Malgré une reprise économique modérée, les exportateurs français ont de belles opportunités à saisir cette année, notamment chez nos voisins européens. Pour en tirer tous les bénéfices, ils doivent néanmoins rester prudents face à la persistance de nombreux risques politiques, économiques et sociaux.
Après deux années consécutives de ralentissement, la croissance mondiale devrait, selon Coface, connaître une légère amélioration en 2017 (+ 2,8 % après 2,5 % en 2016). Une amélioration notamment portée par un rebond de l’activité dans les pays émergents (+ 4,1 %) suite au redémarrage du Brésil et de la Russie qui compenserait le ralentissement de la Chine. Les pays avancés afficheraient aussi une croissance stable (+ 1,6 %). D’autre part, les marchés financiers, un des canaux traditionnels de transmission du risque politique, ainsi que la confiance des entreprises restent à ce jour plutôt bien orientés. Ainsi, les indices PMI (Purchasing Manager Index) de confiance des entreprises sont en forte hausse en ce début d’année.
«Pour autant, ces signaux d’embellie sont encore trop timides pour se matérialiser dans une amélioration généralisée des évaluations pays et secteurs, souligne Julien Marcilly, économiste en chef de Coface. L’activité des entreprises restera cette année encore contrainte par un endettement élevé et en progression dans les pays émergents et la menace des risques protectionnistes, politiques et sociaux dans les pays avancés et émergents.»
Le risque politique mondial au plus haut en 2017
En effet, la croissance mondiale pourrait notamment être freinée par la persistance de risques politiques élevés aux Etats-Unis (en raison des politiques commerciale et étrangère de la nouvelle administration Trump) et en Europe (en raison des échéances électorales). Depuis un an, l’indicateur du risque politique européen de Coface a ainsi augmenté de 13 points en moyenne en Allemagne, en France, en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni. En cas de choc politique majeur de la même ampleur que le référendum britannique, la croissance européenne pourrait baisser de – 0,5 point en moyenne. Dans les pays émergents, le risque politique est également plus élevé que jamais, nourri par le mécontentement social et l’explosion du risque sécuritaire. La CEI, avec la Russie, et la région Afrique du Nord/Moyen-Orient, avec la Turquie et l’Arabie saoudite se distinguent comme étant les pays émergents les plus risqués. De même, la montée des frustrations politiques et sociales en Afrique du Sud, et ce dans un contexte de très faible croissance, est en partie à l’origine de la dégradation de son évaluation par Coface. Enfin, le risque sécuritaire (terrorisme, conflits et homicides) est une nouvelle composante de l’indicateur du risque politique émergent.
Montée en puissance du risque crédit
Les défaillances d’entreprises pourraient également impacter l’économie mondiale, d’autant que selon Euler Hermes, le repli en la matière observé ces dernières années en Europe perd de la vitesse. En Asie-Pacifique, aux Etats-Unis et en Amérique latine, les défaillances sont mêmes attendues à la hausse. A l’échelle mondiale, les défaillances d’entreprises devraient ainsi croître de 1 % en 2017.
En effet, le retour d’une inflation modérée ne devrait pas apporter un soutien au chiffre d’affaires des entreprises, alors même que celles-ci doivent composer avec la hausse des coûts des intrants et les pressions salariales, qui s’ajoutent au durcissement des conditions de financement.
«Au plan mondial, la tendance baissière des défaillances d’entreprise touche à sa fin, explique Ludovic Subran, chef économiste d’Euler Hermes. En cause, la croissance mondiale qui n’arrive plus à accélérer et devrait rester bloquée sous les 3 % pendant encore plusieurs années, ce qui rend les entreprises plus vulnérables aux chocs externes.»
Un environnement favorable aux exportations françaises
Dans ce contexte de croissance modérée et de risques persistants, les exportations mondiales devraient en 2017 augmenter d’environ 2,5 % contre moins de 1 % l’année dernière. «Une croissance qui, bien que mesurée et également inférieure à celles des années d’avant-crise, est plutôt de bon augure pour les entreprises françaises dont les exportations repartent à la hausse», analyse Julien Marcilly. Alors qu’elle s’était contractée de – 3 milliards d’euros en 2016, la demande additionnelle adressée aux entreprises françaises pourrait en effet, selon Euler Hermes, croître de 28 milliards d’euros en 2017. «Cette année, les exportations françaises retrouveront des couleurs, en partie grâce à la remontée du cours des matières premières qui devrait être répercutée sur les prix des biens industriels, explique Stéphane Colliac, économiste France chez Euler Hermes. Le commerce français devrait aussi profiter d’un euro plus faible (1,07 face à l’USD) en raison de l’accroissement de la divergence entre les politiques monétaires de la Fed et de la BCE. Les volumes exportés par les entreprises tricolores devraient ainsi croître de + 3,7 % (+ 0,8 % en 2016).» Des prévisions qui, selon les Douanes, ne se sont pourtant pas vérifiées au premier trimestre 2017, pendant lequel les exportations françaises ont en effet reculé de 1,4 %, après une augmentation de 2,6 % au dernier trimestre 2016.
