L’annonce faite par le gouvernement à l’automne dernier de renoncer à faire du PPF une plateforme de dématérialisation rebat les cartes pour de nombreuses entreprises mais aussi pour les acteurs de la place. Parallèlement, depuis cet automne, d’autres annonces ont été faites par la DGFiP et l’AIFE, notamment concernant la mise en place de référentiels Afnor, AIFE et Peppol pour les PDP. Ces évolutions ne sont pas sans impact sur les entreprises et les acteurs de la place. Comment, dans ce nouvel environnement, les entreprises peuvent-elles choisir leur PDP pour se mettre en conformité avec la facturation électronique ?
- Florent Faguer, responsable marketing – solutions paiements de Tessi
- Les impacts de ces évolutions sur les entreprises
- Olivier Taligault, global mandate program lead de Basware
- Un nouvel environnement réglementaire qui pousse le marché à se restructurer
- Mélanie Proth-Evangelist, senior product marketing manager e-invoicing de Yooz
- Quels sont les principaux critères de choix d’une PDP ?
- Christophe Viry, directeur des produits et des marchés EDI & e-invoicing de Generix
Les intervenants (de gauche à droite) :
- Christophe Viry, directeur des produits et des marchés EDI & e-invoicing de Generix
- Olivier Taligault, global mandate program lead de Basware
- Mélanie Proth-Evangelist, senior product marketing manager e-invoicing de Yooz
- Florent Faguer, responsable marketing – solutions paiements de Tessi
Christophe Viry, directeur des produits et des marchés EDI & e-invoicing de Generix : Le 15 octobre dernier, le gouvernement a annoncé qu’il renonçait à faire du Portail public de facturation (PPF) une plateforme de dématérialisation. Une décision prise par l’administration en raison de difficultés à construire ce PPF et à la suite de laquelle les plateformes de dématérialisation partenaires deviennent les seules habilitées à transmettre les flux de facturation des entreprises au PPF. Le PPF conserve néanmoins la gestion de l’annuaire qui est le pivot permettant aux PDP de connaître les adresses des destinataires, et la collecte des informations qui permettent de construire la déclaration de TVA, à savoir les informations du flux 1 relatif aux factures domestiques, du flux 10 pour toute la partie e-reporting, ainsi que les informations que l’on peut retrouver dans les statuts obligatoires.
Les conséquences de cet arrêt sont multiples. Il impact d’abord les entreprises qui ne peuvent plus s’appuyer sur ce service gratuit qui était proposé. Elles sont donc obligées désormais de choisir une PDP. Il impacte également les opérateurs de dématérialisation (OD) qui, de leur côté, avaient pour projet d’embarquer énormément d’assujettis. Parmi ces OD se trouvent des éditeurs de logiciels, des spécialistes du BPO... Ces acteurs-là vont devoir soit devenir PDP, soit choisir une PDP pour continuer à proposer leur offre de services. Enfin cela impacte la mission de l’AIFE qui travaille pour le compte de la DGFiP. Cette mission s’est désormais restreinte aux seuls périmètres de la partie « annuaire » et la partie dite « concentrateur de données ».
Avant cette annonce, nous étions déjà dans une situation compliquée, en particulier pour les acteurs qui cherchaient à comprendre ce qu’il faut développer pour faire une PDP. En effet, le décret sur le sujet qui date d’octobre 2022 est ancien et assez sommaire, donc assez interprétable. Nous avions également un référentiel externe, mais il s’agissait plutôt de spécifications externes du PPF dont les PDP s’inspiraient alors qu’il n’était inscrit nulle part dans la loi qu’elle devait développer la même chose que le PPF. Nous avions aussi Peppol qui a poursuivi son chemin. En France, l’Autorité Peppol imposera en effet ses propres exigences. Les PDP devront donc non seulement être des points d’accès Peppol (Peppol access points) mais également respecter les exigences locales. Il y a également d’autres référentiels qui gravitent autour de la facturation électronique, tels que le label de confiance SecNumCloud de l’ANSSI. Donc, globalement, nous étions dans une situation où aucune PDP n’avait la même interprétation de la loi et où l’interopérabilité fonctionnelle aurait été compliquée.
