La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Mars 2018

Vers une réforme du droit français des concentrations ?

Publié le 23 mars 2018 à 12h19    Mis à jour le 23 mars 2018 à 14h31

Denis Redon et Dr. Harald Kahlenberg

L’Autorité de la concurrence (ADLC) a lancé en octobre 2017 une vaste consultation publique relative à une possible modernisation du droit français des concentrations.

Par Denis Redon, avocat associé en droit de la concurrence. Il est notamment en charge

des questions relatives au droit des concentrations (notification d’opérations, analyse concurrentielle des dossiers, etc.) et au droit anti-trust. denis.redon@cms-fl.com

et Dr. Harald Kahlenberg, avocat associé de CMS Hasche Sigle (Allemagne) et responsable du groupe concurrence et droit européen de CMS. Il assiste et conseille les entreprises dans leurs opérations, tant au niveau national qu’européen et mondial, notamment en matière de concurrence, de procédures de contrôle des concentrations et des fusions, de structuration de joint-ventures, de coopération commerciale et de distribution. harald.kahlenberg@cms-hs.com

Scindée en trois parties, cette consultation avait pour vocation de recueillir l’avis des opérateurs économiques sur l’opportunité de l’instauration d’un nouveau seuil de contrôle des opérations, sur de nouvelles mesures de simplification des procédures, et enfin sur le rôle et le travail des mandataires.

Nous avons choisi ici de nous arrêter sur l’hypothèse d’un nouveau cas de contrôle des concentrations. La réflexion est présentée comme un point d’étape du droit français depuis notamment l’instauration d’un contrôle obligatoire sur la base de critères de seuls chiffres d’affaires par la loi sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 et au regard d’autres modèles existant dans d’autres pays. Sont ainsi abordés les régimes allemand, espagnol (comportant toujours un critère de parts de marché), anglais (contrôle ex post) et suédois (contrôle préalable mais pouvant devenir ex post en cas de préoccupations substantielles de concurrence). Si la consultation publique précise que plus de 96 % des opérations ont été autorisées sans engagement sur la période 2013-2016, la réflexion est en réalité principalement liée à quelques opérations, peu nombreuses mais considérées par l’ADLC comme pouvant poser des problèmes de concurrence et échappant au contrôle en raison des seuils actuels ; ce serait en particulier le cas dans certains secteurs innovants avec des chiffres d’affaires faibles mais pour lesquels les montants de transaction peuvent être élevés, comme celui de l’économie digitale.

Plusieurs voies d’évolution sont avancées, de façon non exhaustive, dans la consultation comme :

- le retour à un seuil en parts de marché, en dépit de son insécurité pour les entreprises car il implique des définitions précises et stables des marchés ;

- un système ajoutant une possibilité de contrôle ex post par l’ADLC, tout aussi incertain pour les entreprises ;

- voire même la référence à une jurisprudence européenne antérieure au contrôle européen des concentrations selon laquelle le renforcement d’une position dominante pourrait être un abus de position dominante, alors même que depuis des textes ont été instaurés pour le contrôle des concentrations selon des seuils étudiés pour appréhender les opérations, en particulier celles significatives.

On relèvera surtout qu’il est proposé de s’inspirer du droit allemand ayant instauré en juin 2017 un nouveau seuil de contrôle des concentrations fondé notamment sur la valeur de la transaction. 

Ainsi, le droit allemand prévoit qu’une opération est notifiable dès lors que les parties ont un chiffre d’affaires mondial combiné de plus de 500 millions d’euros, qu’au moins une entreprise a un chiffre d’affaires en Allemagne supérieur à 25 millions d’euros et qu’au moins une autre a un chiffre d’affaires allemand excédant 5 millions d’euros. La dernière évolution entrée en vigueur en juin 2017 conduit à ajouter à cette règle un cas de notification obligatoire même si le critère de la deuxième entreprise ayant un chiffre d’affaires allemand supérieur à 5 millions d’euros n’est pas rempli, dès lors que la valeur de «la contrepartie de la transaction» dépasse 400 millions d’euros et que la cible acquise a une activité significative en Allemagne.

L’appréciation des notions de valeur de la contrepartie de la transaction et du caractère significatif de l’activité de la cible en Allemagne peut donner lieu à interprétations, sources d’une certaine insécurité pour les entreprises, même si des lignes directrices de l’Autorité allemande de la concurrence devraient apporter d’utiles précisions. 

Toutes les options d’évolution sont possibles pour le droit français, y compris le statut quo. Si toutefois ils devaient s’inspirer du droit allemand, espérons que les Pouvoirs publics français attendront de voir la pratique allemande concernant les opérations soumises à ce nouveau seuil compte tenu des questions d’interprétation évoquées précédemment.


La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Résultats de la 10e étude CMS sur les fusions-acquisitions en Europe

Jean-Robert Bousquet et Alexandra Rohmert

CMS a publié la dixième édition de son étude annuelle sur les fusions-acquisitions en Europe, qui analyse plus de 3 650 de ses transactions de M&A non cotées et dresse une comparaison entre les affaires menées par CMS en 2017 par rapport à celles de la période 2010-2016.

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