Pressions exacerbées de la société civile en réaction aux opérations de financement d’entreprises polluantes, risques de voir une partie significative de leurs créances se transformer en « actifs échoués » – expression désignant les actifs susceptibles de perdre tout ou partie de leur valeur sous l’effet de catastrophes naturelles, d’épisodes de sécheresse extrême…
A divers titres, le changement climatique fait peser sur les banques de sérieuses menaces, susceptibles de se traduire notamment par des pertes financières et par une moindre rentabilité en raison du possible relèvement par les autorités financières des exigences en fonds propres prudentiels. Or, alors que la taille du secteur bancaire français avoisine 350 % du PIB national et que celui-ci finance très largement l’économie et les entreprises (environ 1 300 milliards d’euros de crédits aux sociétés non financières), l’enjeu est clairement systémique.
Un risque sous-évalué
Les tests de résistance imposés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ont certes récemment fait ressortir que ce risque était limité pour les établissements bancaires hexagonaux. « Mais ils ont aussi pointé que ce risque était probablement sous-évalué », insiste Taryk Bennani, directeur adjoint des études et de l’analyse des risques au sein de l’ACPR. Et ce dernier d’ajouter que la prise de conscience est certes réelle et que des actions concrètes ont été lancées par les acteurs concernés, mais que « les efforts sont encore insuffisants. Face à l’urgence climatique, les banques n’ont pas d’autre choix que d’avancer et d’accélérer ». Dans ce cadre, la mesure des risques est le b.a.-ba, mais elle ne suffit pas. « Outre la matérialité financière, il importe aussi de retenir la matérialité d’impact », prévient Virginie Wauquiez, chief executive officer de Carbon4 Finance. Afin d’appréhender correctement cette problématique, des investissements considérables en formation et de la pédagogie vis-à-vis des collaborateurs sont essentiels, selon la dirigeante, afin en particulier qu’ils s’approprient les nouveaux indicateurs (KPI) à dimension durable. « Il est important d’intégrer ces KPI dans les processus internes, de les placer au cœur de la relation avec les clients pour que la banque puisse en retirer un maximum de valeur, a relevé Virginie Wauquiez. Or cela prend du temps. »
Une source d’opportunités
Associée chez Jeantet, Alexae Fournier-de Faÿ est sur la même ligne. « Davantage que la dimension risque, le thème du changement climatique est un sujet porteur pour les banques, riche en opportunités. » L’avocate a ainsi illustré ce constat en évoquant l’industrie de l’immobilier et de la construction. « Le secteur bancaire a accompagné très tôt ces acteurs dans la mise en place de financements verts de type sustainability-linked, bien avant que ceux-ci ne deviennent à la mode et que leur développement ne soit encouragé par la réglementation. Cette démarche a permis aux banques de lancer de nouveaux produits et, par la suite, de gagner des parts de marché dans d’autres secteurs, tels que la mobilité, la rénovation énergétique des bâtiments, etc. » Tandis que l’atteinte des objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030 implique environ 105 milliards d’investissements annuels d’ici cette échéance, les opportunités devraient continuer d’aller croissant pour les banques.