Métier

Family officer, une profession en devenir

Publié le 13 juillet 2018 à 11h56

Anne del Pozo

Afin de répondre à une demande croissante et de plus en plus complexe, les family offices cherchent à renforcer leur expertise. Un besoin qui se traduit par une vague de recrutements et qui profite principalement à des profils expérimentés.

Un «métier d’avenir». C’est en ces termes que l’Association française du family office (AFFO) qualifiait dans une communication récente la profession de family officer. Il est vrai que cette dernière, encore méconnue au début du siècle, a su au fil des années se rendre indispensable auprès d’un nombre croissant de familles au patrimoine important. «Nous constatons d’ailleurs une meilleure compréhension et une meilleure identification des valeurs ajoutées apportées par les family offices, explique Christophe Achard, président du multi-family office Intuitae et administrateur de l’AFFO. Pour preuve, nous sommes de plus en plus interrogés dans le cadre d’appels d’offres.»

Cette tendance résulte d’une conjonction de facteurs. «Les entreprises se développent et se vendent actuellement de plus en plus vite, gonflant ainsi les patrimoines familiaux, observe Jean-Marie Paluel Marmont, président de l’AFFO. En outre, nous assistons à une multiplication des transmissions d’entreprises familiales et constatons une forte volonté de pérenniser cet actif. Des démarches dans lesquelles les family offices ont pour vocation de les accompagner.» Le métier de family officer est en effet consubstantiel à une entreprise familiale confrontée d’une part à la gestion de son patrimoine et, d’autre part, à des enjeux de gouvernance. «L’entrepreneur a alors besoin d’un chef d’orchestre qui ait une vision globale et transgénérationnelle du patrimoine de la famille, ajoute Jean-Marie Paluel Marmont. A cet effet, le family office coordonne différents corps de métiers (financiers, fiscalistes, avocats, spécialistes immobiliers, juristes) avec lesquels il va identifier et analyser les besoins de la famille, la conseiller dans la gestion de ses actifs financiers, ses investissements, ses projets de transmission, de gouvernance, ou encore de philanthropie, puis en assurer le suivi.»

Des besoins en évolution

Pour répondre à ces besoins, les family offices tendent à développer et compléter leurs expertises. «Certains single family offices (qui ne s’occupent que d’une famille) font appel à des multi-family offices comme partenaires extérieurs dans des domaines où ils n’ont pas les compétences en interne, tandis que d’autres se transforment directement en multi-family offices, constate Christophe Achard. Beaucoup d’entre eux n’hésitent pas à recruter de nouvelles expertises pour compléter leur équipe.» Des décisions d’autant plus impérieuses que la composition du patrimoine de certaines familles et leur stratégie d’investissement évoluent. «Par exemple, nous observons actuellement une internationalisation des familles, de leur patrimoine et même de certains de leurs membres qui partent vivre à l’étranger, pour des raisons personnelles ou professionnelles, constate Thierry de Poncheville, responsable d’un mono-family office et vice-président de l’AFFO. Nous devons nous adapter à ce contexte d’internationalisation pour les conseiller au mieux sur un contrat de mariage, une succession ou encore un investissement immobilier à l’étranger.»

Parmi les compétences devenues clés figurent également aujourd’hui les expertises en private equity, en matière d’ingénierie immobilière, et enfin en gouvernance familiale. «Nous sommes en effet de plus en plus sollicités pour aider des familles à partager les mêmes valeurs, un projet et une vision commune, une affectio familiae, mais aussi pour former et informer les nouvelles générations», poursuit Christophe Achard. De quoi amener les family offices à s’intéresser à des profils bien particuliers. «Ceux-ci recrutent principalement trois grands types de profils : les profils financiers en ingénierie patrimoniale, les profils juridiques agiles à l’international et les profils “sachants” sur le secteur de l’investissement immobilier», informe Harold Valat, associé chez Vauban Executive Search.

Des expertises protéiformes

A ce titre, un family officer devra donc répondre à plusieurs critères. S’il n’existe pas de formation à proprement parler sur ce métier, certains masters en gestion de patrimoine sont néanmoins reconnus par la profession, tels que ceux proposés par les universités de Bordeaux, Paris Dauphine, Clermont-Ferrand ou encore l’Essec. Plus que la formation, c’est surtout l’expertise du candidat qui fera la différence. «D’ailleurs, le family office est un secteur très fermé qui recrute souvent parmi ses prestataires», constate Martin Louvet, associé chez Yourway Human Resources. Nombreux sont ainsi les collaborateurs ayant exercé auparavant dans le secteur bancaire ou qui sont passés par des fonctions de direction financière, de responsable M&A ou encore de juriste. Par ailleurs, les recruteurs sont également attentifs à la capacité des candidats à s’engager en termes de transparence, de probité et de confidentialité. «La confiance et la discrétion sont des qualités indispensables à tous ceux qui travaillent au sein d’équipes de family office», soutient Martin Louvet. Enfin, ceux-ci doivent avoir le sens de l’écoute affûté. «Quel que soit leur domaine d’expertise, tous doivent avoir une appétence pour les caractéristiques de gestion propres à un univers familial et un sens aigu des relations humaines», insiste Jean-Marie Paluel Marmont.

Si ces prérequis restreignent mécaniquement le bassin de candidats potentiels, les niveaux de rémunération proposés, identiques à ceux traditionnellement appliqués dans le secteur de la gestion d’actifs, ont de quoi les séduire. «Ils s’échelonnent entre 38 000 euros par an pour un junior et 120 000 euros pour un directeur, en passant par 70 000 euros pour un responsable», ajoute Harold Valat. Des revenus fixes auxquels s’ajoutent généralement des variables, pour la plupart discrétionnaires, pour que les conseils soient le plus objectifs possible.

Questions à… Alexis Chardigny, banquier privé chez Lombard Odier France et membre de l’Association française du family office (AFFO)

Quelle est la relation entre un banquier privé et un family office ?

Le banquier privé intervient souvent comme un partenaire du family office, lui-même chargé de coordonner différents corps de métiers (banques, fiscalistes, spécialistes immobiliers, juristes) dont peut avoir besoin une famille pour gérer son patrimoine. Néanmoins, à la demande d’une famille, une banque privée peut également jouer un rôle de family office.

Les expertises requises sont-elles identiques ?

Les parcours professionnels d’un family officer et d’un banquier privé sont en effet généralement les mêmes. Dans un cas comme dans l’autre, ce sont souvent d’anciens banquiers d’affaires spécialisés sur les marchés des capitaux ou en fusion et acquisition, ou des fiscalistes souhaitant développer une plus large relation avec leurs clients.

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