Les secteurs porteurs pour les exportateurs français
Cette contraction porte essentiellement sur l’aéronautique. En effet, au premier trimestre 2017, les livraisons aéronautiques et spatiales, qui figurent parmi les premiers produits d’exportation de la France, se contractent très vivement (– 18,7 %, après + 9,9 %) et contribuent quasiment à elles seules au recul des exportations. Ce mouvement fait suite aux ventes exceptionnelles d’Airbus au dernier trimestre 2016 (118 appareils livrés contre seulement 64 au premier trimestre 2017). Néanmoins, en lissant sur une année ces à-coups calendaires, la moyenne des livraisons trimestrielles sur une année glissante d’avril 2016 à mars 2017 (91 appareils pour 7,6 milliards) dépasse largement la moyenne glissante des mêmes trimestres de l’année précédente (76 appareils pour 6,8 milliards). De même, les exportations de produits agricoles peinent à redémarrer. Ces produits, traditionnels moteurs de la croissance des exportations, pâtissent encore de la très mauvaise récolte céréalière de l’été 2016 et le solde agricole reste dans le rouge pour le troisième trimestre consécutif.
Néanmoins, les exportations françaises de produits manufacturés hors pétrole raffiné et hors aéronautique poursuivent leur progression (+ 1,2 % au premier trimestre 2017 après + 1,6 % au quatrième trimestre 2016 selon les Douanes). Parmi eux, les ventes de produits des télécommunications progressent nettement (+ 19,5 %, après – 2,2 %), du fait de la réalisation de grands contrats destinés à la pose d’un réseau sous-marin de fibre optique dans les eaux internationales. Les exportations de produits métallurgiques restent pour leur part dynamiques (+ 5,5 %, après + 2,4 %), en raison essentiellement de l’augmentation des prix des métaux. De même, la progression des échanges de produits chimiques et de produits de luxe est également dynamique. Parallèlement, les exportations de produits pétroliers raffinés poursuivent leur croissance (+ 6,8 %, après + 12,0 %), en raison de la hausse des cours du pétrole, les volumes exportés étant néanmoins en recul. Les ventes d’électricité progressent également nettement (+ 48,8 %, après – 0,2 %), après la remise en route de réacteurs à l’arrêt en 2016 pour maintenance.
Les exportations tirées par les voisins européens
L’exportation française sera cette année principalement tirée par la demande de nos voisins européens. En effet, malgré un environnement externe complexe, la croissance de l’Union européenne se montrera stable en 2017 à + 1,6 % (+ 1,7 % en 2016), soutenue par la consommation des ménages (+ 1,7 % en 2017, après + 1,9 % en 2016) et l’investissement privé (+ 2,4 % en 2017, après + 2,5 % en 2016). «Un contexte favorable à nos exportateurs, poursuit Stéphane Colliac. En 2016, 60 % des exportations françaises étaient destinées à l’UE. Cette part pourrait encore progresser en 2017, puisque nous estimons que 80 % de la demande additionnelle adressée à la France cette année proviendra des pays membres de l’UE. Les exportateurs français pourront miser sur le renforcement de la croissance de leurs voisins européens : en Allemagne, où + 5,2 milliards d’euros de débouchés sont à capter, en Espagne (+ 3,9 milliards d’euros), en Italie (+ 3,4 milliards d’euros) et en Belgique (+ 2,9 milliards d’euros).»
Cette année, les entreprises françaises pourront donc profiter de la résilience économique de l’UE pour conquérir de nouveaux débouchés à l’export. «Certains secteurs bénéficieront plus directement de cette demande supplémentaire : les biens d’équipement (+ 9,1 milliards d’euros), la chimie (+ 3,7 milliards d’euros) et l’automobile (+ 1,9 milliard d’euros)», poursuit pour sa part Eric Lenoir, président du comité exécutif d’Euler Hermes France. D’ailleurs, les entreprises françaises semblent conscientes de ces opportunités. Selon le dernier baromètre export d’Euler Hermes, les destinations privilégiées par les entreprises françaises se recentrent en effet sur la zone euro, l’Allemagne, l’Espagne et la Belgique en tête. L’Italie se replace en quatrième position.
Seules les exportations vers le Royaume-Uni marquent le pas. Avant le référendum sur le Brexit (juin 2016), Euler Hermes prévoyait une croissance des exportations françaises vers ce pays de + 6,1 milliards d’euros en 2017. Le vote des Britanniques a cependant redistribué les cartes. «Le choc de confiance généré par le vote pro-Brexit a engendré une sévère dépréciation de la livre sterling (– 12 %), confirme Stéphane Colliac. Ainsi, nous prévoyons une contraction des importations britanniques cette année et les exportations françaises vers le Royaume-Uni ne croîtront finalement pas en 2017, d’où un large manque à gagner de + 6,1 milliards d’euros pour les entreprises françaises.» En 2017, les entreprises françaises pourront également aller saisir des opportunités dans des pays plus lointains. Selon Euler Hermes, ce sont + 1,6 milliard d’euros de débouchés qui sont à capter en Chine. Plus surprenant et malgré les velléités protectionnistes de Donald Trump, + 1,5 milliard d’euros seront à saisir pour les exportateurs français aux Etats-Unis en 2017.