Le crowdfunding signifie en français littéralement «le financement par la foule», ou financement participatif. Traditionnellement, le crowdfunding se divise en trois catégories : le don avec ou sans contrepartie, le prêt ou crowdlending et la prise de participation ou crowdequity.
Par Christophe Blondeau, avocat associé, spécialisé en droit des sociétés, couvrant l’ensemble des questions relatives aux opérations transactionnelles et Jérôme Sutour, avocat associé, responsable du département Services.
Le crowdfunding s’est développé exponentiellement ces dernières années et a vocation à devenir un vecteur majeur du financement dans les années à venir. Le Gouvernement français a souhaité créer un régime dérogatoire pour encourager le développement de cette pratique. L’ordonnance du 30 mai 2014 (l’«Ordonnance») relative au financement participatif et son décret d’application en date du 16 septembre 2014 (le «Décret») posent les premières pierres du cadre réglementaire du crowfunding en France.
Les plateformes habilitées à faire du crowdlending
Le Code monétaire et financier reconnaît désormais une nouvelle exception au monopole bancaire, permettant à des particuliers de consentir des prêts rémunérés à d’autres personnes physiques ou morales. Le plafond de prêt a été fixé à 1 000 euros et à 4 000 euros pour un prêt sans intérêts et le plafond global emprunté ne pourra dépasser le million d’euros.
La réception de fonds en faveur d’un tiers constituant un service de paiement, les plateformes devront se soumettre à un statut d’établissement de paiement limité. Ce statut dérogatoire sera ouvert aux plateformes dont le montant total prévisionnel d’emprunt ne dépassera pas un plafond de 3 millions d’euros par mois. Ces plateformes devront alors disposer d’un capital minimum de 40 000 euros.
Enfin, la mise en relation des prêteurs et des porteurs de projets constituant une opération d’intermédiation bancaire, l’Ordonnance a créé un nouveau statut d’intermédiaire en financement participatif (IFP) chargé de mettre en relation, via un site Internet, les porteurs de projets et les personnes qui souhaitent financer ce projet.
Les plateformes habilitées à faire du crowdequity
Les plateformes de financement participatif par souscription de titres financiers auront le choix entre deux statuts : Conseiller en Investissement Participatif (CIP) et Prestataire en Service d’Investissement (PSI).
Les CIP
Le statut de CIP a été créé par l’Ordonnance. Ce statut s’adresse aux personnes morales établies en France exerçant à titre de profession habituelle une activité exclusive de conseil en investissement portant sur des offres de titres financiers au moyen d’un site Internet. L’accès à ce statut est subordonné à l’immatriculation au registre des intermédiaires (ORIAS) et à l’adhésion à une association professionnelle agréée par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Les dirigeants sont soumis à des règles de compétence et d’honorabilité.
Les CIP doivent obéir à des règles d’organisation et de bonne conduite. Ils doivent se comporter avec loyauté et surtout, toujours prendre en compte au mieux les intérêts de leurs clients (mise en garde contre les risques d’investissements, réalisation d’une véritable «due diligence» avant de proposer une offre sur le site, être transparents sur les frais et leur rémunération, etc.). Les CIP doivent aussi souscrire une assurance de responsabilité civile professionnelle.
Le statut de CIP est accessible sans contrainte capitalistique mais limite le type d’opérations proposées aux actions ordinaires et aux obligations à taux fixes. Un CIP ne peut pas proposer ses services au sein de l’Espace Economique Européen.
Les PSI
Les PSI sont selon l’AMF des «entreprises d’investissement et des établissements de crédit ayant reçu un agrément pour fournir des services d’investissement. L’exercice de chacun de ces services est soumis au respect de règles de bonne conduite et d’organisation ; après avis de l’AMF, l’agrément est délivré par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qui tient à jour la liste des prestataires agréés».
Les contraintes capitalistiques du PSI sont importantes puisque son agrément est subordonné à la constitution d’un capital minimum de 50 000 euros s’il ne détient pas de fonds appartenant à la clientèle et de 125 000 euros minimum s’il en détient. Cependant, le PSI sera en mesure de disposer d’un passeport européen et de proposer toutes les catégories de titres financiers.
Le label «plateforme de financement participatif régulée par les autorités françaises»
Les plateformes de crowfunding sont soumises à des contraintes strictes de transparence, de bonne conduite, de compétences et d’incompatibilités, de site Internet à accès progressif, tout cela en vue de protéger le client. Un label «plateforme de financement participatif régulée par les autorités françaises» va être mis en place progressivement. Son but sera de donner un signal de confiance supplémentaire aux internautes.
Crowdequity : les dérogations au droit boursier et au droit des sociétés
La dispense de prospectus
En matière boursière, chaque plateforme de crowdfunding était susceptible d’entrer dans le champ d’application de l’offre de titres au public, imposant en conséquence le dépôt et le visa AMF d’un prospectus. L’Ordonnance et le Décret ont dispensé de l’établissement d’un prospectus l’offre qui :
– porte sur des titres financiers qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation ;
– est proposée par l’intermédiaire d’un prestataire de services ou d’un conseiller en financement participatif par le biais d’un site Internet respectant les caractéristiques fixées par le règlement général de l’AMF ;
– est d’un montant total inférieur à 1 million d’euros calculé sur une période de 12 mois qui suit la date de la première offre.
Même lorsque ces conditions sont remplies, un certain nombre d’informations devront être obligatoirement disponibles.
La possibilité d’investir dans des sociétés par actions simplifiées (SAS)
En droit français, il est interdit aux SAS de faire des offres aux investisseurs individuels. Cependant, à la suite de la réforme, les SAS sont également éligibles au crowdfunding. En contrepartie, elles perdent une partie de leur souplesse.
Ainsi, la SAS devra appliquer certaines règles prévues pour la consultation des actionnaires de société anonyme (SA) en assemblée :
– les modifications des statuts ne pourront être décidées qu’en assemblée générale extraordinaire dans les mêmes conditions de quorum et de majorité que pour les SA et les autres décisions collectives relèveront de la compétence de l’assemblée ordinaire dans les mêmes conditions ;
– l’assemblée ne pourra délibérer que sur les questions inscrites à l’ordre du jour ; toutefois, comme dans les SA, elle pourra en toutes circonstances révoquer et remplacer les administrateurs et les membres du conseil de surveillance si la SAS comporte ce type de dirigeants ;
– le droit de vote attaché aux actions devra être le même que dans les SA (droit proportionnel à la quotité de capital, sauf institution dans les statuts d’un droit de vote double ou d’un plafond limitant le nombre de voix pour chaque associé).
Bien que le texte ne le précise pas, ces règles s’appliqueront nonobstant toute clause contraire des statuts à compter du jour où les titres de la société seront proposés sur Internet.
Enfin, la convocation des associés devra être faite dans des conditions de forme et de délai fixées par décret. Toute assemblée irrégulièrement convoquée pourra être annulée. Toutefois, l’action en nullité ne sera pas recevable lorsque tous les associés seront présents ou représentés.
Il convient de noter que si la société proposant les titres est une holding ayant pour objet de détenir et de gérer des participations dans une autre société, les modifications statutaires sont également requises pour la SAS dans laquelle elle détient des participations.