Voici une affaire qui présente certaines particularités originales, et qui mérite donc amplement un commentaire, d’autant qu’elle nous donne aussi l’occasion de revenir sur ce qui pourrait bien constituer l’un des principaux bouleversements apportés par le règlement européen sur les abus de marché (MAR), que la jurisprudence de l’AMF tarde à intégrer.
Par Frank Martin Laprade, avocat associé, Jeantet
Alors que deux articles de l’ancien règlement général de l’AMF traitaient de l’infraction consistant pour une société cotée à mentir au public (632-1 RGAMF : diffusion par toute personne d’informations fausses ou trompeuses sur un instrument financier coté, 223-1 RGAMF : manquement à l’obligation faite à l’émetteur de donner au public une information exacte précise et sincère), il est généralement considéré que l’article 12.1 c) MAR les a remplacés.
A notre avis, c’est une erreur, dans la mesure où l’article 12.1 c) MAR ne s’adresse pas à l’émetteur coté, mais exclusivement aux autres acteurs de marché dont l’émetteur risque d’être la victime si ces tiers propagent sciemment des «fake news» dans le but de manipuler les cours de bourse de ses actions, en jetant le doute sur la qualité de sa propre communication, exclusivement régie par l’article 17 MAR, qui lui impose la divulgation rapide d’informations privilégiées1.
Or, ces dernières sont – par définition – «exactes» (dès lors qu’elles portent sur des faits avérés) ou à tout le moins «sincères» (on peut «raisonnablement penser» que l’événement qu’elles annoncent va se produire à défaut de s’être déjà produit) et l’aléa qu’elles peuvent contenir au moment de leur publication est ensuite neutralisé par la nécessité de les actualiser dès que possible.
1. Disparition du manquement administratif lié à la publication d’une information de mauvaise qualité
Quoi qu’il en soit, certaines décisions récentes de la commission des sanctions de l’AMF ont établi – et répété – que les dispositions «plus douces» de MAR justifiaient son...