Expertise

L’humain au centre des projets de transformation

Publié le 7 décembre 2018 à 11h24    Mis à jour le 10 décembre 2018 à 15h22

Anne del Pozo

Dans un environnement en forte mutation, le rythme et la fréquence des changements et transformations en entreprise s’accélèrent. Pourtant, près de la moitié des projets de transformation n’atteignent pas les résultats escomptés. Face à ce constat et afin de pérenniser et d’accélérer la transformation, Argon préconise d’étudier et de construire la conduite du changement en fonction de la nature de celui-ci, de rechercher l’engagement des collaborateurs pour mener la transformation et enfin, d’accompagner les managers pour qu’ils cultivent et maintiennent la motivation de leurs collaborateurs.

La transformation est plus que jamais au cœur des préoccupations des entreprises. Selon un sondage BVA réalisé fin 2017, 93 % des répondants ont en effet connu au moins un changement majeur (rupture de business model, réorganisation, projet ERP, programme de compétitivité, PMI/carve out) au cours de ces dernières années et 73 % au moins deux. Pourtant, seule la moitié des projets de changement réussissent. L’enquête met d’ailleurs en exergue trois facteurs clés de succès majeurs : la prise en compte du contexte économique de l’entreprise, l’importance de sa culture et l’organisation de l’équipe d’accompagnement.

Adapter la conduite du changement en fonction de sa nature

Pour s’assurer de l’engagement des collaborateurs et donc du succès d’un projet, la démarche d’accompagnement de la transformation doit être pleinement adaptée à la nature du projet et à son périmètre. A chaque changement son accompagnement… Ainsi, dans le cadre d’un changement fonctionnel (évolution d’outil et/ou de process dans un service, etc.), l’enjeu sera de faire comprendre ces évolutions auprès des collaborateurs. Les leviers standards de l’accompagnement – formation et communication – seront alors généralement suffisants et mis en œuvre par les équipes du projet. Pour un changement industrialisé, l’enjeu consiste à maîtriser la vitesse de déploiement d’un nouvel outil/processus tout en embarquant les collaborateurs concernés et en assurant leur montée en compétence massive. Dans ce cas, la phase de cadrage permet d’évaluer les compétences existantes et d’identifier celles à acquérir.

Le cadrage a également comme objectif d’évaluer la capacité des collaborateurs à évoluer afin d’anticiper les besoins d’accompagnement. Le changement organisationnel (projets transverses tels que l’évolution des process RH…) a pour sa part des impacts sur l’organisation du travail, les modes de management, le leadership, voire la culture d’entreprise. Son succès repose donc sur la bonne compréhension des enjeux par les collaborateurs, l’appropriation du changement et l’alignement de l’organisation avec la vision cible, notamment en termes d’évolution des rôles et responsabilités. Enfin, un changement global (comme une fusion-acquisition) impacte toutes les dimensions de l’entreprise (process, outils, organisation, modes de management et culture) sur un très large périmètre. Tout son enjeu repose sur l’appropriation du changement et la cohérence du déploiement. Il est alors impératif que les collaborateurs perçoivent que tous les projets menés de front vont dans le même sens. Pour embarquer l’ensemble des collaborateurs dans cette nouvelle aventure, cela nécessite des qualités de leadership transformationnel.

«Globalement, travailler en amont avec les collaborateurs et leurs managers, permet d’éviter des résistances et de cultiver l’adhésion au futur projet, précise Sabine Cousin, directrice chez Argon. Il s’agit d’envisager les dimensions techniques (modèles, structures, processus) et les dimensions humaines en même temps, et non l’une après l’autre. Par ailleurs, faciliter la compréhension du changement auprès de tous les salariés permet d’aller plus vite et plus loin. Les outils centrés sur le développement de l’intelligence collective sont à cet effet précieux. Enfin, l’expérience utilisateur doit être au cœur des démarches d’accompagnement pour susciter l’engagement des collaborateurs.»

Les managers, clés de voûte de la transformation

Les équipes managériales jouent également un rôle clé dans la réussite de toute transformation. Ce sont même les premiers ambassadeurs du projet et les relais indispensables auprès des équipes.

