L’ensemble des actions relevant du statut des baux commerciaux est soumis au régime unique de la prescription biennale de l’article L. 145-60 du Code de commerce depuis la loi 2088-776 du 4 août 2008, dite LME.
Par Jean-Luc Tixier, avocat associé, spécialisé en droit immobilier et droit public. Il assiste tant en matière de conseil que de contentieux des entreprises commerciales et industrielles et intervient auprès des promoteurs en
matière de droit de l’urbanisme, de construction, de vente et location d’immeubles, de baux emphytéotiques et à construction. Il est chargé
d’enseignement à l’Université de Paris I. et Sandra Kabla,
avocat spécialisé en baux commerciaux, intervenant tant en conseil qu’en
contentieux. Elle est chargée d’enseignement à l’Université de Paris I.
Il en est ainsi notamment de l’action en fixation du loyer de renouvellement (Cass., 3e civ., 28 février 1979, n° 77-13 394), de l’action en révision triennale du loyer (Cass., 3e civ., 1er juin 1988, n° 86-14 659), de l’action en paiement des intérêts dus sur les loyers payés d’avance en application de l’article L. 145-40 du Code de commerce (CA Paris, 8 mars 1984, D 1984 IR, p 314) ou de l’action en nullité d’un congé avec refus de renouvellement (Cass, 3e civ., 15 nov. 2005, n° 04-16 591).
Toutefois, la loi 2014-626 du 18 juin 2014 (loi Pinel) a modifié la sanction applicable à une clause d’un bail commercial qui méconnaîtrait les dispositions impératives du statut des baux commerciaux.
Alors que la sanction d’une telle clause consistait jusqu’alors en sa nullité, les articles L. 145-15 et L. 145-16 modifiés du Code de commerce prévoient désormais que les clauses violant ces dispositions sont réputées non écrites1.
Cette modification entraîne des conséquences importantes sur le plan procédural. En effet, avant la loi du 18 juin 2014, l’action en nullité des clauses contraires aux dispositions d’ordre public était soumise au délai de prescription biennale de l’article L. 145-60 du Code de commerce, spécifique au statut des baux commerciaux.
Notons toutefois que, conformément aux règles de procédure civile, le défendeur à une action était en droit d’opposer, de façon perpétuelle la nullité de la clause contraire aux dispositions d’ordre public, mais uniquement comme exception en défense (Cass., civ. 3e, 2 juin 1999, n° 97-19 324).
Depuis la loi Pinel, toute clause illicite «est réputée non écrite».
La clause réputée non écrite est censée n’avoir jamais existé. En conséquence, aucun délai de prescription ne lui est applicable à la différence de la clause nulle.
Désormais, toutes les actions tendant à l’anéantissement d’une clause à raison de la violation d’une disposition d’ordre public du statut des baux commerciaux échappent à toute prescription. Cela permettra à l’une ou l’autre des parties, à tout moment, au cours du bail initial ou de ses renouvellements d’invoquer l’irrégularité de la clause et de la priver d’effet. Une telle situation est source d’insécurité juridique.
Il en est de même de l’action tendant à faire réputer non écrite une clause d’indexation (insérée dans un bail commercial), sur le fondement de l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier. La cour d’appel de Paris a ainsi récemment jugé (CA Paris, 2 juillet 2014, n° 12/14759) qu’une telle action n’était enfermée dans aucun délai de prescription.
Par ailleurs, il n’est pas possible, même après la conclusion du contrat, de renoncer au «caractère non écrit» de la clause, celle-ci étant placée hors le champ contractuel. C’est là une différence essentielle avec la clause nulle qui peut faire l’objet d’une renonciation conventionnelle dès lors que celle-ci intervient une fois que le droit à invoquer la nullité est acquis et que la renonciation est sans équivoque.
Ainsi, la stratégie consistant à négocier avec son cocontractant la renonciation à une règle impérative ou à laisser s’écouler passivement le délai de prescription biennale sera désormais inefficace.
1 - Voir «Les clauses illégales des baux commerciaux statutaires sont désormais réputées non écrites», dans la Lettre de l’Immobilier du 1er décembre 2014.