Après avoir bénéficié pendant plusieurs années d’une abondance de financements, l’univers de la Tech doit faire face depuis plusieurs mois à un ralentissement des levées de fonds. Confrontées à la prudence des investisseurs, les start-up doivent à présent s’adapter en modifiant leur modèle de développement, et en retrouvant surtout les réflexes de base d’une saine gestion financière.
« Il y a deux ans, lorsque j’avais un trou de trésorerie de 200 000 euros, j’allais voir mes investisseurs et ils me donnaient ce dont j’avais besoin, sans demander aucune contrepartie ou garantie financière, se souvient Daniel Dos Santos, P-DG de la start-up Treesition, spécialisée dans l’éco-investissement. Cette époque est révolue. Désormais, il faut présenter une analyse complète du business model avec des indicateurs financiers, le chiffre d’affaires, le niveau de risque, et on n’est même pas sûr d’obtenir le financement. »
Le BtoC en difficulté
- Si, globalement, les start-up françaises s’en sortent plutôt bien dans cette situation difficile, tel n’est pas le cas de celles qui ont fait le choix du BtoC. « Ces entreprises qui visent les consommateurs individuels sont en grande difficulté, car elles ont des coûts d’acquisition client très élevés et doivent financer de grandes campagnes marketing, alors qu’elles n’ont plus les moyens de le faire aujourd’hui, explique Claude Calmon. Pour les start-up qui se lancent, il vaut mieux privilégier le BtoB, qui rassure les investisseurs, et lever des fonds uniquement pour atteindre la rentabilité. »
- Parmi les entreprises qui souffrent le plus, les néobanques enregistrent une véritable hécatombe depuis quelques mois, avec la disparition des françaises Vybe, Xaalys ou encore Prismea. Le Crédit Mutuel Arkéa a également fermé Aumax et Pumpkin fin 2022. De son côté, le groupe BPCE n’a pas eu plus de succès avec la banque en ligne allemande Fidor Bank AG, rachetée à prix d’or en 2016 (150 millions d’euros). Faute d’avoir réussi à lancer l’activité en France et après un projet de revente avorté auprès du fonds Ripplewood Advisors L.L.C, le groupe s’est résolu à fermer définitivement la société en début d’année.
- Malgré tout, certaines entreprises devant procéder à un premier tour de table parviennent tout de même à lever des fonds sans avoir encore de produit sur le marché, à condition d’avoir développé un business plan très abouti. C’est notamment le cas de la plateforme d’investissement dans des produits de luxe Diversified, qui a bouclé son premier tour de table sans être encore opérante. « Nous avons levé 500 000 euros en décembre dernier, indique Vincent Bourdel, cofondateur et CEO. Pour convaincre les investisseurs, j’ai bâti plusieurs scénarios avec différentes hypothèses, mais qui devraient toutes nous permettre d’atteindre le point d’équilibre en deux ans. Il y a quelques années, il aurait probablement été possible de les convaincre avec un break even point à cinq ans. »
La fin d’un cycle
Cette période faste – et pas si lointaine – pour les start-up a pris fin au début du deuxième semestre 2022. En 2021, plus de 11,6 milliards avaient encore été levés par les start-up françaises sans aucun problème. L’année 2022 avait également commencé très fort, avec plus de 8,4 milliards d’euros levés au premier semestre. Mais depuis, la tendance s’est retournée. La reprise de l’inflation et la hausse des taux ont en effet incité les investisseurs à plus de prudence. « Seulement » 5,1 milliards d’euros ont été levés au second semestre, selon le baromètre EY du capital-risque en France, soit une chute de près de 40 % d’un semestre à l’autre. Et 2023 ne s’annonce pas mieux : les montants levés en France en ce début d’année ont chuté de 57 % au premier trimestre, tandis que le ticket moyen est passé de 21 millions à 8 millions d’euros.
Dans ce contexte, beaucoup d’entreprises ont plus de mal à trouver des financements, les investisseurs se focalisant...