Entretien avec Carl Grékou, économiste au CEPII.
Cet été, les BRICS ont évoqué la possibilité de créer une monnaie commune, afin de réduire leur dépendance au dollar. Cette annonce vous a-t-elle surpris ?
Carl Grékou, économiste au CEPII : Il était assez facile de miser sur une intensification de l’opposition monétaire de la Russie ou de la Chine. Cependant, que cela vienne de l’ensemble des BRICS était un peu plus surprenant, d’autant qu’ils ont réussi à intégrer de nouveaux membres. On peut penser que l’utilisation grandissante du dollar comme arme (avec par exemple le gel des avoirs de l’Afghanistan mais surtout de la Russie, l’extraterritorialité du droit américain) fait courir un nombre de risques à certains Etats, ce qui alimente la volonté d’une alternative dans le système monétaire international actuel. Le fait que les Etats-Unis aient le pouvoir de bloquer un pays, tant sur le plan financier que commercial, pour des raisons politiques, a envoyé un mauvais signal à de nombreux pays émergents qui se sont dit que cela pourrait aussi leur arriver.
Pourquoi les BRICS agissent-ils maintenant et pas avant ?
En réalité, la contestation de l’hégémonie du dollar n’est pas nouvelle et n’est pas uniquement portée par les BRICS. Déjà en 1964, Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des Finances, évoquait le « privilège exorbitant » des Etats-Unis ! Bien sûr, les derniers développements géopolitiques, avec la guerre en Ukraine et celle technologique, industrielle et commerciale que se livrent les Etats-Unis et la Chine, ont fait ressurgir ces contestations. Cependant, il faut avoir à l’esprit que les motivations sont différentes selon les pays. La Russie subit le gel de ses actifs en dollars, la Chine est dans une lutte de puissance avec...