La mise en conformité du dispositif de l’article 885-0 V bis du CGI avec l’encadrement communautaire des aides d’Etat1 conduit à augmenter sensiblement le plafond d’aide autorisé tout en recentrant les PME et les souscripteurs éligibles.
Par Lionel Bogey, avocat en fiscalité. Il intervient en matière de fiscalité des entreprises et groupes de sociétés, ainsi qu’en private equity s’agissant de la fiscalité des fonds et porteurs de parts. lionel.bogey@cms-bfl.com
Et Matias Labé, avocat en fiscalité. Il intervient tant en matière de fiscalité des entreprises, dans le cadre d’opérations transactionnelles, que de fiscalité du patrimoine. Il accompagne notamment des acteurs du private equity dans leurs structurations éligibles à l’ISF-PME. matias.labe@cms-bfl.com
L’un des apports les plus notables de la nouvelle réglementation communautaire2, dorénavant intégrée dans l’article 885-0 V bis du CGI, concerne le plafond d’aides dont une entreprise peut bénéficier. Ce plafond est dorénavant de 15 millions d’euros, apprécié sur la période d’existence de la société (l’ancienne réglementation prévoyait un plafond de 2,5 millions d’euros apprécié sur 12 mois glissants). Si ce plafond ouvre la voie à de nouvelles possibilités de souscriptions, il est assorti de nouvelles conditions qui conduisent, notamment, à restreindre le champ des sociétés et des souscripteurs éligibles.
Ainsi, en cas d’investissement direct au capital des PME (ou via une holding non animatrice) effectué depuis le 1er janvier 2016, la société cible doit satisfaire une condition d’ancienneté déconnectée des notions antérieures d’«amorçage, démarrage ou expansion» : à la date de l’«investissement initial3», la société cible doit avoir réalisé sa première vente commerciale4 depuis moins de sept ans. Bien que plus âgée, elle peut toutefois demeurer éligible si elle présente un besoin d’investissement qui est supérieur à 50 % de son chiffre d’affaires moyen des cinq dernières années, ce besoin devant être étayé par un plan d’entreprise établi en vue d’intégrer un nouveau marché géographique ou de produits.
Par ailleurs, concernant les souscripteurs, le nouveau dispositif conduit à exclure, par principe, les personnes déjà associées de la société cible. Une exception est toutefois prévue si la nouvelle souscription réalisée par l’associé déjà présent au capital constitue un «investissement de suivi5» qui respecte, de manière cumulative, les conditions suivantes :
– l’associé a bénéficié de la réduction ISF-PME lors de son premier investissement ;
– l’investissement de suivi est étayé par un plan d’entreprise6 ;
– et la société cible n’est pas devenue liée à une entreprise ne respectant pas la définition communautaire des PME.
S’agissant des investissements réalisés via des fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI) ou des fonds d’investissement de proximité (FIP) (constitués à compter du 1er janvier 2016), l’éligibilité au quota des fonds est recentrée sur les PME européennes (moins de 250 salariés) non cotées avec une limite d’âge (10 ans pour les FCPI et sept ans pour les FIP), à laquelle il peut être dérogé en cas d’investissement important. Corrélativement, le sous-quota de 20 % en sociétés de moins de huit ans est devenu sans objet pour les FIP et est abrogé. Sont aujourd’hui également éligibles les obligations remboursables en actions (ORA), les titres ayant fait l’objet d’un rachat (sous certaines conditions) ainsi que les titres acquis lors d’investissements de suivi dans des entreprises dont les titres figuraient déjà à l’actif éligible du fonds. Relevons, enfin, que les souscriptions opérées dans des fonds similaires aux FCPI ou FIP qui sont constitués dans l’UE ou l’EEE peuvent désormais ouvrir droit à la réduction ISF.
A l’issue de ce bref examen des plus notables modifications apportées au dispositif de réduction ISF-PME, on ne manquera pas de relever l’emploi, par le législateur, de concepts nouveaux directement puisés dans la réglementation européenne, sur lesquels les commentaires de l’Administration sont particulièrement attendus.
1. Issue de la loi de finances rectificative pour 2015.
2. Issue du règlement n° 651/2014 du 17 juin 2014.
3. Notion issue du règlement communautaire 651/2014, qui vise principalement l’investissement dans des actifs corporels et incorporels se rapportant à la création d’un établissement ou à l’extension des capacités d’un établissement existant.
4. Cette notion de «première vente commerciale» sera exprimée sous la forme d’un seuil de chiffre d’affaires prochainement précisé par décret.
5. Défini par le règlement 651/2014 comme «un investissement supplémentaire en faveur du financement des risques réalisé dans une entreprise après un ou plusieurs cycles d’investissement en faveur du financement des risques».
6. Compte tenu de la nouveauté de ce critère, il ne s’applique qu’aux sociétés dont le capital initial (qui a précédé l’investissement de suivi) a été souscrit postérieurement au 1er janvier 2016 .