Attrait immodéré pour les idées générales, à rebours du pragmatisme anglo-saxon dont elle prétend s’inspirer, la modification du Code civil pour imposer aux sociétés «la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux de leur activité» pourrait bouleverser le droit des sociétés.
Par Jean-Marc Desaché, associé, Kramer Levin
L’article 61 du projet de loi Pacte suivant les recommandations du rapport de Mme Nicole Notat et de M. Jean-Dominique Sénard «l’entreprise objet d’intérêt collectif» envisage de modifier le titre IX du Code civil «De la Société» et en particulier l’article 1833 du Code civil pour que les sociétés prennent «en considération les enjeux sociaux et environnementaux» de leur activité.
L’objectif est louable. Etait-il pour autant justifié de légiférer, surtout en modifiant le Code civil ? Le gouvernement a-t-il bien pris en considération les conséquences de ces modifications qui vont s’imposer à toutes les sociétés de la petite boulangerie constituée sous forme de SARL, à la grande société multinationale constituée sous forme de SA et cotée en bourse auquel semblait pourtant essentiellement s’intéresser le rapport Notat Sénard ?
1. Les incohérences du projet : il ne faut pas modifier le Code civil
Personne ne conteste l’importance des enjeux «sociaux et environnementaux» évoqués par le rapport Notat/Sénard. Les auteurs semblaient essentiellement s’intéresser aux grandes sociétés cotées pour qu’elles soient des sentinelles de l’effort de la France en matière de développement durable, appelant ainsi des normes particulières. Pourquoi dès lors modifier le Code civil ?
Il y a là déjà une incohérence qui sans doute n’a pas été suffisamment soulignée. S’agissant des sociétés cotées il est légitime de regretter le court-termisme dicté par les marchés financiers. Ce n’est pas en modifiant le Code civil que cette situation évoluera. Sans doute aurait-on été...