Pour assurer la défense de leurs intérêts communs, le regroupement des obligataires d’une même émission est une pratique ancienne en droit français. A la fin du XIX siècle et au début du XX siècle, en souscrivant à des obligations, les porteurs pouvaient adhérer à une association ou une société civile chargée de les représenter. Un décret-loi du 30 octobre 1935 relatif à la protection des obligataires avait consacré le regroupement des porteurs d’obligations en une masse qui jouit de la personnalité civile pour la défense de leurs intérêts communs. Ce régime de la masse avait été repris dans la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, puis dans le Code de commerce, avant de bénéficier d’une salutaire modernisation en 2017.
Masse légale, masse allégée et représentation contractuelle. Pour les obligations ayant une valeur nominale inférieure à 100 000 € (un seuil qui correspond à celui qui distingue les offres destinées aux investisseurs de détail des offres destinées au marché de gros dans le règlement Prospectus), le régime est fixé dans le Code de commerce (articles L. 228-46 et s.). Pour les obligations dont la valeur nominale est au moins égale à 100 000 €, le principe est depuis 2017 celui de la liberté contractuelle (article L. 213-6-3 du Code monétaire et financier) : l’émetteur et les souscripteurs des obligations peuvent choisir dans le contrat d’émission l’une des trois options suivantes : (i) utiliser le régime de la masse du Code de commerce (on parle de « masse légale » ou de « masse complète »), (ii) utiliser le régime de la masse du Code de commerce mais en y apportant des assouplissements et ajustements librement négociés (on parle de « masse allégée » ou de « masse contractuelle »), par exemple pour les règles de quorum et de majorité et les pouvoirs de la masse, ou (iii) écarter totalement le régime de la masse pour stipuler dans les modalités des obligations un mécanisme de représentation des obligataires purement contractuel.
Représentant de la masse et décisions collectives. La masse des obligataires agit en partie par l’intermédiaire d’un représentant de la masse, qui a le pouvoir d’accomplir au nom de la masse tous les actes de gestion pour la défense des intérêts communs...