Expertise

Le risque social est un risque financier encore trop peu évalué par les DAF

Publié le 17 juin 2016 à 10h37    Mis à jour le 17 juin 2016 à 12h07

Anne del Pozo

En 2014, l’Urssaf a redressé une entreprise de 100 millions d’euros… La première chose que regardent les inspecteurs de recouvrement lors d’un contrôle Urssaf, ce sont les documents comptables. Le risque payroll/social est donc un vrai risque financier qui convoque des expertises comptable, RH et juridique. Les DAF, garants comptables de la sécurisation financière de leur entreprise, doivent savoir gérer ce risque et gagner en visibilité stratégique pour le maîtriser. Explications d’Arnaud Tardif de Fiabilis GEIE, cabinet de conseil et d’audit européen sur la gestion du payroll.

Dans la majorité des entreprises, le payroll (les salaires, les charges patronales, et les différentes taxes liées au personnel) passe souvent à travers les mailles de la responsabilité des DAF. Or, cela représente 40 % à 60 % des charges en valeur constitutives d’un P&L. En effet, à l’exception des revues analytiques et de cadrage d’audit de base, combien de directions financières analysent-elles dans le détail la performance d’un euro investi dans ce poste de charges ? Comment l’entreprise s’assure-t-elle de la conformité de sa paie au regard des règles applicables sur un exercice donné ? Elles sont, en France, très peu nombreuses à mener ces démarches, à la différence de ce qui se fait déjà dans d’autres pays d’Europe... A chaque fois, cela doit se faire avec un double objectif : d’une part, rationaliser les charges concernées à court et moyen termes et, d’autre part, sécuriser les pratiques de la société afin d’éviter des charges exceptionnelles tous les quatre à cinq ans suite à une inspection sociale. «La gestion du payroll impacte la profitabilité d’une activité, d’une BU, d’une entreprise en permettant de maîtriser les flux financiers liés directement et indirectement aux salariés, explique Arnaud Tardif. La paie est encore trop souvent gérée en silo et liée à un logiciel aux paramètres précis et réglés. La lourdeur des charges et l’impact financier des salaires ainsi que les risques qui y sont liés constituent donc autant d’arguments favorables à l’établissement d’une gestion plus transversale et plus stratégique du payroll.»

Le DAF doit intégrer davantage la gestion et le contrôle du payroll

A l’heure du choc de simplification, de la DSN, de la généralisation de la couverture santé, des redressements Urssaf, plus aucune entreprise ne peut (ni ne doit) déconnecter la DRH/paie et la direction financière.

Par exemple, le payroll n’est pas systématiquement analysé lors d’acquisitions, de fusions ou de cessions. Pourtant, cela permettrait d’anticiper les risques et opportunités sociales sur la cible, d’ajuster la valorisation sur un ensemble de charges habituellement mal maîtrisées impactant nécessairement les DCF et par conséquent d’appréhender les garanties de passif. Une analyse souvent négligée car le payroll ne fait pas partie du prisme de réflexion des DAF, ce qui est contre-productif pour les entreprises. En revanche, ce qui est produit par la paie et intégré en comptabilité dans les comptes 64, 63 voire 42 sont sous leur contrôle : il convient donc de les auditer avec méthode et précision comme les thèmes fiscaux ou le haut de bilan.

«Cartographier ses pratiques et son risque payroll fait apparaître les points à sécuriser avant le passage de l’Urssaf, et permet de définir des zones d’optimisations financières pérennes, explique Arnaud Tardif, managing director de Fiabilis GEIE. Cela donne une gestion proactive de la trésorerie et de la maîtrise des risques. Auditer et analyser structurellement les masses de données de paie internes et déclarées, désormais via la DSN, est également fondamental et permettra d’assurer une plus grande efficacité des processus et des outils en place ainsi que de donner des reportings et des dashboards partagés entre DAF et DRH, contribuant ainsi au pilotage proactif de l’activité.»

Gérer le risque payroll, c’est ainsi appréhender l’environnement social de l’entreprise pour améliorer de manière pérenne l’efficacité de ses processus. «C’est là où nos services se différencient des pratiques d’optimisation courantes, car nous mettons systématiquement face à face les risques et les indus, ajoute Arnaud Tardif. En effet, une réclamation, surtout si celle-ci est importante, expose les entreprises à des contrôles Urssaf : il est dangereux de réclamer des indus si l’analyse de risques de redressement sur d’autres postes n’a pas été faite.»

