Depuis le 1er janvier 2016, les dividendes versés par des sociétés françaises entrant dans le champ de la Directive Mère-fille1 ne peuvent plus prétendre à l’exonération de retenue à la source prévue à l’article 119 ter du Code général des impôts CGI lorsqu’ils ont été « distribués dans le cadre d’un montage ou d’une série de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre d’objectif principal ou au titre d’un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité de ce même (1) [càd., de la Directive Mère-Fille], n’est pas authentique compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances pertinents » (2).
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La Lettre Fusions-Acquisitions et Private Equity - Mars 2022 • PDF • 2.64 Mo
La remise en cause de l’exonération de retenue à la source sur les dividendes versés à des holdings…
La modification de la clause anti-abus rappelée ci-avant était motivée par la volonté d’élargir le champ du mécanisme anti-abus applicable jusqu’alors, pour aller au-delà des problématiques liées à la seule artificialité. En effet, ce qui n’est pas « authentique » n’est pas nécessairement artificiel, de sorte que le premier vocable a une acception plus large que le second, en ce qu’il peut viser des situations où n’est pas en jeu un manque de substance mais où la forme juridique ne correspond pas à une réalité économique.
C’est la raison pour laquelle le terme « authentique » a été défini par l’article 119 ter comme répondant à « des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique » (3).
A cet égard, le législateur français a pu préciser que cette notion pourrait viser « le cas des montages impliquant une société holding n’ayant comme seule et unique activité que de détenir des actions » (4).
C’est précisément ce sujet que la cour administrative d’appel de Lyon a eu à examiner et qui a donné lieu à un arrêt du 13 janvier dernier (5).
… sauf si celles-ci présentent un certain degré de substance synonyme de motif économique
Dans cette affaire, la Cour a eu à connaître de personnes physiques résidentes de Suisse détenant une holding luxembourgeoise, laquelle détenait à son tour des sociétés françaises. A la suite d’une vérification d’une filiale française, l’administration fiscale a estimé que l’exonération de retenue à la source appliquée à raison d’une distribution de dividendes intervenue en 2016 devait être remise en cause en application du dispositif anti-abus rappelé ci-avant, en ce que l’implantation de la holding ne répondait à aucune raison économique, commerciale ou stratégique.
A la lumière des éléments produits par la requérante, la Cour écarte cet argument en retenant que la holding a été mise en place dans le but précis d’organiser juridiquement le groupe ainsi que de permettre le développement de ce dernier à l’international (tout comme au Luxembourg). La Cour relève au surplus que la holding exerce une activité de prestations de services à destination de ses filiales et qu’elle dispose à cette fin de personnel, de matériels et de locaux. Pour la Cour, l’existence d’un motif commercial valable reflétant une réalité économique était ainsi avérée au cas particulier.
Une « holding animatrice » qui n’aurait ainsi pas pour seule vocation la détention de participations devrait dès lors pouvoir échapper à la mesure anti-abus. Un éventuel pourvoi permettrait toutefois de clarifier cette situation, ce, d’autant que la Cour conclut en indiquant que « l’Administration n’apporte pas la preuve que la création de la société holding […] constituerait un montage artificiel […] », alors même qu’il n’était pas ici question d’artificialité.
Cet arrêt nous permet en tout état de cause d’espérer que des holdings disposant de peu de moyens hormis leurs organes de gestion puissent néanmoins bénéficier d’une position similaire pour autant qu’elles soient en mesure de démontrer les actions positives conduites pour leurs groupes, comme cela était le cas dans l’affaire jugée.
1. Directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011.
2. Article 119 ter, 3 al. 1 du CGI modifié par l’article 29 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 et transposant la modification de la Directive Mère/Fille apportée par l’article 1er de la Directive (UE) 2015/121 du 27 janvier 2015.
3. Article 119 ter, 3 al. 3 du CGI.
4. Rapport de l’Assemblée nationale n° 3347 du 14 décembre 2015, page 66.
5. CAA Lyon 13 janvier 2022 n° 19LY03610, SASU Finalgro.