Pour la première fois de son histoire, l’Agence France Trésor a suspendu le statut d’un de ses spécialistes en valeurs du Trésor, Morgan Stanley. La banque américaine est accusée notamment d’avoir manipulé le cours de plusieurs obligations souveraines. Soucieux d’envoyer un message de fermeté, l’Etat français conditionne la levée de cette sanction à la mise en place de mesures de remédiation de la part de l’établissement, destinées à éviter toute nouvelle infraction à la charte des SVT.
Au cœur d’un été caniculaire, l’annonce a jeté un froid parmi les spécialistes des finances publiques. Le 3 août dernier, l’Agence France Trésor, qui gère la dette et la trésorerie de l’Etat français, informait par voie de communiqué de la suspension temporaire du statut d’un de ses spécialistes en valeurs du Trésor (SVT, ou «primary dealers»). Pendant une durée minimale de trois mois, la banque américaine Morgan Stanley ne fera plus partie de ce club prestigieux des contreparties qui sont chargées de la conseiller et de l’assister sur sa politique d’émission et de gestion de la dette souveraine. La mesure est pour le moins exceptionnelle : depuis l’instauration d’un système de SVT dans l’Hexagone, en janvier 1987, aucun d’entre eux n’avait jamais fait l’objet d’une telle sanction ! De mémoire d’experts, au niveau mondial, seule l’administration japonaise a pris une disposition comparable à celle de l’AFT – ce à deux reprises, d’abord en 2018, puis en 2019.
Une chute de la liquidité offerte
Les faits reprochés à Morgan Stanley sont, il est vrai, particulièrement graves puisque l’établissement est notamment accusé d’«exécution de transactions ayant eu pour effet de porter gravement atteinte à la liquidité du marché des obligations souveraines françaises». Cette infraction avait été établie quelques mois plus tôt par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Le 4 décembre dernier, sa commission des sanctions avait en effet condamné la banque américaine à verser une amende de 20 millions d’euros pour des...