Flotte automobile

Quelle flotte automobile pour demain ?

Publié le 31 octobre 2019 à 17h01    Mis à jour le 27 juillet 2021 à 11h21

Propos recueillis par Anne del Pozo

Evolution de la fiscalité, des mobilités, des réglementations, des motorisations : autant de facteurs qui vont changer le visage des flottes automobiles des entreprises. Face à ce contexte, constructeurs, loueurs et autres prestataires automobiles continuent d’innover pour offrir aux entreprises les solutions qui leur permettront de mener à bien leur transition énergétique tout en respectant leurs contraintes de coûts et de sécurité ainsi que les attentes de leurs collaborateurs en termes de mobilité.

lmpact fiscal de la mise en œuvre du WLTP

François Piot, président d’Arval Mobility Observatory : Il semblerait que l’Etat soit enfin prêt à intégrer l’impact fiscal de la mise en œuvre du WLTP ! Cette réglementation européenne, articulée autour des émissions de CO2 des véhicules, était censée ne pas avoir d’impact fiscal en France. Ce qui, en l’état actuel de la fiscalité automobile française qui repose essentiellement sur les émissions de CO2, n’était pas le cas. Si les réformes telles qu’elles semblent actuellement engagées vont jusqu’à leur terme, alors nous aurons deux barèmes de malus. L’un, en attendant que l’administration soit en mesure de mettre en œuvre le WLTP et l’autre, après la mise en œuvre du WLTP. A titre de rappel, le WLTP s’est en France déployé d’un point de vue strictement réglementaire en trois étapes : en 2017, 2018 et 2019. Depuis septembre 2019, le WLTP est en principe applicable en France. Il se trouve que la communication pour chaque acquéreur du niveau de CO2 de son véhicule se fait au moment de la délivrance de la carte grise par la remise d’un ICEOC, à savoir un certificat de conformité qui donne le niveau de CO2 de chaque véhicule et qui dépend d’un certain nombre d’éléments, dont ses équipements. Or, à ce jour, l’administration française n’est toujours pas capable de livrer ces certificats de ICEOC, et ne devrait pas l’être avant le milieu de l’année 2020.

Un nouveau barème malus entrera donc en vigueur entre le 1er janvier et la date d’application de ce WLTP. Et lorsque ce WLTP et la production des ICEOC seront opérationnels, il y aura un autre calcul de malus : les seuils d’émission de CO2 à partir desquels sont taxés les véhicules devraient en effet être rehaussés en vertu de la réglementation WLTP. L’Etat devrait donc globalement compenser l’impact que va avoir le nouveau calcul du WLTP sur la fiscalité, sachant qu’en l’état actuel de la réglementation, le WLTP pourrait générer un écart de fiscalité de 15 % à 30 %.

De même, la grille de calcul de la TVS, qui s’articule autour des taux d’émissions de CO2 par gramme, va probablement également évoluer au 1er janvier 2020. Par exemple, jusqu’à présent, les véhicules qui étaient entre 101 et 120 g/km avaient un taux de calcul de 4,5 euros par gramme. Désormais, ce taux de 4,5 euros sera pour les véhicules de 121 à 150 g/km. Les catégories vont se décaler pour compenser en partie l’augmentation du taux de CO2 résultant du calcul.

Enfin, nous essayons de convaincre l’administration fiscale que la TVS s’applique à un véhicule pendant toute sa durée de vie, alors qu’à ce jour, elle évolue chaque année pour un même véhicule. Pour faire de la transition énergétique efficace, il faut en effet que les chefs de parc choisissent les véhicules en fonction des objectifs financiers, fiscaux et environnementaux de l’entreprise et ce, pendant toute la durée de vie du véhicule.

Concernant les bonus, ils devraient être maintenus pour les véhicules électriques. En revanche, ils pourraient évoluer pour les hybrides.

