La présomption de solidarité passive en matière commerciale est une construction prétorienne ayant pour objet de protéger le créancier en accroissant la surface financière de ses débiteurs tenus solidairement.
Fréquemment appelée à en discuter, la Cour de cassation dans un arrêt du 24 janvier 20241, publié au bulletin, sans remettre en question sa position de principe, rappelle les contours de la présomption de solidarité passive en matière commerciale tout en en laissant entendre que cette présomption ne s’étend pas à la solidarité dite « active » des cessionnaires de droits sociaux dans le cadre de la mise en jeu d’une garantie de passif.
Elle censure ainsi un arrêt de la cour d’appel de Lyon2 ayant condamné solidairement les cédants à indemniser les deux acquéreurs « pris ensemble », à charge pour eux de se répartir le montant dû au prorata des parts sociales acquises.
En l’espèce, la société Sati et son dirigeant avaient acquis l’intégralité des titres de la société LNX par le biais de cinq actes de cession formellement distincts, mais au contenu néanmoins substantiellement identique :
– 99 % des droits sociaux avaient été cédés par les actionnaires de la société LNX (dont M.[R]) au bénéfice de la société Sati au moyen de quatre actes de cession distincts ;
– 1 % des droits sociaux avait été cédé par un des actionnaires de la société LNX (M. [R]) au bénéfice du dirigeant de la société Sati (M. [C]).
Postérieurement à la cession, les deux acquéreurs (la société Sati et M. [C]) mettaient en jeu la garantie de passif stipulée dans leur(s) contrat(s) respectif(s).
Dans l’arrêt attaqué, la cour d’appel de Lyon a fait usage d’une double présomption de solidarité en condamnant les cédants, au titre de la garantie stipulée dans chacun des contrats de cession, au paiement de la somme due, les cédants étant ainsi condamnés solidairement à indemniser les deux acquéreurs « pris ensemble », à charge pour ces derniers de se répartir cette somme au prorata de leurs parts sociales.
C’est dans ce contexte que la chambre commerciale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 24 janvier 2024, casse l’arrêt de la cour d’appel de Lyon au motif que la présomption de solidarité des débiteurs dont bénéficiait la société Sati ne devait pas s’étendre à M. [C], celui-ci n’ayant acquis ses parts sociales que d’un seul des débiteurs cédants :