L’audit du payroll : une vraie valeur ajoutée pour les RH comme pour la DAF

En France, nous aimons les transformations majeures qui génèrent des gains importants : le meilleur exemple ce sont les projets de centres de services partagés (CSP). Un tel projet peut s’avérer totalement contre-productif quand il n’y a pas préalablement de cartographies des risques payroll. L’empilement de pratiques, d’usages, de règles issues de négociations collectives, d’accords d’entreprises voire d’accords entre personnes, ne peut être géré sans que ces règles internes n’aient été auditées voire rationalisées. Ce n’est pas en «regroupant» que les risques disparaissent, que l’efficacité d’un euro investi dans les charges de personnel voit son ROI augmenter. Ce n’est pas non plus en les laissant non auditées, non managées que la situation sera profitable pour les entreprises. Il s’agit là d’un exemple illustrant la valeur ajoutée de l’audit du payroll pour les RH, et son efficacité voire sa rentabilité pour les DAF.

Questions à… Arnaud Tardif, managing director, Fiabilis GEIE

Arnaud Tardif est fondateur et managing director de Fiabilis GEIE depuis 2011, en charge de la France, de la Belgique et de l'Allemagne. Diplômé de Neoma en 2002, il était auparavant chez EY en middel market et chez ACG.

Quelles sont les missions de Fiabilis GEIE ?

Fiabilis GEIE est la structure française de Fiabilis CG. Nous sommes un groupe de conseil européen en management du payroll et accompagnons des grands groupes comme des PME, en Europe et en Amérique du Sud, sur leurs audits sociaux et financiers du payroll : indus de cotisations sociales, identification d’aides et subventions liées à l’emploi, évaluation des risques Urssaf et accompagnement lors des contrôles. Nous réalisons également des due diligences sociales. En France, nous sommes constitués sous forme de groupement européen pour mettre à la disposition de nos clients un ensemble de compétences et savoir-faire dans l’accompagnement du risque et de la conformité du payroll, intégrant les contraintes du périmètre du droit. Nos équipes sont constituées d’ex-inspecteurs du recouvrement Urssaf, de consultants IT/SI, de consultants-experts payroll et d’avocats. Nos experts et consultants apportent de la transparence et de l’expertise à nos clients pour qu’ils puissent gérer l’ensemble de leur payroll. L’objectif : que chaque euro investi dans les «charges de personnel» au sens large du terme (salaires, charges sociales, dépenses de formation, dépenses de confort, taxes, etc.) soit le plus efficace possible donc rentable.

De quelle manière évolue votre organisation ?

Nous existons depuis 2008 au niveau européen et depuis fin 2015 en France. Nous sommes ainsi déjà bien implantés en Espagne, Italie, France, Allemagne, Belgique et Pologne. Tous les trois ans, nous doublons de taille et cette année, nous ouvrons une branche analytique, SI, big data. Notre objectif consiste à couvrir l’Europe occidentale sous deux ans, et à développer notre groupe en Amérique du Sud en 2017 et en Amérique du Nord en 2018-2019. Notre métier n’existant pas alors que le support à notre service existe partout, nous avons des années de croissance devant nous, tant d’un point de vue «zones géographiques de développement» que «zones d’expertises appliquées».

Quelle est votre proposition de valeur sur votre marché ?

Nous apportons une offre globale en France et à l’étranger non seulement sur de l’optimisation de charges sociales mais aussi sur l’augmentation de ROI sur les processus de gestion du payroll et de l’administration du personnel. En effet, au cœur de notre expertise, nous évaluons au plus près les risques de nos clients. A cet effet, nos équipes ont une parfaite connaissance de l’environnement réglementaire propre à chaque pays où nous sommes implantés.

Dans la même rubrique

Obligations corporate : une année faste pour le marché euro, moins pour les émetteurs français

Tous compartiments confondus, les émissions corporate euros ont progressé de 32 % en 2024, à 456...

Marchés actions : un bilan positif malgré un second semestre atone

Après un début d’année encourageant, le marché primaire actions est retombé en France dans l’atonie...

M&A : une reprise poussive après deux années difficiles

L’hémorragie semble enfin stoppée sur un marché du M&A qui souffre depuis plus de trois ans, avec...

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…