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Expertise pour risque grave : l’audition des salariés requiert-elle l’accord de l’employeur ?

Publié le 24 juillet 2024 à 12h01

Barthélémy Avocats    Temps de lecture 4 minutes

Dans le cadre de ses attributions, le comité social et économique (CSE) a la faculté de diligenter des expertises dans les conditions et selon les modalités déterminées par la loi. Régulièrement désigné, l’expert se voit ainsi reconnaître, sous le contrôle du juge judiciaire, un libre accès à l’entreprise et le droit d’obtenir l’ensemble des documents qu’il juge utile pour mener à bien sa mission. A cet effet, l’expert peut être amené à procéder à l’audition de salariés. Cette audition est-elle subordonnée à l’accord de l’employeur ? C’est la question indirectement traitée par la Cour de cassation dans un arrêt du 10 juillet 2024 (n° 22-21.082) rendu à l’occasion d’une expertise décidée au titre d’un « risque grave ». Or, rappelons-le, la chambre sociale s’était déjà prononcée sur cette question dans le cadre d’une expertise diligentée en vue de la consultation annuelle du CSE sur la politique sociale et les conditions de travail, dans un arrêt du 28 juin 2023 (n° 22-10.293), considérant que l’expert désigné ne pouvait auditionner des salariés « qu’à la condition d’obtenir l’accord exprès de l’employeur et des salariés concernés ».

Par Ralph Caudoux et Véronique Lavallart, avocats, Barthélémy Avocats

Cette solution avait-elle vocation à être transposée à tous les autres cas de recours à l’expertise ? Tel n’est pas la réponse apportée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 10 juillet 2024.

En l’espèce, le CHSCT d’un groupe de la fonction publique hospitalière (instance en vigueur de manière dérogatoire jusqu’en 2023) avait décidé d’une expertise au titre risque grave résultant d’une situation de souffrance au travail présentée par plusieurs agents du service des ressources humaines. En effet, en cas de « risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel », le CSE (qui en la matière reprend les attributions du CHSCT) peut faire appel à un expert habilité.

L’employeur avait saisi le tribunal judiciaire aux fins de voir plus particulièrement limiter le coût de l’expertise, sachant que l’expert avait prévu l’audition de 70 collaborateurs, soit 13,5 jours de travail.

Débouté de ses demandes, l’employeur se pourvoit en cassation, soulignant en particulier que la loi ne confère à l’expert aucun droit de procéder sans son accord à l’audition de salariés sur le lieu de travail.

La chambre sociale rejette le pourvoi, en se référant aux dispositions légales relatives au rôle du CHSCT en matière de prévention des risques professionnels et aux principes généraux en matière d’obligation de prévention qui pèsent sur l’employeur. La haute cour ajoute ensuite que « l’expert désigné dans le cadre d’une expertise pour risque grave, s’il considère que l’audition de certains salariés de l’entreprise est utile à l’accomplissement de sa mission, peut y procéder à la condition d’obtenir l’accord des salariés concernés ». Ainsi, seul l’accord des salariés concernés par l’audition est nécessaire, sans qu’il faille solliciter et a fortiori obtenir l’accord de l’employeur.

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