Finalement, cette annonce du 15 octobre a donc amené à quelque chose d’assez positif : la construction de la norme s’appliquant aux PDP et reprise par l’Afnor à travers deux grandes commissions. La commission « administration », placée sous la responsabilité de l’AIFE, et la DGFiP seront chargées des spécifications relatives au PPF, auront un regard sur les travaux de l’ensemble des autres groupes et de l’Autorité Peppol France. Elle fixera les orientations et assurera la cohérence et la transposition des travaux dans le cadre juridique. La commission « facturation électronique » prendra en charge, pour sa part, le socle normatif à l’attention des PDP : flux 2, cycle de vie, e-reporting, cas d’usage. Ces travaux sont chapeautés par la DGFiP qui garde la main sur l’ensemble du référentiel. Il devrait donc y avoir un meilleur alignement entre ce qui est écrit dans la loi et ce qui se passe dans les ateliers. D’ailleurs, la loi devrait être réécrite d’ici la fin du premier semestre 2025 et indiquer le référentiel de ce qui doit être supporté par les PDP. Nous allons ainsi vers quelque chose de plus cadré, mais probablement aussi de plus coûteux à développer pour les PDP.
Olivier Taligault, global mandate program lead de Basware : Les acteurs du marché vont en effet devoir mettre à jour ce qui avait déjà été fait. Nous avions tous commencé à mettre en place les processus pour gérer les cas d’usage et les différentes obligations qui nous incombent. Mais nous l’avions probablement fait chacun en fonction des plateformes de dématérialisation, technologies et processus que nous avions déjà mis en place pour gérer la facturation électronique. Nous tendons désormais vers une uniformisation qui est globalement positive pour l’ensemble des acteurs, pour les PDP et surtout pour les entreprises.
En effet, la norme Afnor va permettre une homogénéisation des processus et des façons de gérer les flux de factures. Cela va donc faciliter l’interopérabilité, sachant que cela s’adosse à l’utilisation de la plateforme Peppol. Le fait que cela soit encadré par la norme Afnor permettra à l’ensemble des acteurs du marché, et aux entreprises en particulier, de s’assurer du choix de leur PDP, et ce y compris dans les années à venir. En effet, le marché des PDP et des fournisseurs de services autour de la facturation électronique va évoluer avec le temps. Disposer d’une norme sur laquelle s’appuyer permettra aux entreprises de pouvoir s’adapter à ces évolutions de marché et si nécessaire, de changer d’opérateur en fonction de l’évolution de leurs propres besoins, et ce à moindre coût et de la manière la plus processée possible.
Concernant Peppol, la majorité des PDP qui, historiquement, proposent des plateformes de facturation électronique depuis plusieurs dizaines d’années ont déjà l’habitude d’échanger ces flux. Pour rappel, le réseau Peppol devrait permettre de gérer l’ensemble des flux entre les PDP. L’accès à la plateforme Peppol a déjà été travaillé depuis le début de cette réforme. Il y a déjà eu des tests et des POC qui maintenant sont terminés. L’objectif consiste maintenant à entrer en production en février 2025, même si nous n’avons pas encore l’annuaire. Nous pourrons déjà commencer à travailler et à tester des échanges de flux entre PDP. Intégrer le réseau Peppol va devenir une obligation pour toutes les PDP.
Florent Faguer, responsable marketing – solutions paiements de Tessi
« Plusieurs critères entrent en ligne de compte pour le choix d’une PDP ; il y a en particulier sa capacité à gérer les complexités et les différents cas d’usage, sa prise en charge des factures en omnicanal ou encore sa fiabilité. »
Florent Faguer est responsable marketing – solutions paiement chez Tessi. Après une première carrière dans le monde des NTIC-télécoms et du e/m-commerce, il acquiert une expérience diversifiée de la monétique et des moyens de paiement. Marketeur technophile, sensible aux problématiques liées à l’expérience client/utilisateur et orienté résultats, il a eu l’opportunité d’exercer des rôles transverses (élaboration d’offres marketing, développement commercial, pilotage de projet) au sein d’entités de toutes tailles. Depuis 2021, Florent a rejoint le groupe Tessi et a en charge la promotion de Digital Invoice by Tessi, plateforme de dématérialisation des factures et de digitalisation des processus, immatriculée plateforme de dématérialisation partenaire (PDP).