Joël Chabas, directeur Catalytix France chez Masternaut : Dans le cadre des certificats d’économies d’énergie (C2E), les entreprises productrices ou distributrices d’énergie ont l’obligation de réaliser et de justifier une recherche d’économie d’énergie. Elles peuvent à cet effet racheter l’économie d’énergie faite par leur client, l’inciter à investir dans la transition énergétique, ou réaliser elles-mêmes des économies d’énergie. Dans le cadre de cette obligation, elles peuvent proposer à leurs clients des boîtiers télématiques à installer dans leurs véhicules en flotte, notamment afin d’analyser le comportement de conduite de leurs collaborateurs et de mettre en place des actions visant à limiter leur consommation de carburant, et donc leurs émissions de CO2. Les C2E peuvent prendre en charge une partie des coûts liés à ce type de projet.

Olivier Pitiot, directeur grands comptes Total Fleet au sein de la direction réseau & cartes pétrolières : Il faut distinguer le consommateur d’énergie et l’obligé, à savoir le producteur et le fournisseur d’énergie. L’objectif consiste à dire à ceux qui fournissent l’énergie de mettre en place des actions vis-à-vis des clients finaux pour que ces derniers économisent l’énergie qu’ils utilisent. Le CEE est une action française vertueuse née suite aux accords mondiaux visant à réguler le réchauffement climatique. Demain, si Total ne répond pas à ses engagements en termes de CEE, il devra payer une certaine somme d’argent à l’Etat. Si en revanche Total arrive à réaliser des actions en propre ou à promouvoir des actions concrètes auprès de ses clients pour réduire les consommations d’énergie, il obtiendra un certificat CEE.

Cette réglementation est ancienne et s’articule autour du pôle bâtiment et autour du pôle mobilité. Sur ce second point nous mettons en place, chez Total, un certain nombre de fiches action, comme la carte carburant avec la saisie du kilométrage, les boîtiers télématiques, le renouvellement des flottes avec des véhicules qui consomment moins de CO2… L’obligé paie ainsi une prime au client s’engageant dans l’une de ces démarches.

Une réglementation en faveur des nouvelles mobilités

Guillaume Maureau, directeur général adjoint ALD Automotive : La LOM (Loi Orientation des Mobilités) impose aux entreprises de mener des démarches sur la mobilité de l’ensemble des salariés de l’entreprise et non plus uniquement des seuls collaborateurs dotés d’un véhicule de fonction. Nous considérons d’ailleurs que, dans cette mouvance, le métier de loueur longue durée est actuellement en cours d’évolution. Il y a quelques années, il s’articulait essentiellement autour de la mise à disposition de véhicules de fonction ou de véhicules utilitaires. Aujourd’hui, nous sommes de plus en plus des acteurs de la mobilité et devons apporter du service à l’ensemble des salariés de l’entreprise, d’où le développement de nouvelles offres de mobilité comme le car sharing ou le bike sharing. De plus en plus d’entreprises, notamment dans le cadre de la LOM, ont également mis en place des solutions de vélo-partage, de trottinettes ou autres solutions de mobilité alternative. De même en amont, les loueurs doivent également accompagner les entreprises dans leur réflexion sur la mise en œuvre d’un plan de mobilité, optimiser la gestion d’un parc, etc. Par exemple nous venons de terminer une mission pour un client qui souhaitait rendre plus attractive son entreprise afin d’attirer de nouveaux talents. Nous avons imaginé un certain nombre de nouveaux services lui permettant de développer sa marque employeur et de renforcer son attractivité auprès, notamment, des jeunes diplômés.

François Piot : Selon le Baromètre de l’Arval Mobility Observatory, trois mois après l’entrée en vigueur du plan de mobilité en janvier 2018, seulement 14 % des entreprises concernées l’avait mis en place. Et en mars dernier, elles n’étaient encore que 30 % des entreprises éligibles. Pourtant, le plan de mobilité est une bonne opportunité pour les sociétés en vue de mettre autour de la table l’ensemble des parties prenantes et de mener des réflexions sur les différents déplacements réalisés au sein de l’entreprise : sont-ils vraiment tous nécessaires, peut-on les faire différemment et si oui, quelles sont les énergies adaptées pour quels trajets ? La LOM, pour sa part, est encore en discussion à l’Assemblée nationale. Dans le cadre de cette loi, le gouvernement affiche sa ferme volonté d’accélérer la transition énergétique et ainsi, d’abaisser à 50 salariés par site (contre 100 initialement prévus) le seuil à partir duquel les entreprises auront cette obligation. La LOM intègre par ailleurs un plan vélo. Pour le moment, il consiste à octroyer une enveloppe budgétaire de 350 millions d’euros pour la mise en place d’actions favorisant les déplacements à vélo : aménagement de pistes cyclables, forfait mobilité de 400 euros que les entreprises devront verser à leurs salariés… Au-delà de ce premier pas engagé par l’Etat, un certain nombre d’acteurs doit également se mobiliser pour favoriser la mise en œuvre de ce plan vélo : collectivités territoriales, entreprises… La LOM intègre également un volet déploiement du véhicule électrique, les zones à faible émission de CO2 et un plan sur les mobilités différentes (covoiturage, télétravail, etc.).

