup de projecteur pour… Société Générale. Ce dispositif a en effet vu le jour dans le cadre d’un programme d’entrepreneuriat interne à la banque. Baptisé «Internal Startup Call», celui-ci a impliqué les quelque 145 000 collaborateurs du groupe, ce qui en fait un mécanisme unique dans son ampleur !

Une «plateforme d’idéation» créée

Malgré un contexte difficile pour les établissements bancaires, marqué notamment par une érosion des résultats des banques de détail liée à l’environnement de taux bas et par une rentabilité en berne, la décision d’investir dans un tel programme – l’enveloppe allouée par Société Générale pour ce programme reste confidentielle –, prise courant 2017, avait été considérée comme vitale par le management de Société Générale. «La capacité d’intégrer les innovations apportées par les nouvelles technologies constitue pour la banque l’enjeu numéro 1 pour continuer de se développer et, surtout, de survivre, témoignait le mois dernier Frédéric Oudéa, son directeur général, lors d’une conférence de présentation d’Internal Startup Call. Ces innovations doivent concerner tous les domaines, allant de la relation clients à la distribution de produits et services, en passant par l’optimisation des processus internes. Or, nous disposons des ressources en interne pour innover et nous avons choisi de miser sur nos propres talents pour développer des start-up.» Une option jugée d’autant plus pertinente qu’une stratégie basée exclusivement sur le rachat d’acteurs innovants comme les fintechs se serait probablement révélée plus onéreuse compte tenu de l’envolée des valorisations de ce type d’entreprises.

Dans un premier temps, Société Générale a créé une plateforme digitale en vue de recueillir les suggestions de l’ensemble des équipes.

«Nous avons identifié puis invité sur l’outil les 145 000 salariés de la banque, de tous âges et tous niveaux d’expérience, dans toutes les implantations du groupe, explique Claire Calmejane, directrice de l’innovation de Société Générale.Après leur avoir exposé l’objectif de la démarche, les collaborateurs se sont constitués en groupes de collègues qui ne se connaissaient pas forcément pour réfléchir à des projets innovants. Plus de 15 000 connexions ont été enregistrées sur la plateforme avec, au final, 600 idées proposées.» A l’issue de cette phase, les projets les plus prometteurs ont été retenus, avant que les 144 équipes concernées soient appelées début 2018 à les promouvoir devant les membres du comité de direction de la banque. Cet exercice a débouché sur la sélection de 70 projets, chacun d’entre eux étant soutenu par un responsable de ce comité, y compris Frédéric Oudéa.

Des équipes détachées de leurs prérogatives

Pour approfondir leurs projets, les start-up internes ainsi choisies ont ensuite été hébergées durant les six mois suivants au sein de 20 incubateurs externes. Parmi ces derniers figurent notamment Excubate, Creative Dock, Impact Hub, Fintech Circle, Schoolab ou encore La Piscine. Pour maximiser leurs chances de succès, Société Générale a consenti à libérer les collaborateurs de leurs prérogatives quotidiennes afin de leur permettre de se consacrer à plein-temps à leur idée. «Le fonds d’investissement du groupe dédié à l’innovation, Société Générale Ventures, peut soutenir les projets de start-up internes les plus aboutis», indique même Claire Calmejane. Au terme de cette période d’incubation, un tiers des initiatives ont connu un dénouement positif. Elles sont ainsi 22 à avoir été intégrées au sein de business units ou services units de la banque, tandis que 14 voyaient leur phase de développement être prolongée. Ces start-up touchent des domaines variés, comme par exemple la création d’une plateforme d’accès aux actifs numériques ou encore la mise en place d’un service de coaching pour accompagner les grands donneurs d’ordres publics et privés dans la réalisation de quartiers et d’îlots urbains alignés sur les objectifs du développement durable.

Considérant que cette expérience «a mis en avant la nécessité de développer plus encore l’intrapreneuriat à tous les niveaux managériaux, pour augmenter l’engagement des collaborateurs», Société Générale envisage d’ores et déjà de lancer prochainement une nouvelle initiative innovante, qui pourrait toutefois prendre une forme différente de l’Internal Startup Call.

De nombreux «labs» dédiés à l’innovation

En septembre dernier, Société Générale inaugurait au Luxembourg un «laboratoire d’innovation» destiné à «accélérer le processus d’innovation en favorisant la collaboration entre porteurs de projets internes, start-up et écosystèmes fintechs» dans le pays. Cette structure est ainsi venue enrichir un réseau déjà vaste de laboratoires à innovation au sein de la banque. En effet, celle-ci compte des entités de ce type en France, en Allemagne, en Tunisie, au Sénégal, en République tchèque, aux Pays-Bas ou encore en Inde.

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