Les impacts de ces évolutions sur les entreprises
Mélanie Proth-Evangelist, senior product marketing manager e-invoicing de Yooz : Le retrait du PPF en tant que plateforme de dématérialisation a forcément un impact pour les PME et les ETI et d’ailleurs pour toutes les entreprises qui avaient choisi de se connecter directement via le PPF. Ces entreprises vont devoir faire du « reverse engineering », dans la mesure où le PPF n’a plus vocation à être une plateforme de dématérialisation gratuite à disposition des entreprises. Il y aura donc un choix obligatoire de PDP à faire. Cependant, ce retrait du PPF n’est pas forcément une mauvaise chose. Beaucoup d’entreprises n’avaient pas forcément compris que ce PPF avait un périmètre fonctionnel très restreint. Par exemple, il permettait uniquement d’émettre des factures vers des entreprises françaises et de recevoir des factures uniquement d’entreprises françaises assujetties à la TVA. Il ne permettait pas d’émettre des factures vers des particuliers, vers des entreprises internationales ou vers la sphère publique. Il n’y avait pas non plus de services ajoutés prévus dans le PPF. Son périmètre était assez restreint, d’où cette gratuité dont on a beaucoup parlé.
Ce retrait du PPF a par ailleurs permis à la DGFiP et à l’AIFE de se focaliser sur l’annuaire central, un point qui est crucial pour faire avancer cette réforme et assurer le respect du calendrier. Cet annuaire est vraiment la clé de voûte du modèle français, parce qu’il va permettre de router correctement les factures. D’ici mars, toutes les PDP vont pouvoir se connecter sur cet annuaire pour commencer à le tester.
Si tout va bien, selon le calendrier qui a été annoncé par la DGFiP, on pourrait imaginer commencer à échanger des factures entre PDP vers la rentrée 2025, mais cela reste à être confirmé. Il s’agit d’une information importante qui montre que l’écosystème se met en place, et ce en amont des obligations de 2026. D’ailleurs, rappelons que septembre 2026 est une date « au plus tard ». La DGFiP souhaite vraiment que les entreprises mettent en place la facturation électronique avant cette date.
La facturation électronique offre également des opportunités pour les entreprises. Elles doivent comprendre que cette tornade n’est pas une contrainte. Certes, elle implique des changements mais très rapidement, les entreprises vont se rendre compte que c’est également un vrai vivier d’opportunités, qu’elles vont bénéficier de gains financiers, de temps, de réduction des erreurs et des risques de fraude, d’amélioration des délais de paiement. Elles vont également obtenir des données en temps réel qui vont contribuer à un meilleur pilotage de leur activité.
Un des gros challenges, en revanche, c’est le temps. En effet, avant d’en arriver là, il faut impérativement faire ce fameux choix de la PDP. Cela passe par un audit des process actuels et de la cartographie des flux, pour évaluer les besoins de l’entreprise et ensuite étudier les services proposés par les PDP. En effet, la PDP, au sens du décret, c’est de la tuyauterie réglementaire avec un haut niveau de sécurité mais chaque acteur peut proposer des services à valeur ajoutée pour les entreprises.
Florent Faguer, responsable marketing – solutions paiements de Tessi : Aujourd’hui, le segment où l’on retrouve les entreprises les plus éduquées sur la réforme, mais aussi les plus équipées en matière de solutions de dématérialisation est celui des grandes entreprises et des grands ETI. En revanche, les petites entreprises ont pour beaucoup seulement entendu parler de la réforme et de cette mention de gratuité liée au PPF. Le PPF était pour nombre d’entre elles la solution par défaut et elles ne se souciaient pas vraiment de savoir quel OD ou quel PDP choisir. Ce désengagement de l’Etat est donc vraiment une nouveauté pour elles. Pour rappel, les microentreprises, les TPE et PME, représentent plus de 99 % des entreprises en France dont une grande partie auraient potentiellement fait le choix du PPF pour transmettre leurs flux de facturation. Aujourd’hui, elles restent les moins préparées face à cette transition. Dans une certaine mesure, on peut même parler d’une fracture numérique par rapport aux autres segments d’entreprises concernant les sujets qui touchent à la transformation digitale. Toutes les démarches liées au projet : audit, cartographie de l’existant (types, formats, canaux, applicatif et référentiels), compréhension des processus et des flux liés à la facturation, seront donc d’autant plus difficiles à réaliser pour ces petites entreprises et ce, même si une partie d’entre elles sont accompagnées par des partenaires tels que les experts-comptables. Cette promesse du PPF leur convenait car elle couvrait leurs besoins en réponse à une facturation plutôt simple avec des volumétries très basses, même si l’offre de services était minimale.
Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises se sentent abandonnées et ressentent en plus la pression d’échéances proches. Bien que nous avancions vite côté PDP, une bonne partie de ces petites entreprises ne seront pas prêtes à temps. Les grandes entreprises vont donc devoir s’assurer de savoir gérer ces retardataires pendant une période transitoire de quelques années.
Enfin, les petites entreprises appréhendent également le coût de ce passage à la facturation électronique. Certes avec le PPF, leur passage à la facture électronique n’aurait pas été tout à fait gratuit car les entreprises auraient dû tout de même réaliser certaines adaptations ou évolutions… mais avec cette nouvelle situation, elles s’interrogent légitimement sur le coût final de s’appuyer sur une solution du marché, et ce d’autant plus qu’elles sont plus exposées que les grandes entreprises lorsqu’il s’agit de sortir des fonds et d’investir là où ce n’était pas forcément prévu au départ.
Christophe Viry : Les grandes entreprises pour leur part avaient pris le parti très majoritairement de choisir une PDP. A ce jour, il y a très peu de grandes entreprises qui n’ont pas encore lancé ce projet. Par contre, elles ont une particularité, c’est qu’elles déploient la réforme à la place de l’administration, puisque tout le monde reçoit des factures d’EDF ou de ses concurrents comme Total. Il leur revient donc de se soucier de l’embarquement de leurs clients dans la réforme. Elles s’interrogent beaucoup dans les groupes de travail et se demandent si tout le monde aura bien une PDP le jour J, si elles pourront continuer à adresser leurs factures et donc, poursuivre leur activité économique vers leurs clients. Le fait que les plannings soient confortés et que les choses se clarifient et s’homogénéisent en termes de référentiel, c’est une bonne chose. En effet, l’un des palliatifs qui était craint, c’était de voir se multiplier des PDP incompatibles entre elles, des PDP dédiées à certains secteurs d’activité parce qu’elles couvraient bien certains cas d’usage ou bien de recréer ce qui s’est passé avant la réforme, à savoir que les grandes entreprises invitaient leurs partenaires à venir se connecter sur la même PDP pour avoir un exercice fonctionnel commun.
Parallèlement, le planning pose également problème pour certaines entreprises. Les grandes entreprises ont choisi leur PDP il y a longtemps. Malheureusement, pour certaines d’entre elles, elles ont dépensé beaucoup d’argent, parfois inutilement, parce que les choses ont dû être refaites, parfois repensées. Cependant nous pouvons considérer que nous avons désormais de moins en moins de temps pour passer en production. D’autant que nous attendons toujours les spécifications et nous en aurons tous les trois mois. Certes, nous développons au fur et à mesure que les choses se précisent, mais cela raccourcit aussi le temps de recette dont les grandes entreprises ont besoin sur leur très complexe chaîne de facturation.
Une grande entreprise aujourd’hui, lorsqu’elle choisit une PDP, n’a pas les mêmes critères qu’une autre entreprise. On va bien souvent avoir, du côté des PME et des ETI, la volonté de travailler sur tout le processus de facturation et sur l’amélioration des chaînes financières. Les grandes entreprises, parce que le projet PDP est important, vont pour leur part plutôt se focaliser davantage sur la partie conformité, voire sur la conformité dans plusieurs pays. Elles vont aussi beaucoup plus loin que d’autres sur des sujets tels que la sécurité, la fiscalité, la confidentialité, la sensibilité, la localisation des données. Donc, travailler avec des groupes comme Thales, Safran, Total, EDF, BNP, ce n’est pas du tout la même chose.