Ils permettent de partager une vision et d’expliquer les bénéfices attendus, condition sine qua non pour mobiliser les équipes et susciter leur engagement. Autrement dit, les managers, et en particulier les managers de proximité, sont les garants des bonnes conditions de transformation, au bénéfice de leurs équipes. Pour conduire le changement, les managers doivent commencer par comprendre l’ambition de la transformation proposée. Il leur faut cerner l’esprit général, la vision véhiculée par le changement. Durant la phase d’appropriation, ils doivent identifier avec clarté les changements et leurs impacts. Sachant que leur propre périmètre d’activité peut être amené à évoluer dans le cadre de la transformation, les managers doivent garder à l’esprit quels sont les invariants et quelle est leur marge de manœuvre. Ils seront ainsi en mesure de décliner les objectifs stratégiques fixés par la direction.

Enfin, pour garantir une mise en œuvre pérenne de la transformation, ils doivent donner confiance dans la réussite de cette dernière, notamment en veillant à ce que les équipes restent focalisées sur les priorités stratégiques et en arbitrant rapidement sur les éventuels points de friction. «Les managers sont les clés de réussite de la transformation quand ils ne se limitent pas à superviser le changement, mais quand ils permettent aux collaborateurs de trouver des solutions, conclut Sabine Cousin. Ils doivent aider les collaborateurs à grandir afin qu’ils deviennent acteurs du changement. Pour y parvenir, le manager conjugue exigence et bienveillance dans l’organisation du travail, ce qui responsabilise toute l’équipe et instaure une véritable dynamique. Les collaborateurs retrouvent alors de la confiance, du sens et du plaisir au travail. Ils se mobilisent et le changement se met en place presque naturellement.»

Questions à… Sabine Cousin, directrice Change & Transformation chez Argon Consulting

Dans le cadre de l’une de ses missions chez Argon, Sabine Cousin a accompagné une grande société industrielle française dans son projet de réduction de ses surcoûts opérationnels et fonctionnels. Un projet de transformation lancé en 2013, éminemment humain et dont le succès a reposé sur l’implication de l’ensemble de ses collaborateurs (+ 100 000).

Quelle a été la démarche de cette industrie ?

Son plan d’action reposait sur deux axes. Le premier, technique, s’est attaché à définir la notion même de non-qualité pour mieux réussir à la traiter. Le second axe s’est centré sur l’humain. Tout l’enjeu pour cette société consistait à faire évoluer les mentalités pour impliquer l’ensemble de ses collaborateurs. Ces deux axes définis, la société a mis en place en 2014 un certain nombre de projets pilotes qui ont confirmé ses premières observations et ont permis de déployer le projet sur le terrain. L’étape suivante a consisté à former les premiers ambassadeurs du projet afin qu’ensuite, ils portent la transformation au sein des entités du groupe. Ces ambassadeurs ont été retenus sur la base du volontariat. En les formant, la société escomptait un effet d’entraînement. La stratégie s’est avérée payante puisque de cinquante ambassadeurs au lancement du projet, elle en comptait plusieurs centaines à la fin.

Quelles autres initiatives ont été mises en place pour fédérer les équipes ?

Des actions de formations en ligne ou en présentiel et des actions de communication grâce, par exemple, à des articles de sensibilisation publiés sur l’intranet. La société a également créé un lieu d’échange itinérant qui a permis aux collaborateurs de trouver des brochures, d’écouter les témoignages de clients faisant part de leurs retours ou encore de discuter avec les ambassadeurs ou les experts. Entre les actions de formation et de communication, elle a ainsi réussi à toucher directement près de 50 000 personnes.

Quel retour d’expérience pouvez-vous nous faire ?

L’entreprise est passée de 21 indicateurs identifiés au départ pour mesurer la non-qualité au sens large sur l’ensemble de ses fonctions, à seulement cinq. Son objectif : simplifier leur utilisation sur toute la chaîne de valeur, à tous les niveaux du groupe. A cet effet, elle a également mis en place des espaces d’échange et des outils de pilotage. Dans ces «chambres de contrôle», les équipes multifonctionnelles se sont régulièrement réunies pour discuter de l’évolution des indicateurs et des initiatives à prendre pour aller plus loin.

Les objectifs ont-ils été atteints ?

Le changement vrai, durable, se mesure sur dix à quinze ans. Mais cette entreprise estime avoir atteint en seulement trois ans son principal objectif : réduire de moitié les coûts liés à la non-qualité. Elle a également initié quelque chose de profond. Elle a plusieurs chantiers en cours, ce qui signifie ainsi que l’amélioration continue s’inscrit, pour elle, sur le long terme.

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