Si la loi Pacte avait pour ambition de favoriser le marché des offres publiques en assouplissant les conditions du retrait de la cote, son application pratique semble l’en éloigner, se heurtant directement à l’opportunisme de minoritaires activistes.
Par Laurence Vincent, of counsel, Herbert Smith Freehills
Longtemps attendu et tout juste entré en vigueur, le nouveau seuil d’application du retrait obligatoire1 (communément appelé squeeze-out) a passé son premier test pratique avec l’offre publique déposée en juin dernier sur le grossiste et assureur lyonnais April. Pour cette opération classique de «P-to-P» (public to private), l’initiateur, contrôlé par le fonds de private equity CVC Capital Partners, entendait bénéficier de l’assouplissement des règles de sortie de cote prévu par la loi «Pacte» du 22 mai 20192.
Force est de constater que l’abaissement de 95 % à 90 % du seuil de détention nécessaire à l’exercice du retrait obligatoire3 n’a pas suffi à permettre au fonds majoritaire d’engager une sortie de la cote. Avec près de 89 % du capital à l’issue de l’offre, le fonds s’est vu bloquer de peu la sortie de cote par un minoritaire, également courtier en assurance, décidé à surenchérir de 10 centimes par action sur l’offre du fonds majoritaire.
Spécificité française, le seuil de 95 % apparaissait, en pratique, comme restreignant les possibilités de sortie de cote en favorisant les comportements activistes de blocage par certains actionnaires minoritaires qui, par le biais d’acquisitions opportunistes pouvaient, avec seulement 5 %, faire obstacle à l’exercice du retrait obligatoire et monnayer une prime de sortie plus élevée4.
Retrait obligatoire de 2006 à 2019 : de la protection légitime des minoritaires à la montée en puissance de l’activisme
En 2006, lors de la transposition de la directive OPA5, la France a fait le choix de maintenir à 95 % le seuil ouvrant droit au retrait obligatoire. Si à...