Olivier Taligault, global mandate program lead de Basware
« La norme Afnor va permettre une homogénéisation des processus et des façons de gérer les flux de factures. Cela va donc faciliter l’interopérabilité, sachant que cela s’adosse à l’utilisation de la plateforme Peppol. »
Olivier Taligault est un leader expérimenté avec plus de 20 ans d’expérience dans les domaines de la finance d’entreprise, les solutions P2P et la facturation électronique. Son expertise porte sur le conseil en stratégies de transformation des processus IT & finances au sein d’entreprises complexes et variées. Il a fait ses preuves dans la réalisation de propositions de valeur efficaces pour des solutions d’optimisation des processus comptables & P2P dédiées à des entreprises stratégiques. Olivier a rejoint Basware pour diriger le programme de mise en conformité de la facturation, suivant les différentes réglementations en vigueur en France et à l’international.
Un nouvel environnement réglementaire qui pousse le marché à se restructurer
Florent Faguer : L’abandon de la partie « portail/service » du PPF au profit des PDP impacte les entreprises mais aussi des centaines d’éditeurs dont les solutions sont en lien avec la facturation, qu’il s’agisse de dématérialisation, de digitalisation de flux, de processus ou de factures, et donc qui entrent dans cette catégorie d’acteurs dite des « opérateurs de dématérialisation (OD) » dans le cadre de la réforme sur la facturation électronique. Ils vont devoir se réinventer eux aussi pour faire évoluer leur choix initial qui était de se raccorder au PPF pour leur client, pour désormais se raccorder à un ou plusieurs partenaires PDP. Les PDP sont dorénavant les seuls acteurs habilités à transmettre les données de facturation à l’administration ; à ce titre, elles deviennent incontournables dans cette chaîne de déclaration. Il reste aux OD plusieurs choix : soit ils se lancent eux-mêmes dans une démarche d’immatriculation pour devenir PDP et garder ainsi une forme d’autonomie et une maîtrise de l’ensemble des services qui sont liés à la facturation, soit ils vont puiser dans les services des PDP du marché pour pouvoir faire bénéficier à leurs propres clients (des entreprises qui sont consommatrices de leurs services) de cette conformité vis-à-vis de la réforme, et ce notamment dans une stratégie de rétention. Comme se lancer dans une course à l’immatriculation est un exercice laborieux, chronophage et qui n’est pas neutre en termes d’investissement, un grand nombre de PDP ont décidé d’ouvrir les services de leur plateforme PDP et de les rendre accessibles aux OD.
Plusieurs types de partenariats et de modèles sont ainsi mis en place et permettent d’offrir différents niveaux d’intégration et d’engagement pour répondre aux diverses attentes des OD. D’ailleurs, selon le partenariat choisi, les entreprises clientes des solutions de ces OD vont être plus ou moins impactées, d’abord par le report de ces coûts d’intégration et d’échanges de factures sur leur abonnement, mais aussi, par exemple, en termes de personnalisation et de mise à la charte des services. Selon ce que souhaite l’OD, la PDP, qui est un peu le moteur technique derrière ces services, peut rester visible et identifiable (marque grise), ou ne pas du tout être visible, car totalement intégré aux couleurs de l’OD (marque blanche). Les éditeurs peuvent consommer ces services PDP, généralement en mode SaaS, au travers de mises à disposition d’API, ou demander le déploiement de ces services en mode on-premise sur leur propre infrastructure (ce dernier cas de figure nécessitant que l’OD soit immatriculé PDP).
Au final, les entreprises héritent de deux choix : celui d’une solution issue d’un couple OD/PDP ou celui d’un tout-en-un proposé par une PDP. Rappelons qu’il existe différents profils de PDP, qui pour beaucoup sont initialement des OD mais qui offrent historiquement des services très différents les uns des autres.
Olivier Taligault : Les PDP, pour leur part, poursuivent leurs travaux de développement et de test. Aujourd’hui, nous sommes en phase de bêta-tests, avec un nombre réduit de PDP et avec l’AIFE, qui vont courir jusqu’en mars. Ensuite jusqu’en juin, les PDP auront la possibilité de tester leur connexion à l’annuaire. En parallèle, la partie Peppol sera mise en production à compter du mois de février 2025. Enfin, la publication des premières normes Afnor est attendue au mois d’avril et devrait ensuite s’étaler jusqu’en 2026, à peu près tous les trimestres. Les PDP devront donc, si nécessaire, s’adapter à ces normes.
