Réalisant plus de 60 % de son chiffre d’affaires à l’étranger, dont une partie en dehors de la zone euro, Klépierre est confronté à plusieurs problématiques financières, allant de la maîtrise du risque de change au pilotage des flux intragroupe, en passant par la gestion des spécificités fiscales locales et des impératifs de communication qu’implique la cotation. Pour assurer ces missions, la foncière peut s’appuyer sur une fonction finance aux compétences élargies ainsi que sur des systèmes d’information et des processus optimisés.
Consommateurs davantage tournés vers les boutiques de proximité, croissance ininterrompue des ventes en ligne, menace terroriste planant sur les lieux attirant une foule dense… Alors que la fréquentation de nombreux centres commerciaux tend à reculer depuis quelques années en Europe, il est peu dire que la tâche des exploitants de tels complexes est délicate ! Cet environnement peu porteur n’empêche toutefois pas Klépierre de poursuivre sa marche en avant. Mieux, avec un cash-flow net courant par action en hausse de 7,8 % sur un an, la foncière (1,32 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2017) a fait état fin juillet de résultats semestriels en nette croissance et de perspectives meilleures qu’annoncées pour l’exercice 2018. Une performance saluée par les analystes et le marché, d’autant que les résultats annuels 2017 publiés quelques mois plus tôt avaient déjà dépassé les anticipations.
Cette bonne santé, Klépierre la doit en grande partie à son positionnement stratégique.«Depuis quelques années maintenant, nous observons un mouvement de polarisation des centres commerciaux, explique Jean-Michel Gault, directeur général délégué et membre du directoire de Klépierre. D’un côté, il y a les grands centres régionaux qui disposent d’un emplacement optimal dans des zones urbaines à forte croissance et qui attirent encore et toujours les grandes enseignes et les consommateurs. D’un autre côté, des centres situés dans des villes plus secondaires qui sont aujourd’hui moins demandés par les grandes enseignes et, de fait, font preuve d’un moindre dynamisme commercial. Dans la mesure où nous avons fait le choix il y a quelques années de concentrer le portefeuille sur le premier segment, nous retirons aujourd’hui tous les bénéfices de cette stratégie qui se mesurent en termes de croissance locative et de taux d’occupation très élevés.»
Un fonctionnement centralisé
Présente dans seize pays d’Europe continentale, Klépierre y gère plus d’une centaine de centres, accueillant quelque 1,1 milliard de visiteurs par an. Pour accompagner son développement, elle peut compter sur une organisation financière de premier plan : Jean-Michel Gault couvre en effet un périmètre comprenant pas moins de sept directions qui, au siège, comptent près de 175 collaborateurs, sur un total d’environ 1 250 employés par la foncière. «En raison de notre statut de société cotée, elle-même détenue partiellement par le groupe américain coté Simon Property Group (environ 20 % du capital), de notre internationalisation et de notre rang de deuxième foncière européenne en termes de taille de notre portefeuille d’actifs (d’une valeur de près de 24 milliards d’euros), il est, et il a toujours été, essentiel pour l’entreprise de s’appuyer sur une fonction finance solide, pilotée étroitement depuis le siège», pointe le directeur général délégué. A ce titre, celle-ci repose sur un fonctionnement largement centralisé. «Les prérogatives des équipes locales se limitent principalement à la comptabilité et à la planification budgétaire, voire dans certains cas à un peu de contrôle de gestion», précise Jean-Michel Gault. Ces missions sont assurées, selon la taille des filiales, par cinq à dix personnes, chapeautées par un directeur financier pays lui-même rattaché hiérarchiquement au directeur général de la filiale et fonctionnellement à la direction financière groupe.
Basée à Paris, cette dernière compte d’abord un département en charge de la comptabilité de Klépierre en France et de la consolidation de l’ensemble des comptes du groupe. Dans la forme, le travail de cette équipe de près de 35 personnes a sensiblement évolué il y a quelques années.«Dans le cadre du passage de notre ERP sous SAP, nous avons réorganisé tous nos processus comptables pour gagner en lisibilité : au lieu de collecter les liasses pays par pays, comme c’était le cas auparavant, ces dernières nous parviennent avec une segmentation par pays et par typologie de partenaires (fournisseurs, clients), ce qui améliore significativement le travail de contrôle.» Autre atout lié à la mise en place de cet ERP, le délai de production des états financiers a été réduit de quelques jours. «Nous disposons désormais des comptes annuels au 10 janvier, une date qui convient parfaitement à notre principal actionnaire américain pour la consolidation de ses comptes.»
