Entretien avec Matthieu Deville Cavellin, associate Partner, Argon & Co. - « La finance sera durable ou ne sera pas. » La finance durable devient l’un des enjeux majeurs des entreprises, qu’elles soient non financières ou financières. Alors que certaines dispositions s’appliquent déjà et que d’autres, plus structurantes comme la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), entrent en application dans quelques semaines (1er janvier 2024), la grande majorité des sociétés n’y sont pas suffisamment préparées.
Quels sont les enjeux de la finance durable pour l’entreprise ?
Les enjeux sont d’abord réglementaires, avec notamment la CSRD et la taxonomie verte européenne qui deviennent de plus en plus exigeantes et sont en constante évolution ; ils se trouvent également au niveau des attentes croissantes des parties prenantes, investisseurs, clients ou consommateurs, devenant des « consomm-acteurs ». D’autre part, le volume des données à traiter et à communiquer devient conséquent, avec de potentiels impacts importants sur la fiabilité de celles-ci en fonction des processus de reporting mis en place. A court et moyen terme, pour certaines entreprises dès 2024 (publication en 2025), le même niveau d’exigence sera requis pour les reportings extra-financiers que pour les reportings financiers traditionnels.
Il convient donc d’anticiper et de s’y préparer. D’autant plus que les crises que nous traversons démontrent que les entreprises intégrant des pratiques durables dans leur modèle d’affaires sont plus résilientes et attractives. Pour cela, le directeur financier est sans aucun doute la clé de voûte de ces transformations, à condition, bien entendu, d’intégrer la performance extra-financière avec la performance financière dans les arbitrages.
Quel était l’objectif initial de l’évolution réglementaire ?
L’objectif initial était la prise en considération de l’impact de l’entreprise sur son environnement global afin de l’accompagner dans sa transformation et son évolution, ainsi que de créer un langage commun dans un but d’harmonisation et de comparabilité. Les concepts de reporting extra-financier et de matérialité ont alors commencé à être évoqués et discutés, jusqu’à déboucher en 2021 sur la notion de double matérialité, socle de la CSRD. Cette double matérialité se traduit par l’impact de l’entreprise sur son environnement additionné à l’impact de l’environnement sur l’entreprise (et donc de ses enjeux ESG) et sa performance financière. Egalement, la taxonomie verte européenne, élaborée par la TCFD (Task Force on Climate-Related Disclosures), oblige les entreprises concernées à communiquer la part de leur chiffre d’affaires, de leur CAPEX et de leur OPEX considérée comme durable, depuis 2022. Le reporting CSRD sera incrémenté de ces informations taxonomiques. L’aspect stratégique de ces nouvelles réglementations est très important, car elles contribueront à faire évoluer l’ensemble de l’économie européenne.
Quels sont les facteurs clés de succès ?
La plupart des entreprises communiquent sur leurs objectifs de réduction de gaz à effet de serre (GES), souvent à horizon 2030, voire 2050. Mais peu précisent les scénarios concrets pour y arriver, tout comme l’intégration de ces objectifs dans la stratégie globale. De même, l’aspect environnemental est le plus souvent traité mais on constate un certain déficit concernant les données reportées sur les aspects sociaux et sociétaux, notions clés également pour définir ce qui est durable ou non. Les nouvelles réglementations l’exigeront.
La mise en œuvre des nouvelles dispositions réglementaires est très exigeante, lourde et complexe. Elle nécessite l’implication de l’ensemble des acteurs au sein de l’entreprise, des opérationnels, des directions informatiques, financières et RSE, du management ainsi qu’un réel décloisonnement des équipes. De même, la construction d’une gouvernance appropriée est déterminante afin de former, cibler les priorités, transformer ou construire les processus dans un but d’homogénéisation et de récurrence, sélectionner les outils nécessaires afin d’automatiser et fiabiliser les données, ainsi que définir et mettre en œuvre les plans d’action.
Comment Argon & Co accompagne-t-il les entreprises dans cette transition ?
Argon & Co, cabinet de conseil spécialisé dans la stratégie, la transformation des opérations et dans la finance durable, accompagne ses clients dans leur transition. Nous aidons les directions financières et de la RSE à appréhender les enjeux de la finance durable. Nous réalisons un diagnostic flash de la maturité de l’entreprise sur l’ensemble des sujets de finance durable dans le but de définir ses priorités et sa feuille de route. Dans une optique de comparabilité des éléments communiqués dans le reporting extra-financier, Argon & Co apportera le benchmarking sectoriel pertinent grâce à son outil unique Sustainability Benchmarking. Au-delà de son expertise en finance durable, Argon & Co combine expertise sectorielle et expertise des opérations pour accompagner ses clients dans leur transformation vers des modèles d’affaires durables.
1-Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, mars 2021.