Du côté des entreprises, beaucoup ont déjà mis en place un certain nombre de choses. D’autres ont levé le crayon suite à l’annonce du report de la réforme sur la facturation électronique. Elles vont désormais devoir s’y remettre. Les implémentations devraient commencer en 2025 puisque les grandes entreprises et les ETI doivent être prêtes en septembre 2026. Cela signifie qu’à partir du moment où la plateforme de l’Etat sera en production, à savoir en Q1 2026, les entreprises qui seront prêtes pourront d’ores et déjà commencer les échanges de factures suivant la norme. Cependant pour ça, il faut qu’elles aient déjà terminé leur propre projet d’intégration de leur système d’information avec leur PDP. Il s’agit de projets qui, en fonction de la maturité digitale de l’entreprise, prennent plus ou moins de temps.
Mélanie Proth-Evangelist : Les experts-comptables sont également des acteurs clés de la mise en place de cette réforme. Ils sont les ambassadeurs de millions d’entreprises en France. En effet, les TPE et petites PME font généralement appel à leurs experts-comptables pour du conseil et pour la gestion de leur entreprise. Les experts-comptables doivent s’assurer qu’avec la réforme, ils restent au cœur des flux de leurs clients. En effet, il faut impérativement que l’expert-comptable ne soit pas tributaire des choix hétérogènes de plateformes que pourraient faire leurs clients. Par exemple, si un cabinet qui a 80 entreprises clientes, qui chacune vont choisir une PDP différente, comment l’expert-comptable va-t-il récupérer tous ces flux pour en faire la tenue de compte efficacement ? Avec une solution telle que celle proposée par Yooz, ils peuvent déjà mettre à la disposition de leurs clients un outil de facturation électronique qui permettra au cabinet de récupérer automatiquement tous ces flux pour en faire la tenue de compte. Plus globalement, les experts-comptables, qui sont représentés dans les groupes de travail du FNFE de la DGFiP ou encore de la Communauté des relais, ont démarré une évangélisation sur le sujet de la facture électronique auprès de leurs équipes, mais aussi de leurs clients. Nous voyons souvent des événements clients qui sont organisés autour de cette thématique. Donc, les choses se mettent en place et elles vont forcément s’accélérer cette année parce que les experts-comptables restent moteurs sur ce sujet de la facture électronique.
Mélanie Proth-Evangelist, senior product marketing manager e-invoicing de Yooz
« La facturation électronique offre également des opportunités pour les entreprises. Elles doivent comprendre que si cette tornade implique des changements, elle offre également des gains financiers, de temps, de réduction des erreurs et des risques de fraude, d’amélioration des délais de paiement. Elles vont également obtenir des données en temps réel qui vont contribuer à un meilleur pilotage de leur activité. »
Mélanie Proth-Evangelist est senior product marketing manager e-invoicing de Yooz. Avec plus de 15 ans d’expérience dans le marketing en France et aux Etats-Unis, où elle a vécu 12 ans avant de rejoindre Yooz, Mélanie Proth-Evangelist est passionnée par la tech au service des entreprises. Elle a notamment travaillé pour des start-up tech, une société de conseil en innovation et une SAAS publique spécialisée dans l’EDI. Aujourd’hui spécialisée sur les thématiques de facturation électronique chez Yooz, elle aime être au contact direct des clients pour aider à mettre en œuvre des initiatives stratégiques produit, mieux s’aligner sur leurs attentes et besoins, et ainsi améliorer l’expérience utilisateur.
Quels sont les principaux critères de choix d’une PDP ?
Mélanie Proth-Evangelist : Le choix d’une PDP repose sur différents critères. La PDP doit notamment être intégrée dans un système complet de gestion qui va pouvoir proposer des fonctionnalités à valeur ajoutée pour l’entreprise, comme l’automatisation des processus, l’intégration comptable, les workflows de validation, l’automatisation des paiements fournisseurs. Cette intégration va lui permettre d’avoir des vrais gains à plusieurs niveaux. Pour rappel, la PDP n’est finalement que de la tuyauterie réglementaire avec un haut niveau de sécurité. Tous les services qui viennent s’y greffer peuvent constituer un système complet pour l’entreprise.