Une exposition limitée au risque de change
Composée de six personnes, la direction du financement et de la trésorerie vient tout juste de finaliser un chantier d’envergure. Fin 2017, elle a en effet bouclé le déploiement d’un cash pooling international afin d’optimiser la circulation des liquidités dans le groupe. Un projet qui l’a mobilisée près de deux ans (voir Option Finance n° 1451). Outre des thématiques de cette nature ‒ elle a récemment mis en place deux plateformes, une de paiement et une de communication bancaire ‒, le département gère les nombreuses problématiques du quotidien. Klépierre affichant une dette d’environ 8,9 milliards d’euros à fin 2017, il est d’abord très actif sur les marchés bancaires et de capitaux. Outre des lignes de crédit revolving, la palette d’instruments du groupe se compose de Neu-CP (ex-billets de trésorerie) pour les emprunts de court terme et d’obligations sur la partie moyen et long termes. Afin de profiter de la faiblesse des taux d’intérêt, la foncière a récemment fait évoluer le profil de son endettement. «Alors que nous avions tendance à conserver 80 % de notre dette à taux fixe, nous sommes passés à quasiment 100 % sur une moyenne de trois ans, de manière à ne pas être pénalisés par la hausse des taux si elle venait à s’intensifier», précise Jean-Michel Gault. Pour ce faire, le groupe a eu recours pour sa dette à taux variable à des produits dérivés, à savoir des swaps de taux et des caps. Implantée en dehors de la zone euro, la foncière est également exposée aux fluctuations de la monnaie unique face à des devises comme les couronnes norvégienne, suédoise et danoise. Pour autant, ses actions en matière de couvertures restent marginales. «Compte tenu de notre exposition réduite à ces devises et de la durée de nos investissements qui s’étale sur de nombreuses années, il serait trop onéreux de souscrire à des instruments de couverture, explique Jean-Michel Gault. En outre, s’agissant de nos loyers en Europe de l’Est, nous sommes en partie couverts puisque les baux de nos commerçants sont libellés en euros.» La seule exception concerne la livre turque. «En Turquie, nos loyers sont libellés en dollars, ce qui nous amène à nous protéger via des contrats à terme euro-dollar.»
Autre composante de la fonction finance, la direction dédiée au contrôle de gestion et à la planification budgétaire regroupe pour sa part 16 personnes. Largement décentralisé, le processus budgétaire les mobilise à plusieurs reprises dans l’année. Il débute en septembre avec la collecte des prévisions établies par les dirigeants de filiales, qui sont ensuite examinées par ce département à partir d’octobre. Les choix finaux sont généralement arrêtés en novembre. Une prévision à trois ans est aussi prévue. Dans le but de simplifier la procédure, Klépierre s’est doté d’un outil commun à l’ensemble des entités du groupe (module Oracle Hyperion qui s’interface avec l’ERP), qui lui a permis d’harmoniser les procédures d’échange d’informations. «Toutes les filiales nous transmettent leurs hypothèses budgétaires sous un format unique, simplifiant ainsi l’analyse et l’agrégation des données», informe Jean-Michel Gault. Au cours de l’exercice, deux mises à jour sont effectuées. «Avant la publication des comptes semestriels, c’est-à-dire en mai ou en juin, nous procédons à une première actualisation. La seconde actualisation a lieu lorsque démarrent les réflexions sur le budget de l’exercice N+1, ce qui nous sert de base à la constitution de ce dernier.» En matière de contrôle de gestion, des reportings sont produits sur une base mensuelle pour l’évolution des ventes dans les centres commerciaux, et trimestrielle pour l’encaissement des loyers, dont une partie peut varier en fonction du chiffre d’affaires des enseignes. «Ces analyses sont réalisées centre commercial par centre commercial et bail par bail. Sachant que nous comptons près de 12 000 baux en Europe, la tâche est aussi lourde que primordiale.»
