Parions en ce début d’année 2025 que le désarroi dans lequel les contribuables ont été plongés, faute de trouver une loi de finances en prêt-à-porter sous le sapin, ne peut être consolé que par l’analyse de deux décisions du Conseil d’Etat mettant en jeu la notion d’abus de droit.
Car au pinacle des instruments fiscaux de lutte contre les comportements évasifs rayonne la procédure de répression de l’abus de droit qui, rappelons-le, permet à l’administration fiscale d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, certains actes, soit qu’ils aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales du contribuable1.
Se pourrait-il que ce rayonnement procédural conduise à l’aveuglement procédurier de certains services vérificateurs ?
Une première espèce du 29 novembre 20242, dont les faits rappellent les montages dits « coquillards », semble à tout le moins confirmer la brouille entre l’aubaine fiscale légitime et l’abus de droit répréhensible dans laquelle certains services vérificateurs s’enferment. En effet, le Conseil d’Etat, faisant droit au contribuable, refuse de qualifier d’abusive une opération ayant consisté à ce qu’un dirigeant-actionnaire cède les titres de sa société, ayant elle-même préalablement déjà cédé ses moyens d’exploitation, tout en bénéficiant de l’abattement substantiel prévu à l’article 150-0 D ter du Code général des impôts auquel les dirigeants partant à la retraite sont éligibles. L’administration fiscale, prenant ombrage, avait pourtant regardé ladite opération comme dissimulant, sous le couvert d’une plus-value de cession, un boni de liquidation de sa société – ce boni aurait bénéficié d’un régime fiscal nettement moins...