(AOF) - "L'immobilier de bureau est entré dans une nouvelle ère". C’est ce qu’affirme Mathieu Lalou, co-fondateur de l’agence immobilière parisienne Spliit, spécialiste de ce segment, dans un entretien accordé à AOF sur les derniers chiffres et tendances du marché de l'immobilier d'entreprise. Pour lui, les entreprises sont engagées dans une "course à la qualité" au détriment de volumes qui s’affichent en net recul.
Quelle est la conjoncture actuelle dans l'immobilier de bureau ?
L'immobilier de bureau est entré dans une nouvelle ère : le secteur répond désormais à une nouvelle norme. Les volumes de mètres carrés placés se sont considérablement réduits, principalement depuis le rebond de 2022. L'année 2023 et la tendance de 2024 sont à peu près identiques à cet égard.
Sur ces marchés on est clairement en dessous de la moyenne décennale. Typiquement l'an dernier, le marché de l'Ile-de-France représentait 1 950 000 mètres carrés placés, en locatif bureau, quand sur la moyenne des 10 dernières années, on était plutôt autour de 2,2 millions. C'est une baisse significative qui correspond certainement au marché de demain.
Les entreprises bougent et continuent de déménager, mais elles déménagent surtout pour optimiser leurs surfaces. Cela se voit dans les chiffres, et nous le constatons au quotidien dans les intentions des sociétés. Il s'agit pour elles non seulement de trouver un peu moins grand, mais très souvent de trouver un bureau mieux placé.
Est-ce ce qu'on appelle la course à la qualité ?
C'est exactement ça, c'est la course à la qualité, à la centralité et à l'attractivité. Il s'agit notamment de compenser les moments de télétravail. Pour favoriser son image ou optimiser le côté opérationnel, les entreprises mettent tout en place pour réunir les collaborateurs dans un environnement et dans un cadre qui les stimule.
Quelles sont les perspectives des sociétés du secteur à partir d'aujourd'hui ?
On est vraiment sur une tendance de fond qui pousse les acteurs à consommer moins de mètres carrés mais mieux de mètres carrés. Les centres-villes sortent gagnants de cette dynamique, car toutes les entreprises cherchent à être bien placées, dans des quartiers accessibles, attractifs et agréables. Sans surprise les marchés de première ou de deuxième couronne, à Paris comme en région, sont un peu délaissés.
Et est-ce que les foncières spécialisées en profitent ?
Les foncières s'adaptent en fonction de leurs actifs, et tous les actifs ne sont pas idéalement situés. Ce que l'on peut voir c'est une tendance forte des foncières à revaloriser l'ensemble de leur patrimoine. Cela passe principalement par des travaux de rénovation, et encore plus par des restructurations. Il s'agit de commercialiser des actifs de service, et non plus de bureaux. On voit cette tendance partout avec des immeubles qui sont aujourd'hui devenus des “hôtels d'entreprise”.
C'est encore plus visible en périphérie, où l'objectif est d'attirer des sociétés qui n'ont pas forcément vocation à aller sur ces secteurs. On est aujourd'hui capable de proposer un immeuble clé en main, dans lequel les locataires vont pouvoir retrouver beaucoup de services et de confort pour leurs collaborateurs. La tendance principale est celle du service mais aussi de la flexibilité.
Un exemple ?
Je pense à une société comme Gecina qui a adapté son offre de service sur les petites surfaces - soit tous les lots de moins de 1000m² - et qui proposent ces lots en commercialisation selon deux formats. Dans le format classique, il y a une surface disponible, proposée en bail commercial de 3 ans, 6 ans ou 9 ans, et Gecina facture au locataire le loyer plus les charges et la fiscalité et le locataire garde la gestion de ses locaux : aménagement, maintenance, entretien.
Le deuxième format, qui est un format nouvelle génération, consiste à dire "cette surface vous intéresse, nous faisons les travaux pour vous, nous souscrivons aux différents contrats électricité, internet, nous gérons la maintenance, l'entretien. Vous rentrez dans les locaux et vous n'avez rien à faire, vous ne payez qu'une seule facture, et vous êtes libre de donner congé tous les 12 mois ". Gecina s'adapte avec cette proposition de valeur aux attentes des utilisateurs, et nous allons voir cette évolution se généraliser chez d'autres acteurs.
Quelle autre tendance se fait jour ?
Sur la partie plus structurelle des immeubles, la tendance est aussi à "l'immeuble hybride". Il y a bien entendu un socle consacré aux bureaux mais aussi un socle de services, de plus en plus variés : une offre de restauration, à destination des locataires mais aussi des visiteurs, du logement, une piscine, un rooftop accessible…
Votre agence Spliit a aujourd'hui cinq ans d'existence…
Exact. Nous sommes une agence spécialisée en immobilier de bureaux, principalement basés à Paris, avec une antenne à Nantes. Notre mission est d'accompagner des entreprises dans leur recherche de bureaux. On accompagne surtout les start-up et PME de 20 à 500 collaborateurs, et également des propriétaires du privé à la foncière cotée, pour commercialiser leurs actifs.
Propos recueillis par Matthieu Richard-Molard