En matière de harcèlement et de discrimination, les entreprises françaises ont longtemps considéré que les enquêtes au sens large devaient relever quasi exclusivement du ressort de la police ou de l’administration, et qu’elles n’avaient ni les compétences ni les pouvoirs pour effectuer de telles démarches en interne.
Néanmoins, en raison d’évolutions sociétales ainsi que jurisprudentielles, les entreprises se retrouvent aujourd’hui de plus en plus souvent confrontées à l’obligation de mener des enquêtes internes, ce qui peut s’avérer être un exercice particulièrement périlleux, notamment du fait de l’absence de cadre légal clair précisant leur déroulement.
En effet, la notion d’« enquête interne » ne figure pas dans le Code du travail et ce n’est qu’à travers quelques jurisprudences parcellaires, de l’accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 et de commentaires doctrinaux, que les employeurs doivent déterminer les règles applicables à ces enquêtes, et établir de bonnes pratiques en la matière.
Pour le plus grand bonheur des équipes de ressources humaines et des directions éthiques des entreprises en France, le Défenseur des droits a rendu le 11 juillet 2024 une décision exhaustive, dans un cas de harcèlement sexuel et de discrimination, particulièrement utile en la matière. En effet, bien que cette décision ni ne constitue une jurisprudence au sens propre du terme, ni ne crée d’obligation opposable aux employeurs, sa clarté et son exhaustivité font qu’elle pourrait servir de base permettant aux entreprises de comprendre quand, pourquoi et surtout comment des enquêtes internes doivent être menées en France.
1. Les fondements juridiques de l’enquête interne
Dans sa décision, le Défenseur des droits rappelle la définition du harcèlement sexuel fournie par les directives européennes 2000/78/CE et 2006/54, et rappelle aussi qu’au sens de l’article L. 1153-1 du Code du travail, il existe une obligation pesant sur l’employeur de prévenir les faits de harcèlement sexuel dans l’entreprise.