De nombreux contrôles fiscaux
A ses côtés se situe la direction en charge de la fiscalité et de ses trois collaborateurs. Parmi leurs principales prérogatives figurent les traditionnelles problématiques d’évaluation de prix de transfert, mais aussi la structuration d’opérations de cessions ou d’acquisitions. «En tant que société d'investissement immobilier cotée (SIIC), nous ne payons pas d’impôt sur les sociétés en France, rappelle Jean-Michel Gault. En revanche, ce n’est pas forcément le cas à l’étranger. Dans la mesure où les régimes d’imposition applicables sont très différents d’un pays à l’autre, cette équipe a vocation à élaborer les schémas offrant la meilleure solution possible dans le respect des règles fiscales locales.» L’accompagnement des équipes locales dans le cadre des contrôles fiscaux fait également partie des attributions de ces spécialistes, même si les directeurs financiers de filiales disposent d’une expertise dans ce domaine. «L’activité d’une foncière comportant une composante fiscale importante, nous recrutons des collaborateurs qui disposent de fortes compétences pour cette matière dans un contexte européen», confirme Jean-Michel Gault.
Egalement rattachés à ce dernier, l’audit et le contrôle internes sont assurés par 5 personnes. Dans un contexte de recrudescence des tentatives de fraude, cette direction a multiplié au cours des mois précédents les contrôles sur les procédures en place dans le groupe. En outre, l’adoption fin 2016 de la loi Sapin 2 et de son volet relatif à la lutte contre la corruption l’a amenée à compléter certains documents ou dispositifs, comme son code de déontologie à l’intention des collaborateurs, mais aussi les informations recensées sur ses partenaires commerciaux. Mais ses prérogatives du moment dépassent le spectre de la finance. «Le principal risque pesant sur Klépierre a trait à la sécurité des biens et des personnes dans nos centres commerciaux, insiste Jean-Michel Gault. Des audits de centres sont réalisés chaque année en fonction d’un plan préétabli et validé par le comité d’audit. Afin de déployer dans le groupe une véritable culture du risque, nous avons développé en 2017 un outil informatique dédié, dans lequel les responsables de centres doivent entrer l’ensemble des équipements techniques (escalators, ascenseurs, sprinklers…), les obligations réglementaires en termes de contrôle et de maintenance y afférentes et leur suivi dans le temps.» Chaque centre comportant plusieurs centaines d’équipements, la mission est considérée comme essentielle par le top management.
De l’intéressement pour les managers
Enfin, la structure est complétée par une direction de la communication, animée par 8 collaborateurs. Celle-ci a connu il y a un an environ une évolution de périmètre. Jusqu’alors autonome, la communication financière a fait l’objet d’un regroupement avec le reste de la communication du groupe. Un choix destiné à mieux répondre aux attentes des investisseurs. «Dans la mesure où les investisseurs et les analystes accèdent facilement à nos données financières, via par exemple notre site Web, ils nous réclamaient le plus souvent des informations en lien avec nos activités opérationnelles, explique Jean-Michel Gault. Par ailleurs, l’augmentation de notre taille a accru notre visibilité, notamment auprès des médias et des décideurs. Nous sommes également de plus en plus actifs sur les réseaux sociaux. Pour toutes ces raisons, il nous a paru pertinent de regrouper communication financière et communication corporate.»Outre les missions relatives à la rédaction du document de référence ainsi qu’à la gestion des contraintes réglementaires liées à la cotation, ce département travaille également à la préparation des nombreuses rencontres avec les gérants et institutionnels. «A destination des investisseurs en actions, nous organisons chaque année plusieurs roadshows en Europe, aux Etats-Unis, mais aussi en Afrique du Sud et en Asie. Nous participons également à plusieurs conférences organisées par les banques internationales sur l’immobilier.» De la même manière, Klépierre rencontre aussi les investisseurs crédit dans le cadre de manifestations sectorielles. A tous ces événements s’ajoute la tenue tous les deux ans d’un «investor day». Parmi les évolutions notables pour ce département, la thématique sociale et responsable revêt une importance croissante. «Depuis peu, nous avons institué un roadshow dédié à la RSE, au cours duquel nous échangeons avec les investisseurs spécialisés. Par ailleurs, nous intégrons dans nos reportings et nos publications financières des indicateurs extra-financiers destinés à mettre en lumière nos efforts en termes, par exemple, d’économies d’énergie au sein de nos centres commerciaux.»