Joël Chabas : Pour le moment cette loi n’intègre pas de sanctions. En revanche, elle comprend un certain nombre d’obligations. Le zéro carbone pour 2050 est ainsi inscrit dans la loi. De même l’obligation pour l’Etat et les collectivités territoriales de commencer à avoir, dans toutes les nouvelles flottes qui sont achetées, entre 37,5 % et 50 % de véhicules électriques. Le calendrier pour les entreprises est un peu plus diffus.

Guillaume Maureau : Au-delà de la réglementation, c’est également la pression des salariés qui incite les entreprises à engager leur transition énergétique. De plus en plus, ces salariés s’attendent à ce que leur employeur ait une véritable démarche en matière de responsabilité environnementale, transition énergétique et nouvelles mobilités.

François Piot : Selon une étude ViaVoice commandée par l’Arval Mobility Observatory en 2018, 67 % des salariés estiment qu’il est de la responsabilité de leur employeur d’organiser la mobilité. Mais 62 % des chefs d’entreprise estiment aussi qu’il est de leur responsabilité de préempter le sujet de la mobilité et des déplacements des salariés. Il y a donc une vraie prise de conscience de part et d’autre sur ce sujet.

Les priorités des gestionnaires de flotte

Olivier Pitiot : Tout l’enjeu pour les gestionnaires de flotte aujourd’hui consiste à adapter le mode de déplacement de leurs collaborateurs en fonction de leurs usages. Si auparavant la motorisation diesel était pratiquement la seule à être préconisée, aujourd’hui ce n’est plus le cas et les gestionnaires de parc ont des arbitrages à faire entre les différentes énergies mais aussi entre les différentes formes de mobilité, ce qui complexifie leur fonction. Face à ces choix, il est plus que jamais important de se pencher sur les usages afin de choisir le mode de déplacement le mieux adapté. Par exemple, si le salarié se déplace essentiellement en centre urbain et ne fait pas beaucoup de kilomètres, le véhicule électrique sera parfaitement adapté. Inversement, pour faire 100 000 km par an sur des trajets comportant très peu de bornes de recharge électrique, le diesel conviendra mieux, etc.

Guillaume Maureau : Le gestionnaire de parc a aujourd’hui une contrainte budgétaire que son employeur lui demande de gérer au mieux voire de réduire ce qui, aujourd’hui, au vu notamment des évolutions de la fiscalité et des coûts des carburants, rend la démarche parfois complexe. D’autre part, il doit également être en mesure de faire en sorte que son parc automobile dégage une image «responsable» de son entreprise et intègre, dès lors que c’est possible, du véhicule électrique, du véhicule hybride ou des initiatives en matière de nouvelles mobilités qui démontrent que son entreprise réfléchit à ces sujets-là. Enfin, le gestionnaire de parc se doit aussi de proposer des solutions propres à limiter le risque routier. Des initiatives d’autant plus importantes à mettre en place que la sinistralité peut générer des coûts importants pour l’entreprise en termes d’assurance, de réparation, d’absence pour arrêt maladie et/ou d’accidents de travail… Certaines entreprises interdisent par exemple le vélo ou les trottinettes car elles jugent leur utilisation trop dangereuse dans les villes où elles se trouvent.

