La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Mars 2016

Information des salariés sur les opérations de cession : l’épilogue ?

Publié le 25 mars 2016 à 10h36    Mis à jour le 25 mars 2016 à 17h04

Pierre Bonneau

Le décret n° 2015-1811 du 23 décembre 2015 parachève l’édifice des textes relatifs à l’information des salariés en cas de vente de leur entreprise. Si des améliorations significatives ont été apportées au cadre législatif initial, certaines incertitudes subsistent quant aux modalités d’application de ce dispositif à l’efficacité pour le moins limitée.

Par Pierre Bonneau, avocat associé en droit social. Il est notamment le conseil de plusieurs établissements bancaires et financiers et intervient régulièrement sur des opérations de rapprochement ou de cession d’entreprises. pierre.bonneau@cms-bfl.com 

Rappel du dispositif

Partant du constat que bon nombre d’entreprises «saines» disparaissent chaque année faute de repreneur, la loi relative à l’économie sociale et solidaire n° 2014-856 du 31 juillet 2014, dite «loi Hamon» a créé deux dispositifs spécifiques :

– d’une part, une obligation triennale d’information des salariés sur les conditions d’une éventuelle cession de l’entreprise (dont le contenu vient d’être précisé par le décret n° 2016-2 du 4 janvier 2016) ;

– et, d’autre part, une obligation d’information des salariés en cas de cession de fonds de commerce ou de la majorité des parts au sein d’une société de moins de 250 salariés. La loi oblige ainsi l’employeur à informer préalablement ses salariés en cas de cession de l’entreprise afin que ceux-ci puissent, le cas échéant, présenter une offre de reprise. Cette obligation se décline différemment selon que l’entreprise est ou non dotée d’un comité d’entreprise.

Ce second dispositif était le plus éloigné de l’objectif du législateur car il vise à faciliter la reprise d’entreprises par les salariés pour lesquelles un repreneur est d’ores et déjà identifié.

Pour autant, c’est celui qui a concentré les principales critiques en raison de son champ d’application très large, de sa faible sécurité juridique et de la sévérité de sa sanction, soit la nullité de la cession.

La loi Macron n° 2015-990 du 6 août 2015 a permis la prise en compte d’une partie de ces critiques en rectifiant certains aspects du dispositif, lequel est désormais effectif au 1er janvier 2016 suite à la publication de son décret d’application le 23 décembre 2015.

Les principaux changements effectifs au 1er janvier 2016

Le décret n° 2015-1811 du 28 décembre 2015 se limite pour l’essentiel à confirmer les principales modifications apportées par la loi Macron au dispositif initial :

– première modification conséquente, le texte circonscrit le champ d’application de l’obligation d’information en la limitant à la seule vente du fonds de commerce ou de plus de 50 % des parts d’une société, excluant de fait la plupart des opérations intragroupes qui sont moins fréquemment réalisées sous cette forme ;

– second apport du texte, il prend en compte l’obligation d’information triennale en exonérant l’employeur de toute obligation lorsque les salariés ont déjà été avisés de la vente dans les douze mois précédant celle-ci ;

– troisième nouveauté, la sécurisation des modalités d’information avec la fixation de la date de première présentation de la lettre recommandée adressée au salarié comme date de l’information qui lui est remise (peu important donc que celui-ci n’aille pas effectivement chercher ce courrier) ;

– enfin, la nullité de la cession est remplacée par une amende civile d’un montant équivalent à 2 % du montant de la vente.

Des incertitudes subsistent

Nonobstant les précisions ainsi apportées par ces différents textes, diverses interrogations subsistent. Il en va tout d’abord ainsi de la nature exacte de l’information devant être délivrée aux salariés et de la portée de l’obligation de confidentialité pouvant être mise à leur charge. Dans le même sens, quelle sera la latitude des juges pour fixer le montant de l’amende civile lorsque plusieurs salariés saisiront des juridictions différentes ? Il appartiendra donc, le cas échéant, à la jurisprudence d’apporter des éléments de réponse qui, espérons-le, ne viendront pas compliquer plus encore le bon déroulement des opérations de cession.


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