Epargne salariale

L’an I de la nouvelle épargne salariale

Publié le 22 mars 2019 à 10h24

Eric Leroux

Avec la mise en application des premières mesures de la loi Pacte, l’épargne salariale est appelée à connaître un nouveau souffle. Si elle restera l’apanage des grandes entreprises, les TPE, PME et ETI devraient être de plus en plus nombreuses à y recourir.

C’est l’an I de la nouvelle épargne salariale ! En effet, la loi Pacte, votée à la mi-mars, a été prise de vitesse par le gouvernement qui a fait adopter, dès la fin de l’an dernier, les premières mesures d’incitations. Et ce n’est pas du gadget : désormais, les entreprises employant au plus 50 salariés se voient exonérées de forfait social (un paiement forfaitaire de cotisations sociales) dès lors qu’elles mettent en place un mécanisme d’épargne salariale, quel qu’il soit. Les primes de participation, d’intéressement et les abondements versés dans les PEE (plan d’épargne entreprise) et Perco (plan d’épargne retraite collective) ne subissent donc plus aucun surcoût social pour l’entreprise, ce qui devrait inciter les employeurs à les proposer à leurs salariés, afin de les faire participer aux résultats de l’entreprise.

Et ce n’est pas tout : la loi exonère également les entreprises de 50 à 250 salariés pour les sommes versées au titre de l’intéressement (la participation, obligatoire pour ces entreprises, n’est pas concernée). Là encore, cet allégement financier devrait inciter les chefs d’entreprises et partenaires sociaux à mettre le cap sur ce type de rémunération indirecte.

Comme le notent les participants à notre table ronde (lire pages suivantes), il est trop tôt pour mesurer l’impact de ces mesures, que bien des employeurs n’ont pas encore découvertes. Mais le mouvement est lancé et ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin.

Pour les entreprises plus grandes, pas de changement en revanche : les sommes versées à leurs salariés restent soumises au forfait social de 20 %, avec une exception lorsque les sommes sont destinées à l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement émis par l’entreprise. Dans ce cadre, le forfait est réduit de moitié, à 10 %.

Pour tenir compte de cette évolution majeure de l’environnement, les professionnels de l’épargne salariale sont sur le pont, afin de convaincre les dirigeants de petites et moyennes entreprises de franchir le pas et entamer le «partage des profits». Une mission d’une ampleur considérable, tant les entreprises concernées sont nombreuses et peu équipées.

Dans la plus récente étude de la Dares (Direction de l’animation, de la recherche, des études et statistiques au ministère du Travail), publiée en août 2018 et portant sur l’année 2016, on observe que si 56 % des salariés bénéficient de primes de participation, d’intéressement et d’épargne salariale – au moins un de ces dispositifs –, la différence est notable entre celles qui emploient moins de 10 salariés et les autres. Dans les premières 403 000 personnes reçoivent effectivement au moins une prime sur un total de 3,08 millions ; alors que dans les secondes, 8,5 millions de salariés en bénéficient, sur 12,8 millions. Au total, 56 % des salariés d’entreprises françaises ont pu goûter à la saveur de l’épargne salariale, mais seulement 47 % d’entre eux ont effectivement perçu une prime ou un abondement cette même année.

Le dispositif le plus répandu reste le PEE, qui profite à 46,3 % des salariés. Il est le réceptacle naturel des primes de participation et d’intéressement. Le Perco, plus récent (il a été créé au début des années 2000) est loin derrière (24,3 % des salariés se le voient proposer), mais il monte régulièrement en puissance. Il reste cependant l’apanage des grandes entreprises : moins de 5 % des entreprises de 1 à 9 salariés l’ont mis en place, contre plus de 50 % dans celles de 1 000 salariés ou plus. Au total, 42,6 % des salariés reçoivent des primes de participation, 36,2 % des primes d’intéressement.

Outre la taille, il existe de grandes disparités en fonction du secteur dans lequel intervient l’entreprise, en raison principalement des conventions collectives qui obligent certains d’entre eux à s’équiper. Dans les industries de cokéfaction et de raffinage, qui sont au sommet, 94,7 % des salariés bénéficient d’une prime de participation, 80 % d’une prime d’intéressement. Ils sont aussi 96,1 % à disposer d’un PEE et 91,2 % à pouvoir préparer un complément de retraite grâce au Perco. A l’opposé, les salariés du secteur immobilier sont par exemple 15,1 % à recevoir une prime de participation, 44,8 % une prime d’intéressement. Dans l’hébergement et la restauration, en revanche, seuls 20,8 % des salariés ont droit à la participation, 6,9 % à l’intéressement. Autant de gisements à explorer par les professionnels de l’épargne salariale.

Si l’on observe les montants versés au titre des différentes primes et mécanismes, les différences sont également sensibles. En 2016, toujours d’après la Dares, le montant moyen de participation versé à chaque bénéficiaire s’est élevé à 1 369 euros, soit un peu moins que l’intéressement (1 734 euros). Les abondements, eux, représentent 670 euros en moyenne. Tous dispositifs confondus, 7,2 millions de salariés ont reçu, en moyenne 2 369 euros durant cette année 2016. Des chiffres que les professionnels espèrent voir augmenter rapidement, avec la disparition du forfait social pour les petites et moyennes entreprises.

Quoi qu’il en soit, la loi Pacte ne s’arrête pas à cette diminution du forfait social : elle crée un nouveau plan d’épargne retraite (PER), qui sera l’enveloppe abritant des compartiments tels que Perco, article 83, et même PERP et Madelin, et elle introduit une portabilité de ces instruments en cas de changement d’entreprise. Les salariés disposeront donc d’une vision globale de leur épargne pour la retraite et pourront ainsi plus facilement en optimiser la gestion. La loi Pacte comprend aussi d’autres détails importants, que les participants à notre table ronde dévoilent. Un sujet véritablement dans l’air du temps !

Un nouveau calcul des seuils

Jusqu’ici, l’administration se base sur une période 12 mois consécutifs pour juger le nombre de salariés d’une entreprise et le respect des seuils, notamment le fatidique seuil de 50 salariés. La loi Pacte devrait assouplir cette disposition, puisqu’elle prévoit que le respect des seuils sera désormais évalué sur cinq ans. Il faudra donc cinq ans avec au moins 50 salariés pour perdre le droit à exonération du forfait social pour le versement de la participation, ou celui de 250 salariés pour l’exonération des primes d’intéressement.

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