François Piot : Il arrive également que les chefs de parc doivent faire face à des objectifs contradictoires. Par exemple, une direction générale peut leur fixer des objectifs de réduction des coûts incompatibles avec une stratégie de transition énergétique. Il faut donc commencer par challenger la direction générale sur les choix à faire et les priorités à donner. Certaines porteront sur la réduction des coûts, d’autres sur une action environnementale, etc.

Joël Chabas : Pendant longtemps, le gestionnaire de parc a été vu comme un centre de coût pour l’entreprise. Aujourd’hui il a l’opportunité de se repositionner comme un acteur de la santé des collaborateurs de l’entreprise et de sa transition énergétique. En effet, alors que la fiscalité sur les flottes est particulièrement complexe, la direction générale qui souhaite engager la transition énergétique de sa flotte automobile a besoin d’être accompagnée pour en comprendre et en calculer les coûts réels. Un besoin qui offre une opportunité au gestionnaire de parc de prendre un nouveau rôle valorisant. Il peut également accompagner la transformation des organisations qui souhaitent repenser les déplacements professionnels et améliorer les comportements de conduite de leurs collaborateurs. Certes le contexte réglementaire, économique et fiscal est compliqué pour les gestionnaires de parc ; néanmoins, il leur offre l’opportunité de se repositionner en qualité de gestionnaires de mobilité au sein de leur organisation.

Guillaume Maureau : S’il y a quelques années, un jeune diplômé nouvellement embauché souhaitait avant tout obtenir un véhicule de fonction, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Il peut ne pas en avoir l’utilité ou lui préférer un autre moyen de mobilité. A nous, acteurs de la mobilité, de proposer aux nouveaux entrants de nouveaux services répondant aux tendances actuelles (vélos, trottinettes, car sharing, etc.) et suffisamment évolutifs pour s’adapter en permanence à leur mode de vie. Il n’y a plus une unique solution à la mobilité des collaborateurs de l’entreprise mais un éventail de services. Il nous revient de les aider à structurer ces offres pour les adapter au mieux aux besoins et attentes de mobilité de leurs collaborateurs.

La donnée, au cœur des mobilités

Olivier Pitiot : Les gestionnaires de flotte nous font part des mêmes attentes. Nous avons décidé de former nos collaborateurs à répondre aux questions que les gestionnaires de flotte sont susceptibles de leur poser, en particulier sur le choix des énergies de leurs véhicules en parc, dont l’électrique. D’ailleurs Total évolue et change de métier. Nous avons la volonté de devenir multi-énergie. Nous estimons par exemple que le véhicule électrique a du sens pour les déplacements en centre urbain, que le biofuel est plus particulièrement adapté à l’aviation, que le dihydrogène pourrait répondre aux besoins du ferroviaire, etc. Notre CEO, qui est assez visionnaire, nous entraîne d’ailleurs dans cette voie-là depuis plusieurs années (rachat de SunPower, Saft…). A titre d’exemple, nous investissons actuellement pour favoriser l’adoption des véhicules électriques. Le groupe a notamment la volonté de créer un consortium sur les batteries pour véhicules en Europe et de travailler avec les constructeurs automobiles sur ce sujet. Nous nous attachons également à développer notre réseau de bornes de recharge publiques et privées. Nous venons ainsi de passer un partenariat avec les bailleurs sociaux pour installer, à la demande des entreprises dont les collaborateurs sont équipés de véhicules électriques, des bornes de recharge dans les parkings des logements sociaux ou copropriétés. En termes d’infrastructures, nous laissons aujourd’hui en France un accès à 15 000 bornes de recharges électriques. Certes ce n’est pas encore suffisant. Néanmoins, près de 90 % des recharges se font actuellement à domicile ou au bureau. La recharge sur trajet reste minoritaire et en dépannage. Pour répondre à cette dernière demande, nous déployons actuellement des bornes HPC (175 kW) qui permettent de faire un plein d’électrons en 20 minutes. Nous devrions ainsi équiper 189 stations d’ici 2022. Notre promesse client : proposer une borne de recharge tous les 150 km sur les grands axes routiers. Nous venons par ailleurs d’équiper une première station en dihydrogène au Mans, cette année. Nous nous sommes par ailleurs engagés à ouvrir 110 stations de gaz naturel comprimé d’ici 2022.