D’autre part, il est important que cette PDP sache gérer différents flux, vers les particuliers, vers les entreprises internationales ou vers la sphère publique, mais également dans différents formats. Il va en effet y avoir des formats non électroniques qui vont perdurer sur certains échanges, tels que les PDF, les images, etc. Une entreprise qui travaille à l’international va peut-être continuer de recevoir des factures en PDF et il faut qu’elle soit en mesure de continuer d’automatiser ces processus, même si elle ne reçoit pas des factures électroniques.
Enfin, l’archivage légal à valeur probante proposé par certaines PDP peut également être un critère de choix important. En effet, si les PDP n’ont pas l’obligation de proposer ce service, l’archivage légal reste une obligation des entreprises. Il s’agit d’un élément de conformité que les entreprises doivent malgré tout respecter.
Florent Faguer : Côté Tessi, nous avons l’habitude de dire à nos clients que le choix d’une PDP dépend avant tout de leur existant, de leurs besoins, de ce qui est important pour eux ainsi que de leur pouvoir d’achat. En fonction de ces éléments, certains critères seront alors plus ou moins importants. Néanmoins, au fil du temps, ce qui semble importer le plus à nos clients grandes entreprises et grandes ETI lorsqu’elles cherchent une PDP, c’est souvent en premier lieu sa capacité à gérer la ou les complexités. En effet, il existe de nombreux cas d’usage et la PDP peut décider ou non de tous les couvrir ou de n’en traiter que certains. Selon les secteurs ou activités, des entreprises auront besoin que leur PDP gère des cas d’usages très spécifiques. Parallèlement à cette complexité liée aux cas d’usage, la capacité de la PDP à gérer des cas métiers ou des anomalies est également importante. Pour les grands groupes, on peut aussi mentionner la problématique de la disparité entre les entités en termes de SI, qui ajoute encore une complexité supplémentaire.
Un autre critère souvent perçu comme important par les entreprises est la capacité de la PDP à gérer les factures en omnicanal (papier, e-mail, portail, EDI, PDF augmenté ou encore lettre recommandée électronique).
Et enfin, la fiabilité de la solution doit aussi peser dans le choix de la PDP. Nos clients souhaitent un partenaire qui soit bien dimensionné autant en termes de robustesse de la plateforme, qui doit être pourvue de technologies performantes et agiles, qu’en termes de niveau de services (SLA) et qui soient aussi capables de les accompagner avec une équipe projet d’experts, habituée aux projets d’envergure et dotée d’une capacité d’intégration. Nos clients veulent être rassurés. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils attendent des gages de sécurité, notamment avec des certifications qui sont pour beaucoup liées à l’immatriculation comme les normes ISO 27001 et ISO 27701 mais aussi la notion de signatures conformes eIDAS et un archivage à valeur probatoire (proposé chez Tessi) ou encore la certification HDS qui peut être intéressante pour les secteurs en rapport avec la santé.
Christophe Viry : Lors de notre dernier baromètre sur la facturation électronique, nous avions demandé aux entreprises si elles avaient l’intention de déployer d’autres fonctionnalités dans leur projet PDP que celui de se mettre en conformité avec les exigences de la réforme. A 99 %, elles avaient répondu oui. Les entreprises dans leur ensemble ne cherchent pas donc pas seulement une solution de PDP dite sèche et vont plutôt chercher une solution qui a du retour sur investissement et qui apporte de la valeur. Dans cette question, les réponses avaient ensuite été classées avec en premier lieu la mise en place d’une solution d’automatisation de la comptabilité fournisseur ou de la comptabilité entrante, le sujet de la qualité des données, de la détection des fraudes, de la détection des erreurs, tout ce qui pouvait contribuer à l’amélioration du cash collection, puis la conformité réglementaire hors de France, puisque la plupart des entreprises qui évoluent hors de France sont aussi concernées par les réformes sur la facturation électronique des autres pays. Actuellement, nous travaillons à la demande de nos clients sur plus d’une trentaine de pays en plus de la réforme française.