Pour animer cet ensemble, Jean-Michel Gault peut capitaliser sur la stabilité de ses effectifs. «Nous enregistrons un taux de rotation au sein de nos équipes financières assez faible», assure-t-il. Pour y parvenir, la fonction finance s’appuie sur plusieurs leviers. «Même si les opportunités demeurent limitées compte tenu de l’effectif total du groupe, nous cherchons dans la mesure du possible à répondre aux attentes de nos collaborateurs en termes de mobilité», poursuit Jean-Michel Gault. Afin de maintenir un lien constant avec les collaborateurs situés dans les filiales, des rencontres sont régulièrement organisées. Outre des déplacements à l’étranger de la part des responsables financiers groupe, un séminaire réunit tous les ans les principaux cadres financiers de la foncière. Enfin, un mécanisme d’intéressement leur est également proposé. «La majorité des collaborateurs ont une part variable dans leur rémunération. Les principaux cadres bénéficient en outre d’un plan d’actions de performance», précise Jean-Michel Gault. Un geste d’autant plus appréciable pour les collaborateurs concernés que Klépierre affiche depuis cinq ans l’une des meilleures performances boursières parmi les foncières françaises.
Le parcours de Jean-Michel Gault
Diplômé de l’Ecole supérieure de commerce de Bordeaux, Jean-Michel Gault débute sa carrière en 1986 chez GTM international (groupe Vinci) au poste de contrôleur financier. En 1988, il est recruté par Cogedim, filiale de Paribas, en tant que responsable des services financiers, avant d’être promu directeur financier. Par la suite, il assume notamment l’encadrement de la direction financière d’une autre filiale, la Compagnie Foncière, au sein du département investissement immobilier de Paribas. A ce titre, il supervise la fusion de cette dernière avec Klépierre, qu’il intègre en 1998. Il en devient alors le directeur financier, puis est nommé membre du directoire en juin 2005. Quatre ans plus tard, ses fonctions sont élargies à la direction du pôle bureaux. A cette occasion, il est nommé directeur général délégué en charge des finances de la foncière.
Les systèmes d’information rattachés à la direction financière
- Configuration peu courante, la direction des systèmes d’information de Klépierre entre dans le périmètre de la fonction finance et est pilotée par le directeur financier adjoint. Un choix qui remonte à la mise en place de SAP. «Lorsque nous avons commencé à déployer notre ERP, il y a plusieurs années, nous l’utilisions dans un premier temps exclusivement pour les tâches comptables et de consolidation, rappelle Jean-Michel Gault. Dans ce contexte, il était logique d’en confier la responsabilité à mes équipes.»
- Depuis, les fonctionnalités de l’outil ont été élargies. «Désormais, celui-ci permet d’échanger l’ensemble des informations dans le groupe, qu’elles soient financières, marketing ou juridiques», précise Jean-Michel Gault. En raison de cette hétérogénéité des données traitées, une réorganisation n’est pas exclue.
Les partenaires de la direction financière
• Les banques
Klépierre s’appuie sur un pool bancaire composé de nombreuses banques dont BNP Paribas, la Société Générale, le Crédit Agricole, Natixis, BECM, Barclays, Mitsuho et Santander. En Scandinavie, où la filiale Steen & Strøm, détenue à 56,1 % et notée, est autonome sur le plan du financement, des relations ont été instaurées avec SEB, Nordea et Danske Bank. «S’il nous arrive, pour nos placements obligataires, de solliciter les services d’établissements comme JP Morgan, Goldman Sachs et ING, nous avons toutefois pour habitude de privilégier les banques qui nous prêtent les montants les plus importants, et ce dans une démarche de bonne allocation de notre side business», signale Jean-Michel Gault.
• Les commissaires aux comptes
Deloitte et EY se partagent le co-commissariat aux comptes de Klépierre. Le choix de deux Big Four a été motivé par la diversification géographique de la foncière. «Dans la mesure où nous sommes implantés dans seize pays, nous tenons à être accompagnés par des cabinets disposant d’un bon réseau et d’une présence locale pérenne», précise Jean-Michel Gault.
• Les conseils
Sur le volet corporate, la société se fait accompagner par Bredin Prat. Le cabinet intervient également sur des problématiques d’acquisitions ou de cessions, au même titre que White & Case, et fiscales, aux côtés de CMS Francis Lefebvre Avocats. Pour valoriser ses actifs immobiliers, Klépierre recourt aux services de Cushman & Wakefield, Jones Lang LaSalle Expertises, CBRE et BNP Paribas Real Estate Valuation. Quant à la valorisation semestrielle des activités de gestion, elle est confiée à Accuracy.