La loi n°2022-1158 du 16 août 2022 pour la protection du pouvoir d’achat1 comprend trois volets principaux : la protection du niveau de vie des ménages, la protection des consommateurs et la souveraineté énergétique.
Une des mesures importantes du volet relatif à la protection du niveau de vie des Français est le « bouclier » concernant l’augmentation de l’indice des loyers commerciaux (indice ILC). Ce dispositif est instauré par l’article 14 de la loi.
A titre préliminaire, il convient de rappeler que l’indice ILC a déjà connu une modification importante cette année. L’indice ILC était en effet historiquement calculé à partir de trois composantes :
– l’indice des prix à la consommation, à hauteur de 50 % ;
– l’indice des coûts de construction, à hauteur de 25 % ; et
– l’indice du chiffre d’affaires dans le commerce de détail à hauteur de 25 %.
Or, l’intégration dans le calcul de l’ICAV du e-commerce, en plein essor particulièrement depuis la crise du Covid-19, favorisait manifestement les variations à la hausse de l’ILC.
Un décret en date du 14 mars 20222 a donc supprimé le « chiffre d’affaires du commerce de détail » de la composition de l’ILC. Le calcul de l’ILC n’intègre désormais plus que l’indice des prix à la consommation, à hauteur de 75 %, et l’indice du coût à la construction à hauteur de 25 %.
Toutefois, cette mesure s’est révélée insuffisante pour protéger les locataires des variations de loyers compte tenu du contexte inflationniste. L’étude d’impact de la loi du 16 août 2022 souligne le fait que cette loi s’inscrit dans un contexte macroéconomique de la hausse des prix à la consommation. En juillet 2022, selon l’INSEE, la hausse de l’inflation a atteint en France 6,1 % sur un an, un niveau inconnu depuis 1985.
C’est dans ce contexte que le législateur a introduit un dispositif de limitation de la variation de l’indice ILC.
Un champ d’application du « bouclier » restreint
Le champ d’application du dispositif est restreint dans ses aspects temporel et matériel. Il ne s’applique que pour les indexations réalisées sur la base des indices du 2e trimestre 2022 au 1er trimestre 2023.
Il est par ailleurs réservé uniquement aux PME :
– employant moins de 250 salariés ; ou
– dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros.
Les indices ILAT et ICC sont de fait exclus du dispositif. L’actualisation des loyers que l’on rencontre fréquemment dans les baux en l’état futur d’achèvement n’est à l’évidence pas affectée par ce nouveau dispositif.
Le plafonnement prévu sera définitivement acquis pour l’avenir. L’article 14 prévoit ainsi expressément que les indexations postérieures ne pourront pas prendre en compte la part de variation de l’ILC supérieure à 3,5 % sur cette période. Les indexations à venir devront donc être réalisées en prenant pour base de calcul le loyer résultant du plafonnement.
Une incertitude sur la sanction en cas de non-respect du « bouclier »
Une incertitude importante demeure autour de ce dispositif d’urgence. En effet, le législateur n’a pas prévu de sanction en cas de non-respect du plafonnement. A l’heure actuelle, il est à notre avis impossible d’affirmer que l’article 14 de la loi du 16 août 2022 serait d’ordre public en l’absence d’indication expresse sur ce point dans le texte de la loi.
Il appartiendra donc aux tribunaux de se prononcer sur le caractère d’ordre public ou non du texte.
La prudence invite toutefois les bailleurs à ne pas prévoir de stipulation contraire à l’article 14 de la loi du 16 août 2022. Le risque étant à notre avis pour les bailleurs, de s‘exposer, même si elle n’est pas prévue par la lettre du texte, à une action du preneur en restitution des loyers trop-perçus, sous réserve du respect de la prescription de cinq ans (art. 2224 C. civ.).
1. Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
2.Décret n° 2022-357 du 14 mars 2022 modifiant le décret n° 2008-1139 du 4 novembre 2008 relatif à l’indice national trimestriel des loyers commerciaux