Joël Chabas : Aujourd’hui la France compte environ 26 000 bornes de recharge électrique, et l’Europe 160 000 soit environ une borne pour huit véhicules. Un chiffre qui a été multiplié par trois en cinq ans. D’autre part, dans le cadre de la LOM, aujourd’hui toute entreprise qui construit un parking de plus de 10 places a l’obligation de prévoir au moins une borne de recharge électrique. Un vrai mouvement est actuellement engagé au niveau de l’Etat et des constructeurs pour favoriser ainsi le développement de l’électrique. Par exemple, près d’une centaine de véhicules sont aujourd’hui disponibles au catalogue des constructeurs. Une dynamique qui touche encore peu l’hydrogène et le gaz, même si un certain nombre d’actions sont actuellement en cours autour de ces énergies : Plan hydrogène lancé par l’Etat en 2018, investissement d’Ile-de-France Mobilité pour avoir 2 000 véhicules d’ici 2022 sur l’hydrogène, développement des stations hydrogène (six stations existent déjà aujourd’hui et huit sont prévues pour l’année prochaine)….

François Piot : Malgré tous ces projets et ces ambitions, il reste néanmoins important d’envisager l’avenir avec une vision équilibrée des énergies. L’électrique ne pourra en effet pas tout faire. Le diesel, l’essence et l’hydrogène ont également une place en fonction des usages qui sont faits des véhicules. La mixité énergétique a tout son sens. Il appartient à tous ceux qui font des promesses pour accompagner la transition énergétique (Etat, fournisseurs d’énergies, etc.) de tenir les engagements qu’ils prennent, même si cela doit leur coûter de l’argent au regard des investissements qu’ils nécessitent. C’est en particulier le cas pour le plan de déploiement des stations de recharge des véhicules électriques.

Guillaume Maureau : Pour les utilisateurs, essayer de charger son véhicule électrique à Paris reste, à l’heure actuelle, compliqué. Beaucoup de bornes ne fonctionnent pas, d’autres ont des puissances de charge insuffisantes…

Joël Chabas : Aujourd’hui, dans les flottes de nos clients, nous avons en moyenne 2 % de véhicules électriques. Quand nous faisons l’analyse de leur flotte nous constatons qu’ils pourraient basculer 15 % à 20 % de leurs véhicules vers de l’électrique. Il s’agirait des véhicules qui, en trajet quotidien, font de petites distances et qui, de ce fait, ont une autonomie de charge suffisante pour la journée, ou des véhicules qui font de plus longues distances mais ont des arrêts longs, en cours de journée, à proximité de bornes.

François Piot : Toujours selon notre Baromètre Flottes, 17 % des entreprises disent avoir déjà installé des véhicules électriques dans leur flotte, 34 % disent l’avoir fait ou vouloir le faire (soit un tiers des décideurs d’entreprise), et pourtant les véhicules électriques ne représentent que 2,5 % des immatriculations des entreprises. Pour l’instant, malgré la volonté affichée de nombreuses entreprises, la bascule d’une partie du parc vers l’électrique reste limitée à quelques véhicules. Nous sommes donc encore dans une phase de test et d’expérimentation sur ce sujet. Les entreprises analysent encore les usages qu’elles pourraient en faire. Mais le Baromètre montre que l’intention est bien là.

Joël Chabas : D’où l’intérêt, à cet effet, de collecter les données issues des boîtiers télématiques des véhicules. Nous travaillons sur la base de ces données pour analyser dans quelle mesure il est possible d’optimiser le TCO des flottes et, dans le cadre des stratégies de transition énergétique, quelle est la part du parc qu’il est possible de basculer vers de nouvelles énergies. Nous analysons également pour nos clients l’impact de la mise en place des zones à faible émission dans les grandes villes, sur les trajets, leur business… C’est ensuite à partir de tous ces éléments que nous essayons de convaincre une direction générale de la nécessité de réaliser une transition énergétique et l’accompagnons dans sa stratégie et ses choix en la matière. Enfin, nous les aidons à réfléchir à des solutions alternatives ou complémentaires aux véhicules électriques, comme les véhicules thermiques de prêt pendant les périodes de vacances par exemple.

