Flotte automobile

Le casse-tête de la transition énergétique

Publié le 28 septembre 2018 à 10h02    Mis à jour le 27 juillet 2021 à 11h21

Anne del Pozo

Avec l’ouverture du procès Volkswagen dans le cadre du Dieselgate, la mise en place de la norme WLTP ou encore la multiplication des villes limitant l’accès des véhicules les plus polluants, la question de la transition énergétique des flottes automobiles n’aura jamais été autant d’actualité qu’en cette rentrée. Un virage que les entreprises commencent à prendre, au regard de l’augmentation du nombre de véhicules essence, électriques et hybrides en parc et de leur intérêt grandissant pour les solutions de mobilité alternatives.

Avec son Plan Climat annoncé en juillet 2017, Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique et solidaire, plantait le décor : d’ici 2050, la France devrait atteindre la neutralité carbone. Un projet ambitieux mais appuyé par les politiques qui multiplient d’ailleurs les actions en ce sens, notamment en renforçant la législation et la fiscalité sur les émissions de CO2 des véhicules d’entreprise. En France, toutes les taxes sur les véhicules de société (TVS, bonus/malus, taxes sur les vignettes et cartes grises, AND) sont ainsi assises sur les émissions de CO2. La mise en place progressive de la norme Worldwide Harmonised Light Vehicle Test Procedure (WLTP) sur les émissions de CO2 pourrait encore plus pénaliser les motorisations essence. En effet, avec cette nouvelle norme, les valeurs de consommation et d’émission à l’échappement des véhicules seront plus proches des conditions réelles d’utilisation que celles de l’ancienne norme NEDC (New European Driving Cycle). Les émissions de CO2 annoncées par les constructeurs pourraient en conséquence augmenter de 5 % à 30 % en fonction des véhicules. D’ailleurs, selon le baromètre OVE 2018, «alors que les nouveaux tests d’homologation WLTP entrent progressivement en vigueur, une proportion importante des grandes et très grandes entreprises déclare que leur car policy est déjà impactée par ces tests (respectivement 21 % et 33 %). Au global, près d’une entreprise sur deux affirme que cette nouvelle norme va impacter sa car policy dans les années à venir.» Le projet de loi de finance 2019, qui devait être annoncé fin septembre, est en ce sens très attendu.

Des contraintes paradoxales

Si l’administration française a ainsi pris des engagements vis-à-vis de l’Union européenne en matière d’émission de CO2 pour lutter contre le réchauffement climatique, les élus locaux pour leur part sont davantage préoccupés par la santé publique de leurs administrés et souhaitent en ce sens limiter les émissions de particules fines et les NOX dans leurs villes. Certaines commencent ainsi à interdire l’accès en cœur de ville des véhicules diesel, les plus polluants. Les entreprises se trouvent donc confrontées à des contraintes législatives et de circulation qui, ramenées aux émissions de CO2 et de particules fines des véhicules, sont techniquement contradictoires. Jusqu’à présent et notamment en raison d’une fiscalité plus favorable aux véhicules diesel, elles restaient néanmoins davantage vigilantes aux émissions de CO2 qu’aux émissions de particules fines. Ainsi, selon l’Observatoire des véhicules d’entreprise, 64 % des entreprises bâtissent aujourd’hui leur car policy sur la base des émissions de CO2 des véhicules. Dans les plus grandes entreprises, ce taux atteint même 88 %. L’OVE constate néanmoins que 38 % des entreprises interrogées dans le cadre de son baromètre 2018 déclarent prendre en compte les émissions de particules fines (38 %) dans le cadre de leur car policy.

Cependant, au regard des récentes évolutions réglementaires, elles pourraient perdre en rentabilité financière si elles ne préparent pas dès maintenant leur transition énergétique. La pression se renforce d’autant plus sur les entreprises qu’elles doivent par ailleurs, dans le cadre du plan de mobilité d’entreprise, promouvoir auprès de leurs salariés des alternatives aux véhicules individuels. C’est dans ce contexte que les entreprises initient leurs réflexions sur la transition énergétique de leur flotte automobile.

Vers un mix énergétique

Gages de cette tendance, les mises à la route des véhicules d’entreprise essence enregistrent de belles performances alors même que celles des diesel sont en repli. Selon l’OVE, sur les huit premiers mois de l’année 2018, les immatriculations de véhicules particuliers diesel affichent une baisse de – 1,5 % par rapport à la même période en 2017, alors que celles des essence ont augmenté de + 41,5 %. De même, les immatriculations des véhicules utilitaires légers (VUL) diesel n’ont augmenté, sur les trois premiers trimestres 2018, que de 1 % alors même que la croissance des immatriculations de VUL essence approchait les 70 % (69,1 %). Au total, la part de marché de l’essence en entreprise (VP + VUL) s’établit à fin août à 15,2 % contre 11,51 % à la même période de 2017 et, pour la première fois, la part de marché des véhicules diesel (VP + VUL) passe sous la barre des 80 % (à 79,9 %). Côté hybrides, la tendance reste orientée à la hausse, plus particulièrement pour les hybrides rechargeables avec une croissance de 51,5 % (VP + VUL). Au total, les immatriculations d’hybrides (VP + VUL) progressent de + 44 %, à 16 439 unités, avec une part de marché de 3 %. Sur le seul segment des VP, les hybrides rechargeables progressent de + 51,7 % (4 640 unités) et les non rechargeables de + 42 % (11 369 unités). Enfin, les immatriculations de véhicules électriques en entreprise s’inscrivent en progression de + 32,8 % sur huit mois, avec 9 223 unités et une part de marché de 1,7 %.

Place aux mobilités alternatives

Ces mises à la route illustrent bien la recomposition actuelle du mix énergétique au sein des flottes d’entreprise au profit de l’essence et, dans une moindre mesure de l’électrique et l’hybride. D’ailleurs, l’OVE note également dans son baromètre annuel que toutes les tailles d’entreprises envisagent d’intégrer dans leurs flottes des énergies alternatives dans les trois prochaines années (41 %), notamment des hybrides (30 %) et des véhicules électriques (26 %). Les très grandes entreprises sont toutefois les plus proactives en matière de solutions alternatives (75 %) que celles de taille moyenne (31 %). Elles sont également plus nombreuses à avoir déjà intégré des énergies alternatives comme l’hybride (40 %), l’hybride rechargeable (27 %) et le véhicule électrique (38 %). Enfin, les entreprises sont également de plus en plus nombreuses à envisager la mise en place de solutions de mobilité alternatives telles que le covoiturage ou l’autopartage qui s’imposent peu à peu dans les parcs d’entreprise, quelle qu’en soit la taille (45 %). D’ailleurs, à cet égard, la France est un peu en avance sur le reste de l’Europe (37 %). Néanmoins, ces solutions alternatives ne semblent pas pouvoir remplacer le véhicule d’entreprise : seulement 16 % des entreprises interrogées se déclarent prêtes à abandonner tout ou partie de leur parc automobile au profit d’autres solutions de mobilité.

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