Mobilité interne

Les directions financières veulent aller plus loin

Publié le 1 avril 2016 à 12h24    Mis à jour le 1 avril 2016 à 17h00

Arnaud Lefebvre

Considérée comme un outil de rétention des talents au sein d’un groupe et comme une source de valeur ajoutée pour la fonction finance, la mobilité interne s’inscrit de plus en plus au cœur des priorités des directeurs financiers. Une démarche qui, pour être efficace, implique toutefois un engagement fort du management.

Les entretiens d’évaluation annuels achevés au sein de la plupart des groupes, de nombreuses directions financières s’apprêtent désormais à entamer un jeu de chaises musicales. Dans quelques mois, Tarkett va par exemple accueillir un de ses contrôleurs de gestion basé en Russie dans son département d’audit interne à Paris. Venant de réaliser deux opérations de croissance externe significatives en Europe, une ETI évoluant dans l’industrie du bâtiment va pour sa part enregistrer un chassé-croisé entre un comptable groupe et un comptable qui travaillait jusqu’alors dans l’une de ses nouvelles filiales, située en Europe du Nord. Quant à une grande banque française, elle a décidé de confier la gestion d’une de ses équipes d’audit à un contrôleur financier senior, en remplacement d’un cadre qui était lui-même venu d’une filiale d’Europe de l’Est…

Alors que le taux de mobilité interne parmi les équipes financières se stabilise depuis plusieurs années autour de 10 % d’après plusieurs études, dont celle effectuée tous les ans par Deloitte en partenariat avec le spécialiste de la veille et de l’information BtoB Nomination, («Mobicadres»), plusieurs directeurs financiers espèrent bien le voir croître. «A ce jour, ce niveau s’établit au sein de mes équipes dans une fourchette comprise entre 5 % et 10 %, signale Grégory Sanson, directeur financier de Bonduelle. Même s’il est compliqué d’aboutir à des seuils plus élevés, l’ensemble des collaborateurs n’ayant pas de velléités de mouvement, nous aimerions cependant nous rapprocher de 15 %.»

Un levier de diffusion des bonnes pratiques

Les avantages qu’une direction financière peut espérer dégager d’une telle stratégie sont, il faut le dire, multiples. Ceux-ci concernent d’abord la politique de ressources humaines. «Profitant de notre présence à l’international, nous pouvons facilement proposer à un collaborateur intéressé par la mobilité un programme clair d’évolution de carrière, poursuit Grégory Sanson. Le fait d’offrir des perspectives sur le moyen terme à ses équipes constitue un réel atout pour attirer les talents puis, surtout, pour les conserver.» En outre, le fonctionnement de la fonction finance dans son ensemble peut s’en trouver renforcé.«Lorsqu’un collaborateur réalise une partie de sa carrière dans une structure du groupe où l’approche managériale est différente, ou dans laquelle les pratiques et les outils utilisés sont plus efficaces, il peut, à son retour, devenir force de proposition et contribuer à l’émergence de “best practices”, insiste Ariel Smadja, fondateur de Fuseo, cabinet de conseil en optimisation du fonctionnement des directions financières. A travers nos diverses missions, nous constatons que la présence de collaborateurs ayant connu des épisodes de mobilité pendant leur parcours représente un apport précieux pour les directions financières.» Un constat particulièrement valable en ce qui concerne les trésoriers, les contrôleurs de gestion et les auditeurs.

Pour autant, la tâche des directeurs financiers n’est pas toujours aisée.«Alors que la plupart des étudiants disposent aujourd’hui d’une expérience à l’international, nous pensions qu’il serait simple de trouver des candidats à la mobilité, témoigne Fabrice Barthélemy, directeur financier de Tarkett.Mais, dans les faits, nous manquons parfois de volontaires.» De l’avis de cabinets spécialisés, cette tendance se serait légèrement accentuée au cours des dernières années, dans le cas principalement de la mobilité géographique. La réduction des «packages» de rémunération offerts aux expatriés, qui n’ont pas échappé aux coupes budgétaires récentes, y aurait en partie contribué. 

Un processus structuré

Dans ce contexte, les marges de manœuvre des directeurs financiers sont donc limitées, d’autant que la majorité d’entre eux se refuse à imposer la mobilité à ses salariés. Pour les convaincre, un travail de pédagogie est le plus souvent nécessaire. «Si nous rassurons nos collaborateurs sur le fait qu’ils ne seront pas pénalisés en cas de refus, nous leur indiquons également qu’accepter une mobilité est de nature à accélérer leur évolution dans le groupe, témoigne Fabrice Barthélemy. Par exemple, nos quatre directeurs financiers de divisions ont chacun eu des expériences internationales.» Cet exercice de sensibilisation doit également concerner les managers financiers. «Qu’il s’agisse du directeur financier du groupe ou des financiers locaux, il faudrait instaurer le réflexe, dès qu’un poste est à pourvoir, de vérifier s’il n’existe pas déjà des compétences disponibles au sein du groupe, plutôt que de chercher immédiatement à recruter en externe», recommande Ariel Smadja.

Ce prérequis est en effet jugé essentiel par les directeurs financiers, bien qu’énergivore.«Pour que la politique de mobilité fonctionne, les top managers doivent investir beaucoup de leur temps», confirme Grégory Sanson. Afin de fluidifier le processus, certains groupes ont donc décidé de structurer leur démarche, un chantier qui prend le plus souvent la forme d’une «revue des talents». «Chez Tarkett, tous les managers financiers ont la charge d’évaluer les collaborateurs sous leur supervision directe, afin notamment de recenser leurs aspirations, explique Fabrice Barthélemy. A l’issue de ces entretiens, nous nous réunissons avec les directeurs financiers de divisions et le contrôleur financier groupe pour établir la liste des postes que nous pourrions prochainement ouvrir à la mobilité et celle des personnes qui pourraient les occuper.» Une technique qui permet ainsi au directeur financier groupe d’avoir une totale visibilité sur les enjeux de ressources humaines au sein de son département.

Trois types de mobilité

Les attentes de mobilité d’un collaborateur peuvent résulter de différentes aspirations.

. Celles-ci peuvent d’abord être d’ordre strictement géographique, le salarié désirant occuper le même métier mais dans une autre filiale ou au siège s’il travaille au niveau local. De tels mouvements sont devenus de plus en plus simples à mettre en œuvre sous l’effet de l’internationalisation croissante des PME-ETI et des groupes de taille plus importante. Selon l’Insee, plus de 65 000 filiales de sociétés françaises sont aujourd’hui implantées à l’étranger.

. Ensuite, ces attentes peuvent exprimer la volonté d’évoluer à un autre poste au sein de la fonction finance. D’après des directeurs financiers, les passerelles les plus courantes concernent les contrôleurs de gestion et les auditeurs.

. Enfin, le souhait de changer complètement de voie afin d’exercer une fonction opérationnelle constitue le dernier type de mobilité. «Récemment, un de nos responsables en contrôle de gestion a pris la direction de notre supply chain en Allemagne, illustre Grégory Sanson. Néanmoins, de telles évolutions sont rares, les compétences requises étant parfois très éloignées.»

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