Guillaume Maureau : Une démarche dans laquelle nous accompagnons également les entreprises au travers, par exemple, de notre offre ALD Switch qui aujourd’hui favorise le déploiement de l’électrique dans les entreprises. Celui qui prend une formule Switch dispose d’un véhicule électrique plutôt citadin et peut accéder à un véhicule thermique en France ou en Europe continentale jusqu’à 60 jours/an. Cet été nous avons ainsi eu, dans le cadre de cette offre, plus de 100 réservations de véhicules thermiques ou électriques en France et dans d’autres pays d’Europe (Croatie, Portugal, Italie, Espagne…). Pour répondre aux demandes de ces véhicules, nous nous appuyons notamment sur notre offre de location moyenne durée ALD Rent. Nous avons maintenant une vingtaine de points logistiques sur toute la France, ce qui nous permet de mettre à disposition de nos clients une large palette de véhicules, y compris pendant les vacances scolaires.

Olivier Pitiot : En complément, les détenteurs de la carte multi-énergie Total Fleet ont accès à toutes les énergies nécessaires en fonction de l’usage et du véhicule loué : électrique, essence, diesel… Cette carte permet également de lever un frein à l’électrique : la société peut par exemple payer à son collaborateur la charge de l’électron, y compris si elle est effectuée à son domicile. C’est d’ailleurs dans le cadre de cette démarche que nous proposons désormais aux entreprises de les accompagner dans l’installation de bornes de recharge dans les copropriétés ou logements sociaux de leurs collaborateurs équipés de véhicules électriques.

Guillaume Maureau : Sur les collectivités, il y a encore aujourd’hui un problème sur l’existant : difficile en effet d’installer sur des structures existantes plus de trois ou quatre bornes car EDF ne le permettra pas. Les réflexions sont plutôt en train de se mener sur les ensembles immobiliers de demain pour reformater un centre-ville, mixer des immeubles bureaux/commerces/habitations et prévoir, dans les futurs projets, d’organiser la mobilité des habitants ou des collaborateurs des entreprises dès la construction des ensembles immobiliers. Une mobilité qui d’ailleurs ne sera pas uniquement articulée autour de l’électrique. Il s’agit de réflexions autour du concept de smart city avec, pourquoi pas, des solutions de mobilité en autopartage (voitures, vélos, trottinettes, etc.) mises à la disposition des habitants des immeubles.

François Piot : Un projet que BNP Paribas est en train de mettre en place sur l’un de ses immeubles.

Olivier Pitiot : Les données récupérées par les boîtiers télématiques permettent également de travailler sur les comportements de conduite des collaborateurs.

François Piot : Grâce à la télématique, il est en effet possible d’identifier les dérives. La maturité dans les entreprises vis-à-vis de la télématique reste néanmoins assez faible. Elles ne seraient en France que 12 % à 14 % à avoir intégré de tels boîtiers dans leurs véhicules ; une réticence notamment due à la confusion télématique/géolocalisation.

Joël Chabas : Lorsque nous installons la télématique dans les flottes d’entreprise aujourd’hui, souvent nous n’activons pas la géolocalisation car la plupart des IRP la refusent. Il faut vraiment dissocier télématique et géolocalisation. Par ailleurs la télématique permet d’éviter les dérives en matière de comportement de conduite, d’en suivre l’évolution et d’aider les entreprises dans la conduite du changement liée aux actions d’écoconduite. Rappelons que l’écoconduite a une double vertu : elle permet de réduire les émissions de CO2 mais également les coûts liés à la consommation de carburant et la sinistralité. Pour une entreprise, outre les congés et arrêts maladies, chaque sinistre génère des coûts en assurance, en réparation mais aussi en travail administratif (jusqu’à quatre à six heures de travail).

Olivier Pitiot : Nous pouvons aussi challenger les conducteurs sur leur comportement de conduite. Par ailleurs, en collectant une donnée avec de la télématique, il est possible de mesurer ce que nous consommons en CO2. A partir de là, il est également possible d’agir pour réduire la consommation de CO2, voire de la compenser en investissant par exemple dans un projet permettant de «recapter» le CO2 émis.

