À l’heure où la compétitivité des entreprises françaises revient plus que jamais au centre des préoccupations du gouvernement, il pourrait être opportun de dresser le bilan de notre pays en termes d’attractivité fiscale par rapport à nos voisins européens. Le bilan pourrait à cet égard apparaître plus que mitigé. En effet, les vagues successives de changements législatifs intervenus au cours des trois dernières années ont entamé de manière non négligeable notre compétitivité fiscale.
Par Thierry Granier, avocat associé, spécialisé en fiscalité internationale et Johann Roc’h, avocat, spécialisé en fiscalité internationale.
Au rang de ces changements figure notamment la limitation de l’utilisation des déficits au-delà d’un million d’euros, avec un plafonnement fixé à ce jour à 50 %. Les plus-values n’ont pas non plus échappé à ces réformes : le taux effectif d’imposition des plus-values réalisées par une société holding du fait de la cession de titres de participations détenus depuis au moins deux ans, qui s’établissait à l’origine à 1,72 %, est à présent de 4,13 %. Cette augmentation est due au relèvement de la quote-part de frais et charges de 5 %, à 10 % puis 12 %. Dans ce florilège, les charges financières ont bien évidemment fait l’objet d’une attention toute particulière du législateur.
En témoigne l’institution de la nouvelle limitation de la déductibilité des charges financières supportées par les véhicules d’acquisition français qui ne seraient pas en mesure de démontrer qu’ils constituent un centre autonome de décision vis-à-vis des sociétés acquises (article 209-IX du Code général des impôts (CGI)). De même, a été créé le «rabot» qui vient limiter la déductibilité des charges financières nettes à 85 % (puis 75 % à compter de 2014). Nous pourrions au surplus évoquer, pêle-mêle, la contribution de 3 % sur les distributions de dividendes, l’aggravation du traitement fiscal des stock-options et actions gratuites, voire la future taxe (temporaire) de 75 % sur les hauts revenus, mais nous serions accusés de tirer sur l’ambulance.
Au vu de ce paysage fiscal, l’écart de compétitivité s’est clairement creusé entre la France et des pays comme le Luxembourg ou encore les Pays-Bas, qui réservent un bien meilleur accueil aux sociétés holding (exonération totale d’impôt sur les plus-values notamment). La France a toutefois conservé certains atouts majeurs, tout particulièrement en matière de fiscalité de la propriété industrielle. Le crédit d’impôt-recherche demeure ainsi l’un des régimes fiscaux incitatifs les plus avantageux au monde en matière de recherche et développement («R&D»).
Les entreprises ont d’ailleurs retrouvé tout l’intérêt de ce crédit d’impôt afin d’acquitter l’impôt sur les sociétés additionnel dû à raison de la limitation de l’utilisation des déficits. Par ailleurs, le régime fiscal applicable, sous certaines conditions, aux concessions ou à la cession de brevets ou d’inventions brevetables (article 39 terdecies du CGI) permet d’aboutir à une imposition des revenus nets au taux maximum de 16,2 %. De nombreux pays ont mis en place des régimes similaires, pour certains inspirés par le régime français, et affichent un taux facial d’imposition plus alléchant : 10 % au Royaume-Uni, 5 % aux Pays-Bas ou encore 6,8 % en Belgique. Ces taux ne tiennent toutefois pas compte du traitement fiscal des charges de R&D, d’amortissement et des charges financières.
Dans la plupart de ces pays, ces charges ne sont déduites qu’au taux réduit, alors même qu’en France ces charges demeurent déductibles au taux plein. En pratique, le taux effectif lié à ces régimes peut dès lors augmenter de manière sensible et dépasser allègrement le taux effectif offert par le système français. Dès lors, force est de constater que si la France n’est actuellement pas en mesure de rivaliser avec certains de ses voisins quant au traitement fiscal des holdings, elle continue malgré tout à offrir d’intéressantes perspectives en matière de R&D et de gestion d’actifs incorporels tels que les brevets.