La réforme du droit des obligations, attendue pour début 2016, vient rappeler d’une manière qui aurait pu être plus aboutie les exigences de bonne foi et de confidentialité devant présider à la conduite et à la rupture des négociations intervenant au cours de la période précontractuelle.
Par Arnaud Hugot, avocat associé en Corporate/Fusions & Aquisitions. Il assiste des industriels, des fonds d’investissement et des managers dans le cadre de tous types d’opérations de fusion-acquisition et de private equity, tant nationales qu’internationales. arnaud.hugot@cms-bfl.com et Thomas Hains, avocat en Corporate/Fusions & Aquisitions. Il assiste des industriels, des fonds d’investissement et des managers dans le cadre de tous types d’opérations de fusions & acquisition, de joint ventures et de private equity, tant nationales qu’internationales. thomas.hains@cms-bfl.com
Le projet d’ordonnance portant réforme du droit des obligations, dont la publication devrait intervenir en début d’année prochaine, rebat un certain nombre de cartes. Ce projet publié sur le site de la Chancellerie – dont le texte final pourra différer de la version actuelle – vient définir ou revisiter (parfois de manière spectaculaire, en supprimant la notion de cause) un certain nombre de règles qui gouverneront les relations entre les parties, depuis les phases préliminaires de pourparlers et d’avant-contrat (on pense ici notamment à la lettre d’intention, au pacte de préférence, à la promesse unilatérale de vente, ou encore au porte-fort) jusqu’à celles de conclusion, puis d’exécution du contrat.
S’agissant tout particulièrement de la phase des pourparlers, le projet d’ordonnance vient rappeler certains principes consacrés par la jurisprudence et codifier des règles retenues de longue date par les praticiens des affaires.
Le nouvel article 1111 du Code civil, dans la lignée d’une jurisprudence bien établie, rappelle que l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres, mais impose que ceux-ci satisfassent aux exigences de la bonne foi. Toutefois, l’article ne précise pas davantage ce que revêt la notion de bonne foi, dont la définition des contours restera du ressort de la jurisprudence. Le nouveau texte adoube ensuite la jurisprudence qui sanctionne la conduite ou la rupture fautive des négociations par l’obligation de réparer sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle. Enfin, il exclut le fait que les dommages et intérêts puissent avoir pour objet de compenser la perte des bénéfices attendus du contrat non conclu et se refuse ainsi à une indemnisation du gain manqué, sans toutefois faire expressément référence à la notion voisine de perte de chance, laissant ainsi le terrain libre à la jurisprudence sur ce point.
L’ordonnance vient également rappeler une règle fondamentale des pourparlers : la confidentialité des échanges. L’article 1112 précise en effet que celui qui utilise sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité extracontractuelle. L’ordonnance reste toutefois silencieuse sur de nombreux points : définition de ce qui constitue une information confidentielle, identité des destinataires autorisés lorsqu’une personne morale reçoit l’information, durée de l’obligation de confidentialité, divulgation autorisée de l’information confidentielle en cas de demande d’une autorité ou de contentieux judiciaire, organisation conventionnelle des sanctions en cas de manquement, etc. La confidentialité étant un sujet très sensible dans le monde des affaires, les praticiens ont, de très longue date, organisé dans les lettres d’intention et autres documents précontractuels des accords de confidentialité anticipant les différents sujets visés ci-dessus. Si le texte nouveau permettra au juge de sanctionner l’auteur d’un manquement en l’absence de toute clause spécifique, l’incertitude concernant les contours et la portée de cette obligation nouvelle ne dispensera pas les parties de continuer à en préciser conventionnellement le champ d’application.