Parmi les critères de choix importants d’une PDP, il convient également de travailler avec un expert du sujet réglementaire, car le sujet est complexe et évolutif en France mais aussi en Europe. A cet effet, il faut soit choisir une société qui a les moyens d’être experte du sujet, de mobiliser, de participer aux groupes de travail, soit choisir de travailler avec une PDP immatriculée en marque blanche, mais qui va s’appuyer sur une PDP technique qui garantit une forte conformité.
Par ailleurs, la pérennité du partenaire est également essentielle. Nous nous occupons en effet d’un sujet réglementaire, qui touche directement au cash. Il faut donc être certain d’avoir un partenaire dont l’ancrage est fort, dont la stratégie est définitivement sur le thème et qui sera encore là dans cinq ans, dans dix ans pour accompagner ses clients.
Enfin, le prix de la solution est également un critère de choix de la solution. Evidemment, plus le prix est compétitif, mieux c’est pour l’entreprise. Il est néanmoins aussi important que le prix soit lisible et que l’entreprise arrive à se projeter avec et qu’il n’y ait pas trop d’options. Par exemple, l’archivage n’a pas à être à côté. Peut-être même qu’à un moment d’ailleurs, l’administration demandera aux PDP de porter le sujet de façon plus claire. Avoir une solution sans archive n’a pas beaucoup de sens, surtout si l’archive est proposée en option. De même, une solution dont le prix dépendrait de la taille des documents, du nombre de documents amène de la complexité. Or, le problème de la complexité, c’est que l’entreprise n’arrive pas forcément à calculer ses volumes ou son nombre de pièces et ne sait donc pas ce qu’elle va payer. Au-delà du prix fixe, la lisibilité tarifaire est donc aussi indispensable.
Olivier Taligault : En addition de tout ce qui a été partagé, nous voyons se mettre en place la facturation électronique partout dans le monde, en Europe, en Asie, en Amérique latine mais aussi et de plus en plus en Afrique et au Moyen-Orient. Cette partie réglementaire va s’uniformiser et toucher l’ensemble du monde. Pour les entreprises internationales, il est donc important de prendre en compte la capacité de la PDP à l’accompagner dans les pays où elles évoluent.
D’autre part, la capacité de la PDP à s’intégrer avec tous les processus de gestion de factures, depuis le procurement jusqu’à la gestion des paiements, est également plébiscitée par les entreprises. Nous voyons également des tendances apparaître autour de ce qu’on appelle le supply chain finance et des solutions de financements que les entreprises peuvent proposer à leurs fournisseurs. Nous avons différents modèles qui sont actuellement en place et qui, en dépit de leur complexité, sont de plus en plus performants. Il existe déjà qui des acteurs qui commencent à mettre en place des solutions de financements fournisseurs, permettant à leurs clients d’uniformiser l’ensemble de ce processus, et ce de manière sécurisée.
La conformité, le niveau de sécurité et la fiabilité des PDP sont des critères de choix qui doivent être étudiés de près par les entreprises, de même que leur capacité à évoluer et peut-être, à terme, à gérer d’autres flux de données de facturation, comme par exemple des données ESG.
Christophe Viry, directeur des produits et des marchés EDI & e-invoicing de Generix
« Les entreprises n’ont pas toutes les mêmes critères de choix de PDP. Les PME et les ETI ont bien souvent la volonté de travailler sur tout le processus de facturation et sur l’amélioration des chaînes financières. Les grandes entreprises, parce que le projet PDP est important, vont pour leur part plutôt se focaliser davantage sur la partie conformité, voire sur la conformité dans plusieurs pays. »
Christophe Viry est directeur des produits et des marchés EDI & e-invoicing de Generix. Depuis plus de 25 ans, Christophe Viry est un expert reconnu dans les secteurs des échanges électroniques interentreprises et de la facture électronique. Il a commencé sa carrière au sein d’une agence d’Etat en charge de la simplification des procédures du commerce international dont la facture électronique. Il a alors contribué à construire les standards UN-Cefact et à en faire la promotion auprès des entreprises. Il a ensuite occupé différentes fonctions de direction commerciale et marketing auprès de prestataires e-invoicing. Il occupe son poste actuel depuis une quinzaine d’années.