Ignorer le droit de la concurrence dans le montage d’une opération de M&A peut coûter cher. Altice l’a appris à ses dépens en étant condamnée à 200 millions d’euros au titre de la mise en œuvre anticipée de ses acquisitions de SFR et de PT Portugal. 5 bonnes questions à se poser pour éviter cet écueil
Par Alexandra Rohmert, avocat associé, et Virginie Coursière-Pluntz, avocat counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats
1. Quand faire autoriser une opération de M&A au titre du contrôle des concentrations ?
L’autorisation de l’Autorité de la concurrence (ADLC) ou de la Commission européenne (ci-après «la Commission») est en principe exigée lorsque les groupes parties à l’opération réalisent un chiffre d’affaires toutes activités confondues dépassant certains seuils.
Contrairement à certaines idées reçues :
– la question de l’impact concurrentiel de l’opération est indifférente à ce stade ;
– un minoritaire ou même un financier peut être considéré comme une partie si son implication dans l’opération s’accompagne d’un pouvoir de blocage des décisions stratégiques (notamment en raison de la détention de droits de veto) ;
– la structuration de l’opération peut conduire à devoir notifier la création d’une société commune ou l’acquisition d’un contrôle conjoint sur une cible dont le chiffre d’affaires est faible.
2. Qu’en coûte-t-il de ne pas faire approuver une opération notifiable ou de faire des déclarations inexactes ?
Le défaut de notification d’une opération notifiable est sanctionné par une amende de 5 % à 10 % du chiffre d’affaires du groupe auquel il incombait d’obtenir l’autorisation de procéder à l’opération, augmenté le cas échéant du chiffre d’affaires de la cible.
La sévérité des amendes dans le cas de déclarations considérées comme incomplètes ou inexactes, et ce quand bien même il n’y aurait eu aucune incidence sur l’autorisation délivrée, peut aussi être susceptible de déséquilibrer l’économie de l’opération (v. l’amende de 110 millions d’euros infligée dans l’opération Facebook/WhatsApp).
3. À quel niveau d’information les parties peuvent-elles avoir accès au cours du processus d’acquisition ?
De toute évidence, le cédant n’a vocation à recevoir aucune information sensible sur l’acquéreur.
À l’inverse, il est admis que l’acquéreur accède à des informations lui permettant de valoriser la cible. Cet accès doit être restreint aux informations strictement nécessaires à l’opération, sous une forme anonymisée et agrégée.
Le risque est que, au cas où l’opération n’aboutirait pas, les «parties» se voient reprocher un échange d’informations anticoncurrentiel, sanctionné au titre de la prohibition des ententes (jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires consolidé des groupes concernés).