La fiscalité de l’entrepreneur est, malheureusement comme souvent en matière de fiscalité française, caractérisée par la coexistence de nombreux régimes dérogatoires. En outre, ces différents dispositifs subissent fréquemment des modifications parfois substantielles qui rendent l’ensemble difficilement lisible. Le discours prononcé par le président de la République le 29 avril dernier à l’occasion de la clôture des Assises de l’entrepreneuriat, annonçant une nouvelle réforme du régime des plus-values, nous donne l’occasion de faire un point synthétique sur la question.
Par Romain Marsella, avocat spécialisé en fiscalité.
S’agissant de la phase d’investissement, deux mesures ont été instaurées afin de favoriser l’investissement dans les entreprises de croissance. Il s’agit soit d’une réduction d’impôt sur le revenu à hauteur de 18 % du montant des versements soit d’une réduction d’ISF correspondant à 50 % des versements. Par ailleurs, en vitesse de croisière, les titres reçus en contrepartie de la souscription au capital de la PME pourront, même s’ils ne répondent pas à la définition des biens professionnels, être exonérés d’ISF.
Restent enfin les dispositifs liés à la phase de sortie de l’entrepreneur, c’est-à-dire le traitement fiscal des cessions de titres. Depuis le 1er janvier 2013, le régime de droit commun consiste à soumettre les plus-values de cession au barème progressif après application d’un abattement pour durée de détention culminant à 40 % pour les titres dont la détention a atteint six ans (30 % en cas de détention comprise entre quatre et six ans, 20 % entre deux et quatre ans). Ce principe est assorti de nombreuses dérogations. S’agissant des entreprises de croissance, citons par exemple les régimes de cession par le créateur d’entreprise (dispositif «Pigeons»), de cession sous condition de réinvestissement ou encore de cession des titres de Jeunes entreprises innovantes (JEI).
Or, l’entrepreneur qui envisage une cession de ses titres en 2013 doit bien garder à l’esprit que bon nombre des dispositifs existant à ce jour risquent fort de n’être finalement pas applicables à sa plus-value de cession.
L’objectif étant de simplifier le dispositif d’ensemble, il est envisagé de remplacer désormais la multitude de dispositifs par uniquement deux régimes :
– d’une part, le régime de droit commun qui reposerait sur une imposition au barème mais avec des abattements dont le taux serait renforcé (un abattement de 50 % serait accordé à partir d’une durée de détention de deux ans, cet abattement étant porté à 65 % pour les titres détenus pendant au moins huit ans) ;
– d’autre part, un régime de faveur remplaçant tous les dispositifs dérogatoires actuels (y compris donc les dispositifs «Pigeon» et «JEI») qui reposerait lui aussi sur une imposition au barème mais avec des abattements dont les taux seraient encore plus élevés : de 50 % lorsque la détention est comprise entre un an et moins de quatre ans, de 65 % lorsqu’elle est comprise entre quatre ans et moins de huit ans et de 85 % à partir de huit ans.
Ces nouvelles dispositions sont appelées à prendre effet à l’égard des plus-values réalisées à compter du 1er janvier 2013, sous réserve de trois régimes d’exonération qui demeureraient applicables une dernière fois aux cessions réalisées en 2013 (il s’agirait des exonérations propres aux dirigeants qui partent à la retraite, à ceux qui cèdent les titres au sein du groupe familial et enfin, aux cédants de titres de JEI).
En résumé, un jeune créateur d’entreprise qui déciderait en 2013 de céder ses titres à un tiers n’aurait plus que trois dispositifs envisageables : le nouveau régime de droit commun, le nouveau régime de faveur et le régime d’exonération réservé aux cessions de parts de JEI (mais uniquement pour cette année). Néanmoins, cela suppose que la réforme envisagée soit adoptée en l’état, ce qui n’est pas encore certain. Si à l’avenir, le traitement fiscal des plus-values devrait probablement aller dans le sens d’une simplification, en revanche pour les cessions ayant vocation à intervenir en 2013, le régime reste à ce jour encore trop flou pour inciter à la prise de décision.