De nombreuses entreprises européennes cotées et non cotées affichent aujourd’hui une valorisation historiquement élevée. Pour la plupart des acquéreurs, l’envolée des prix se justifierait par la bonne santé des cibles et la forte concurrence entre acheteurs. Mais alors que les leviers d’endettement tendent également à augmenter, certains spécialistes en M&A et LBO jugent la dynamique actuelle intenable, notamment en cas de remontée marquée des taux d’intérêt.
C’est la question que se posent tous les acquéreurs européens, tant industriels que financiers : quand s’arrêtera l’inflation des valorisations des entreprises ?
La flambée actuelle des prix laisse, il faut dire, à tout le moins songeur. A la fin du troisième trimestre 2017, ceux des PME non cotées ont en effet touché un nouveau sommet en Europe. En septembre, le ratio moyen valeur d’entreprise sur Ebitda est monté à 9,5, selon le dernier indice publié par Argos-Soditic et Epsilon Research, dépassant ainsi le précédent record atteint momentanément il y a un an (9,2) et le pic d’avant-crise (9,1 fois mi-2006). Signe de cet emballement : KKR vient par exemple de se désengager de l’éditeur norvégien de logiciels Visma pour un montant valorisant ce dernier 18 fois son Ebidta ! De quoi alimenter les préoccupations de certains investisseurs. «Depuis plusieurs mois, nous nous demandons sans cesse si nous ne sommes pas en présence d’une bulle», confie Alexandre Azoulay, fondateur et gérant du fonds venture franco-américain SGH Capital.
De tels doutes ne se limitent pas au segment du non-coté. Alors que de nombreux groupes voient aujourd’hui leur cours se traiter à son plafond historique, les multiples de valorisation s’inscrivent à des niveaux élevés. «Le ratio cours boursier sur bénéfices (PER) des sociétés de la zone euro pour leurs revenus attendus lors des douze prochains mois s’établit actuellement à 14,8, contre une moyenne historique à 14,1,constate Roland Kaloyan, responsable de la stratégie actions européennes chez Société Générale CIB.Si ce seuil reste très inférieur à celui en vigueur au moment de l’éclatement de la bulle Internet (autour de 26), il dépasse en revanche celui enregistré en 2006, avant le début de la crise, quand le PER moyen avoisinait 13.»