L’article 2 § 2 du règlement « concentrations » 139/2004 énonce, à titre de principe, que « les concentrations qui n’entraveraient pas de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées compatibles avec le marché commun ». De façon symétrique, l’article 2 § 3 prévoit l’incompatibilité des concentrations qui, à l’inverse, occasionneraient une telle entrave.
1. La nécessité d’une entrave concurrentielle significative
Une opération de concentration de dimension européenne, soumise à ce titre au contrôle de la Commission européenne, ne peut donc être interdite sans que cette dernière ait démontré, au terme d’une analyse économique prospective circonstanciée, que sa réalisation entraverait significativement la concurrence effective.
En 2016, la Commission avait décidé d’interdire sur le fondement du règlement concentrations le projet de rachat de Telefónica Europe par CK Telecoms UK. Cette décision avait été annulée en 2020 par le tribunal de l’Union européenne qui estimait notamment que l’existence d’entraves n’était pas suffisamment démontrée.
Le TUE avait en effet considéré que, pour interdire une opération, la Commission devait démontrer avec une « probabilité sérieuse l’existence d’entraves significatives » à la suite de la concentration. Selon lui, « l’exigence de preuve applicable en matière d’interdiction devait être plus stricte que celle en vertu de laquelle une entrave significative à une concurrence effective serait plus probable qu’improbable ». En d’autres termes, la démonstration requise pour interdire l’opération serait plus stricte que lorsqu’il s’agit d’autoriser celle-ci.
2. La suffisance d’une entrave « plus probable qu’improbable »
La Cour de justice de l’Union européenne a annulé cet arrêt, estimant que le TUE avait ainsi appliqué « une exigence de preuve ne découlant pas du règlement sur les concentrations », telle qu’elle l’interprète et qu’il avait donc commis une erreur de droit justifiant qu’il statue à nouveau sur la légalité de l’interdiction (CJUE 13 juillet 2023, aff. C-376/20).