François Piot : Globalement, le fait de donner de l’information aux conducteurs ou aux entreprises contribue à la responsabilisation de chacun, notamment par rapport aux sujets environnementaux.

Le plan de mobilité, élément déclencheur à la transition énergétique

François Piot : D’où l’intérêt de prendre le temps d’identifier dans l’entreprise les quelques véhicules éligibles à l’électrique, aux hybrides rechargeables ou à d’autres solutions de mobilité alternatives et pour lesquels le directeur financier est prêt à faire un effort. Le plan de mobilité d’entreprise est, en ce sens, une réflexion intéressante.

Yassin Korchi : La plupart de nos clients disposant d’une gestion de flotte automobile structurée nous demandent aujourd’hui de les accompagner dans la mise en place d’un service d’autopartage. Cette démarche est certes motivée par un effet de mode mais aussi par les entreprises convaincues que cela permettra de réduire le parc de véhicules ou de mieux le répartir entre leurs différents sites. La mise en place d’un plan de mobilité qui vise à terme à une meilleure allocation des ressources peut être un point de départ à cette réflexion.

François Piot : Selon l’OVE, 45 % des entreprises en France (contre 37 % en Europe) utilisent déjà une mobilité alternative avec notamment de l’autopartage (24 % en moyenne), du covoiturage (22 % en moyenne) et du crédit mobilité (16 %). Quelques initiatives individuelles d’utilisation de trottinettes électriques ou de vélos électriques sont également mises en œuvre, mais cela reste très confidentiel.

Guillaume Maureau : Le covoiturage d’entreprise est notamment très développé en province où le transport en commun domicile-travail est parfois compliqué voire impossible. Sur les deux-roues, cela reste anecdotique même si certains grands clients ont mené des expériences avec le vélo et les deux-roues motorisés.

François Piot : Le covoiturage reste l’une des solutions de mobilité alternative les plus plébiscitées actuellement. Pour preuve, l’essor de start-up comme Klaxit, notamment porté par les récentes grèves SNCF mais également par le développement du covoiturage inter-entreprise.

Yassin Korchi : Les grèves représentent un élément contextuel majeur qui a favorisé l’essor du covoiturage.

François Piot : Selon une étude OVE/Viavoice, 67 % des collaborateurs considèrent qu’il est de la responsabilité du chef d’entreprise de s’occuper de la mobilité de ses collaborateurs. 62 % des décideurs d’entreprises interrogés le considèrent également. Même si ce n’est pas dans leur priorité immédiate, ils sont quand même conscients que cette charge leur appartient.

Guillaume Maureau : En tant que prestataire nous devons, au travers de nos services et de nos équipes, être en mesure d’accompagner nos clients et prospects sur le sujet de la mobilité et dans la mise en place de solutions telles que le car sharing ou le crédit mobilité. Le fait de pouvoir proposer à nos clients des prestations de mobilité novatrices leur permet d’avancer dans leur transition énergétique et la mise en place de leur plan de mobilité.

Gilles Langlois : L’objectif, avec une prestation comme le car sharing, consiste à mettre en place des solutions de mobilité alternatives pour limiter le recours à la location courte durée ou aux taxis et non pas pour diminuer la flotte de véhicules d’une entreprise.

Guillaume Maureau : Nos expériences permettent de constater que le car sharing est souvent un moyen d’offrir plus de services aux salariés, notamment à ceux qui n’ont pas accès aux véhicules de fonction. Louer pour un week-end ou bénéficier d’une voiture le soir après une réunion tardive, autant d’options qui étaient impossibles avant la mise en place du car sharing.

Yassin Korchi : Le car sharing ne va pas réduire un parc automobile mais il va contribuer à en limiter l’augmentation.

François Piot : D’ailleurs, malgré la mise en place de solutions de mobilité alternatives, les flottes automobiles continuent actuellement de progresser en entreprise, de l’ordre de 3 % par an.

Guillaume Maureau : Ces nouvelles mobilités font même parfois augmenter le nombre de véhicules en parc.

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