La dématérialisation des opérations économiques n’est pas un phénomène nouveau. Au Moyen-Age, plutôt que de déplacer physiquement des sacs d’écus sur des routes infestées de brigands, les commerçants et les banques avaient adopté le système de la lettre de change, qui permettait de transférer une feuille de papier représentant une somme d’argent et non, directement, l’argent en question sous sa forme physique. L’ère de l’électronique a étendu à l’infini les possibilités de dématérialisation des opérations, en même temps que la recherche et la mise en contact des parties à ces opérations est rendue beaucoup plus facile par la mise en ligne des offres et des demandes. Les opérations de fusions-acquisitions n’échappent pas à ce phénomène.
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La Lettre Fusions-Acquisitions et Private Equity - Mars 2022 • PDF • 2.64 Mo
Ce sont tout d’abord les différentes étapes de l’opération elle-même qui peuvent être dématérialisées. Cela fait longtemps que l’on évoque les data rooms virtuelles, et la formalisation des accords est considérablement simplifiée par les possibilités désormais bien encadrées de recourir à un processus de signature électronique. Il est même possible que dans un futur proche, des mécanismes de smart contract viendront renforcer l’exécution de l’opération et garantir que les engagements des différentes parties sont respectés. On peut ainsi imaginer que l’exercice d’un droit de préemption qui aurait été consenti au cessionnaire et qui porterait sur la participation conservée par le cédant sera assuré par ce type de dispositif.
Au-delà de l’opération elle-même, c’est aussi la société cible qui se trouve affectée par la dématérialisation, et ce, à plusieurs niveaux. C’est d’abord toute la sphère des relations de travail qui est concernée, que l’on parle de la dématérialisation imposée par la pandémie de Covid-19 ou de processus de réorganisation mis en œuvre de leur plein gré par les entreprises, dans un but d’économie et/ou d’accroissement de leur efficacité. Ce sont tant les actes relatifs à la relation juridique entre employeur et salarié qui sont affectés que l’exécution de la relation de travail elle-même. C’est ensuite la sphère de la vie sociétaire et des relations entre associés/actionnaires qui est concernée par la dématérialisation, et cela va de la tenue des assemblées aux opérations portant sur les droits sociaux.
Cette dématérialisation est sans doute inexorable, et elle est certainement porteuse de nombreux avantages. Pour autant, il faut veiller à ce que la simplification et l’accélération des opérations induites par la dématérialisation ne conduisent pas à une dégradation des conditions dans lesquelles se réalisent les opérations de fusions-acquisitions. La dématérialisation de l’entreprise permet de soumettre plus facilement cette dernière à certains contrôles, comme celui que mettent en œuvre les logiciels qui passent en revue un très grand nombre d’actes pour « flagger » les clauses atypiques ou dangereuses. Mais bien évidemment, il ne faut pas que les acteurs de l’opération abaissent leurs exigences de vigilance parce que tel ou tel aspect de l’opération se produit sans rencontre physique des personnes concernées et sans échange de documents papier.