Les opérations de financements syndiqués requièrent la participation, en plus du ou des emprunteurs, d’un nombre important d’intervenants et d’établissements de crédits. Or, chacun sait qu’il est souvent difficile de réunir, en un même lieu, l’ensemble des cocontractants en vue d’une signature manuscrite. A cette première difficulté, s’en ajoutent d’autres : on songe à la multitude des documents bancaires à signer (contrats de crédits, accords inter créanciers, sûretés diverses, etc.), qui augmentent la lourdeur du processus de conclusion et, corrélativement, les risques d’erreurs au moment de la formalisation des signatures et paraphes. Pour ces raisons, à l’image de ce qui est pratiqué dans les opérations de financement de dimension internationale (crédit documentaire par exemple), cela fait un certain temps déjà que les contrats de financement syndiqués sont conclus et finalisés sans qu’un réel closing physique se tienne.
Bien entendu, des alternatives existent. On songe à la pratique anglosaxonne très souple des « counterpart » (ce que la liberté de la preuve en matière commerciale n’interdit pas, sous certaines conditions), qui a pu favoriser la constitution de pools bancaires et l’implication de banques étrangères : il s’agit de s’adresser par mail les documents signés et paraphés à distance par chacun et, une fois l’opération finalisée, de « régulariser » le tout par une signature manuscrite. On pense surtout, aujourd’hui, ce que la crise covid a « démocratisé », à la signature électronique. Aussi, il n’est pas inutile de revenir brièvement sur les règles en la matière, notamment parce que son attrait en droit positif vient d’être renforcé.
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La Lettre Fusions-Acquisitions et Private Equity - Mars 2022 • PDF • 2.64 Mo
Equivalence entre l’écrit papier et l’écrit électronique sous conditions
Si l’article 1366 du Code civil consacre un principe d’équivalence entre l’écrit papier et l’écrit électronique, c’est sous certaines conditions : il faut que puisse être dûment identifiée la personne dont l’écrit émane ; il faut aussi que cet écrit soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. Or, le droit français, conformément au règlement européen eIDAS (Règl. UE 910/2014 du 23-7-2014), n’accorde pas la même fiabilité aux signatures électroniques et manuscrites. Plus exactement, si la signature électronique n’a pas à être « qualifiée » pour conférer à un écrit son caractère parfait et lui donner ainsi sa pleine valeur (ex. Cass. 1e civ. 6-4-2016, n° 15-10.732), seule cette dernière bénéficie de la présomption de fiabilité (C. civ. art. 1367, al. 2 ; D. 2017-1416, art. 1). Concrètement, à la différence d’une signature « simple » ou « avancée », la « qualifiée » dispense celui qui invoque un écrit électronique d’avoir à établir qu’il a fait « l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel [la signature électronique] s’attache » (C. civ. art. 1367, al. 2). En pratique, une signature avancée constitue toutefois le gage d’une certaine sécurité, outre que les prestataires les plus performants permettent à présent de recourir plus facilement à la signature qualifiée.
Possibilité de recourir à l’écrit électronique pour la conclusion de toute sûreté
La réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 emporte une évolution notable. Jusqu’à présent, le 2° de l’article 1175 du Code civil interdisait, par exception aux règles de l’article 1174 du même code, de recourir à l’écrit électronique pour « les actes sous signature privée relatifs à des sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale, sauf s’ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession ». L’ordonnance abroge ce 2°, de sorte que depuis le 1er janvier 2022, l’équivalence entre l’écrit papier et électronique se trouve renforcée. Pour le reste, les dispositions relatives à la conservation de l’écrit électronique demeurent inchangées (C. civ., art. 1176 et s. not.).